Démasquée
de Larousse
— Christelle ?
— Hum ?
— C'est quoi ça ?
Ma sœur pointe du doigt l'onglet bleu avec une pointe de stylo plume blanche sur mon ordinateur.
— Rien, rien... Fin c'est pour du travail.
— Ah...
***
— Christelle, tu peux me montrer ce qu'a envoyé ta prof de théâtre par mail ?
— Oui.
J'ouvre internet. Merde. La page s'ouvre sur le journal de bord Scribay. Je change de page, affolée sans le montrer, sentant mes joues s'empourprer. Je vais sur ma boîte mail, satisfais la requête de maman en souhaitant qu'elle s'en aille au plus vite.
***
Je sors de la salle de bain, douchée et habillée. Je me dirige vers ma chambre. Arrivée sur le pas de la porte, je me fige. Maman est assise à mon bureau, manipulant ma souris d'ordinateur sur un écran à en-tête bleue. Bordel ! Qu'est-ce qu'elle fout là-dessus ?! D'habitude je le ferme quand je vais me doucher ! J'ai dû oublier... Meeerde !
— Qu'est-ce que c'est que ça ?
— C'est un... site ?
Elle se tait. Comme je m'y attendais, ma réponse ne lui convient pas.
— Un site de... de lecture. Je lis dessus.
Silence.
— Des gens postent des textes. J'en lis certains.
— Et toi ?
— Moi quoi ? demandé-je innocemment.
— Tu postes ?
— Euh... nnn...
Je vois dans son regard qu'elle a compris.
— Noui ?
— Bien, j'ai cru que tu me prenais pour une imbécile. Je sais lire, quand même, dit-elle en me montrant la rubrique "chapitres en cours d'écriture".
— Hum...
— Et tu écris beaucoup ? interroge-t-elle.
— Euh... Un peu.
— Ah oui, c'est pour ça que tu as 115 œuvres à ton actif.
Son ton est ironique. Merde, elle a été voir mon profil. Je repense à mes derniers textes. Plusieurs parlent d'amour. Putain ça sent les questions suspicieuses à plein nez. Pourvu qu'elle n'ait pas été les lire, eux et d'autres ! C'est comme si elle sautait à pieds joints dans mon journal intime ! Y a plein de gens dont je parle qu'elle connaît. Merde !
— C'est pas énor...
Ta gueule Christelle, tu t'enfonces encore plus !
— J'aime bien ça, me corrigé-je.
— Et donc y en a qui te lisent ?
— Moui ?
— Et pas moi ?
— Ben... non.
Son regard m'oblige à me justifier.
— Tu... Je t'avais proposé une fois mais tu m'en as jamais reparlé.
— Et... c'est qui ça ?
Je vois la souris se diriger dangeureusement vers le haut à droite de l'écran. Les messages privés. Elle fait des ronds autour de la conversation la plus récente. Elle déchiffre les pseudos :
— PM34, Kagom-je-sais pas quoi et... fin eux, là.
Putain en plus y a une nouvelle notif.
— C'est euh... Des gens ? bredouillé-je.
Elle clique. J'ai chaud. Pourvu que les derniers messages ne racontent pas (trop) n'importe quoi... Ce qui me paraît très peu probable. Je devine maman survoller rapidement les quelques lignes, remonter dans la discussion, remonter encore...
— Des... gens ? C'est pour ça que vous parlez autant, dit-t-elle, faisant toujours défiler les messages.
Je soupire. Je suis cuite du début jusqu'à la fin.
— C'est mes amis.
Le mot la fait tiquer.
— Tes "amis" ? On est sur internet, là, Christelle. C'est pas des gens que tu connais ?
— En vrai, non, mais ça n'empêche que ce sont mes amis.
— Tes "amis", jeune fille ! C'est peut-être des pervers de soixante ans !
Le ton est monté d'un cran.
— Maman, j'ai suffisamment discuté avec eux pour savoir que non...
