En province
L'autocar grimpe la montée, de sa chambre, elle le voit prendre péniblement le grand virage, le vrombissement de son moteur vient mourir aux portes du village, d'impatience, elle joue avec son collier de perles. Enfin, sous un soleil de plomb, il s'arrête sur la place, et vomit ses passagers harassés de fatigue et de chaleur. Ils s'en vont au bras d'un époux, d'une sœur ou d'un ami venu les chercher, disparaissent dans l'ombre de l'église ou des ruelles rendant la place à sa monotonie.
Seul demeure immobile, sa valise à ses pieds, un jeune garçon d'une dizaine d'années à peine, à qui le chauffeur demande son nom, elle distingue sa tête dodeliner en guise de réponse.
- Voilà donc Germain. Se dit-elle lâchant son collier et se penchant plus avant par la fenêtre. - Que vais-je bien pouvoir faire de lui ? Soupire-t-elle, maugréant contre elle-même d'avoir cédé aux supplications de sa belle-sœur qui, raison de période financière difficile, se voit l'obligation de se séparer momentanément de son fils.
- Le petit est là Louise. Vient lui annoncer sa voisine et amie, Emma Desportes.
- Je vois, je vois, répond-elle peu encline à descendre.
Elle aventure à nouveau un œil en direction de l'enfant, celui-ci, sa valise au bout du bras, suit docilement le chauffeur qui l'installe à la terrasse du café Grandjean.
- Louise, tu ne peux pas le faire attendre ! S'irrite Emma.
- Non tu as raison, allons voir de plus près. Réplique-t-elle fermant sèchement la fenêtre.
- Il n'a pas l'air bien méchant.
- Ils le sont tous quand ils ne connaissent personne.
- Louise !
- Chut.
Madame Grandjean et sa belle-fille, encadrent le petit Germain lorsqu'elles se présentent toutes les deux devant la terrasse.
- Il avait soif, alors, on lui a offert une grenadine.
- Je vois.
- Voilà ta tante mon petit. Fait madame Grandjean, lui posant amicalement la main sur l'épaule.
- Bonjour, avance-t-il timidement.
- Tu as peut-être faim ? Lui demande Emma s'asseyant près de lui.
- Oui, un peu.
- Bon, ici, il n'y a pas grand chose à faire, si ce n'est se baigner, courir la campagne, attraper des sauterelles et faire de la bicyclette. Déclame Louise s'asseyant à son tour.
- Aimes-tu la bicyclette ? L'interroge Emma.
- Je ne sais pas, je n'en n'ai jamais fait. A Paris, je marche ou je prends le bus ou le métropolitain.
- Et bien, il va falloir apprendre à pédaler maintenant. Déclare Louise commandant une assiette de charcuterie afin qu'il se restaure.
Germain, un peu tendu, examine le village, embrasse d'un regard inquiet la place dont les maisons aux volets croisés, semblent endormies. Madame Grandjean et sa belle-fille, dressent rapidement une table, l'installent confortablement, et l'invitent gentiment à se servir. Louise, songeuse, le regarde manger, boire, reprendre son souffle, sourire aux uns et aux autres.
- Nous t'avons préparé la chambre de ton père, tu verras, tu seras bien.
- C'est ce que m'a dit maman.
- Et bien elle a bien fait.
Germain a fini, Louise remercie madame Grandjean et sa belle-fille pour leur hospitalité, salue les voisins venus en curieux puis, prenant d'une main la valise du garçonnet et de l'autre sa vareuse, rallie sa maison.
- Voilà, c'est ton nouveau chez toi. Dit-elle, déposant la valise au pied des escaliers.
- Qu'en penses-tu ? Demande Emma.
Germain, muet, les yeux bien ouverts, ne sait quoi répondre, Paris et ses copains sont si loin, son cœur vacille, la gorge lui pique.
- Une bonne nuit, et demain, en allant à la rivière, nous te montrerons ton école.
- Oui, fait-il avec la tête, ne souhaitant pas contrarier son hôte.
- Suis-moi, je vais te montrer ta chambre à l'étage, je suis sûre qu'elle va te plaire. Oh elle
n'est pas très grande mais elle sera bien à toi.
Germain, intimidé, s'avance, fixe les persiennes par lesquelles le soleil cherche à entrer, scrute les maquettes d'avions qui occupent les trois étagères murales, et se tourne vers sa tante.
- Te plaît-elle ? Lui demande cette dernière
- Oui, beaucoup. Répond-il souriant.
- Parfait. Et bien maintenant, Emma et moi, allons te préparer un bain pour ôter la poussière du voyage, et ensuite, tu nous diras comment tu vois l'été qui arrive. Lui annonce-t-elle lui caressant doucement le menton.
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