— Et ce n'est pas nouveau que les gens malintentionnés excellent dans leur jeu ! C'est totalement imprudent, ce que tu fais !
— Maman, écoute-moi ! On est sur une plateforme d'écriture ici. Les gens écrivent et bien souvent sur leurs émotions, leur vie... Alors oui, on peut être un pervers cohérent par messages, mais par message ET sur des dizaines de textes, c'est impossible. C'est criant de vérité, ce qu'ils écrivent, ça peut pas être un leurre. Fais-moi confiance, c'est des gens bien.
Elle ne semble pas convaincue. Alors j'essaie de la persuader si tant est que ce soit possible.
— Tu vois les deux f...
Merde ! J'allais sortir une de ces conneries ! J'allais lui dire qu'on s'était écrit des lettres, histoire de lui montrer à quel point on est potes. Ce qui signifie que j'ai donné mon adresse à des inconnus. Elle m'aurait trucidée.
— Non, rien...
— Si, vas-y.
Je secoue la tête, mais elle m'intime d'un froncement de sourcils de continuer ma phrase.
— J'allais dire que...
Je me creuse la tête pour trouver quelque chose à dire.
— Que... Que je les considères autant comme mes amis que Oriane, Zoé,...
— C'est des filles ?
— Oui. Non. Non. Y a un mec.
Elle réagit au quart de tout.
— Tu fais attention !
— Maman ! Je les connais, je te dis.
Elle soupire puis se tait pendant de longues secondes.
— Et t'écris sur ta vie, toi ?
Oups, question délicate.
— Ben... ouais, un peu.
— Donc tu racontes ta vie à n'importe qui ?
— Mais maman, j'écris ce que je veux ! Et puis je m'inspire de ce que je vis, c'est juste normal !
— Sauf qu'en face, ce sont des INCONNUS ! Tu ne connais rien d'eux mais tu leur donnes des clés pour te faire du mal !
— Sauf qu'ils ne peuvent pas distinguer ce qui est autobiographique de ce qui ne l'est pas.
— Pour ça que tu as dit que tes "amis" écrivent des choses criantes de vérités...
J'arriverai pas à lui faire comprendre. Je baisse la tête.
— Donc tu écris beaucoup, tu racontes ta vie, tu lis plein de gens et tu parles à des inconnus que tu considères comme tes amis... C'est ça le bilan ?
J'ai la gorge nouée. Et j'abandonne l'idée de lui rentrer dans la tête que les pseudos dont on parle sont plus que des avatars pixelisés.
— Ouais... Et j'aime ça, c'est l'essentiel, non ?
Elle se lève sans dire un mot et lorsqu'elle passe la porte, lance par-dessus son épaule :
— Je vais en parler avec ton père.
Merde. Alors non seulement j'ai dû, contrainte et forcée, enlever mon masque, centimètre après centimètre sans qu'il ne reste rien pour cacher mes secrets, mais en plus cette réalité va éclater au grand jour dans toute la famille et je ne pourrais plus jamais être tranquille à ce sujet. Super. Vraiment super. Je crois qu'on peut dire que je suis démasquée.
Table des matières
En réponse au défi
Écrire à partir d'une illustration
Bonjour,
Pour ce défi (qui existe sans doute déjà), je vous demanderais d'écrire en vous inspirant de l'une de ces cinq illustrations :
- https://pixabay.com/images/id-4913150/
- https://pixabay.com/images/id-4820472/
- https://pixabay.com/images/id-4912475/
- https://pixabay.com/images/id-4826065/
- https://pixabay.com/images/id-4804609/
Toutes sont libres de droit, je vous demanderais donc de télécharger celle qui vous intéresse et de vous en servir de couverture.
Il n'y a aucune restrictions de genre, thème ou longueur, mais le lien entre l'image et le texte doit être explicite.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poser en commentaires.
À vos plumes !
Commentaires & Discussions
Démasquée | Chapitre | 65 messages | 4 ans |
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