Partie VI - Karel VS Phényxia

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- Lève-toi, s'ordonna-t-il, allez.

En réponse à cet ordre mental, Karel banda sa volonté pour forcer son corps meurtri à lui obéir. Il ne pouvait pas baisser les bras.

Il se concentra sur la douleur que lui causaient les brûlures causées par la démone. S'il avait encore des sensations, alors il pouvait reprendre connaissance et se mouvoir. Il focalisa son esprit sur la sensation de ses plaies afin d'ignorer plus aisément son angoisse grandissante. Comment, même en luttant à quatre contre cette maudite femme, même en se servant des pouvoirs draconiques qu'ils avaient reçu au cours de leur périple, ne parvenaient-ils pas à venir à bout de Phényxia ?

Enfin, il parvint à ouvrir les yeux. Son corps lui faisait mal. Il se redressa malgré-tout.

À plusieurs mètres en face de lui, Phényxia et son irritante condescendance. Autour de lui, ses amis, dans le même état que lui. Ou peut-être pire.

- Oh... susurra Phényxia, tu n'abandonnes toujours pas ? Quel dommage... je risque de t'abîmer encore plus, petit Sans-Voix.

Karel ignora ce surnom personnalisé à son égard. Cela ne l'atteignait plus, surtout venant d'une personnalité aussi méprisable à ses yeux. Dans un dernier effort, il parvint enfin à se relever en ignorant son corps qui criait grâce. S'il désapprouvait Serymar sur de nombreux points, il avait enfin appris à faire la part des choses, et à ne plus redouter de devenir une mauvaise personne en usant de tout ce qu'il lui avait appris pendant douze ans.

Parmi ces nombreux apprentissages, le Mage lui avait appris à affronter plus fort que lui et à ne jamais baisser la tête.

Alors il se redressa. La colère gonfla son coeur en pensant à ses amis blessés et affaiblis tout autour de lui. À cette odieuse femme qui les avait menacé et affichait cette insupportable expression victorieuse, à toutes les idées tordues qu'elle devait imaginer pour tenter de les torturer encore seulement pour le plaisir.

Pour avoir presque rasé la ville de Sheyral pour le retrouver avec Aquilée.

Pour avoir blessé Valkor et tué de ce fait de nombreux innocents.

Pour avoir assassiné le mari de Lyrielle dans d'atroces souffrances, privant leur petit garçon d'un père aimant.

Pour chercher à leur voler les pouvoirs que les Dragons leurs avaient conféré.

Pour avoir blessé ses amis.

Pour avoir blessé sa soeur.

Pour avoir vendu Elma à ce monstre à l'oeil rouge dans le but ridicule de piéger son ancien Maître.

- Karel... entendit-il, qu'est-ce que tu comptes faire ?

Il lui fut difficile d'ignorer la voix inquiète de sa soeur qui ne parvenait plus à se relever au même titre que leurs amis.

- Pardon, Lya. Je sais que je te l'avais promis. Pour vous protéger, je vais devoir briser ma promesse.

Il lui jeta un regard et lui sourit tristement. Lya blêmit et s'agita.

- Ne fais pas ça, je t'en supplie !

Karel fit un pas en direction de Phényxia qui ne se départit pas de son sourire mauvais :

- Bien. J'aime les hommes qui veulent en découdre. Quels tours as-tu encore dans ta manche, petit Sans-Voix ? Amuse-moi. Impressionne-moi donc si tu le peux ! Et... peut-être que je serais clémente avec vous.

Karel raffermit la poigne sur le manche de son artéfact. La lame de l'épée se mit à luire des couleurs de la terre alors qu'il appelait son pouvoir. Tous ses pouvoirs. Les siens, ceux des Dragons. Le jeune homme jeta un bref coup d'oeil à son bras gauche, là où une cicatrice d'enfance se dissimulait sous sa manche : même en infime quantité, le sang de Serymar avait transformé sa constitution. Un effet secondaire dont il comptait tirer parti encore aujourd'hui, mais d'une manière plus poussée encore. C'était risqué, mais ça en valait la peine.

Il ignora les supplications de ses amis et de Lya. Karel déploya tout d'abord son pouvoir psychique en les isolant du combat via un bouclier invisible, en espérant que cela soit suffisant pour les protéger de la suite. Il pointa aussitôt sa lame en direction du sol et la terre trembla. De hauts murs de pierre s'élevèrent tout autout de Phényxia et de lui-même, comme pour contenir les dégâts à venir.

Phényxia ricanna :

- Si tu crois que ça sera suffisant pour protéger tes amis, tu te trompes lourdement ! C'est tout ce que le Bâtard t'a appris ? Je suis déçue ! Je ne peux plus attendre, viens donc à moi, je parviendrai à te faire hurler !

Elle s'élança aussitôt sur lui en invoquant des flammes qui remplirent aussitôt l'arène improvisée. Karel appela aussitôt le pouvoir de Vohon' afin d'écarter les puissantes flammes de lui. Il appela également la célérité conférée par Zmeï et esquiva ainsi le coup mortel de Phényxia de justesse, afin de pouvoir rivaliser avec la vitesse fulgurante de la démone. Il appela ensuite le pouvoir de Némésis pour devenir invisible pour échapper à la précision redoutable de ses yeux de fauve.

- Tu crois que ça m'empêchera de t'étriper ? éructa la démone.

- Non, mais au moins, j'ai plus de chances de t'esquiver.

Elle pivota à une vitesse fulgurante sur un pied et le frôla de près. Karel tenta une des techniques de Serymar : il se téléporta aussitôt pour se retrouver dans le dos de la démone pour tenter de la frapper au niveau de sa gorge. Phényxia se retourna vivement et avorta son geste en le bloquant aussitôt.

- Tu as beau avoir été désigné par les Dragons, tu ne restes qu'un petit humain misérable ! lui asséna-t-elle, tu crois vraiment pouvoir rivaliser contre moi ?

Karel ne perdit pas son calme. Cette situation, il y avait été entraîné de nombreuses fois. Phényxia usa de ses pouvoirs pour lui brûler son bras. Il invoqua des racines qui percèrent la terre et le feu à leurs pieds pour attaquer Phényxia et la contraindre à le lâcher. Il y mit une grande énergie, de manière à l'obliger à s'éloigner. Ses racines se consummèrent très vite.

En usant de tous ces pouvoirs en même temps, Karel sentit son énergie magique commencer à s'amenuiser. Il devait faire vite. Il avait seulement besoin de quelques secondes. Phényxia le harcela d'attaques, l'empêchant de mettre en oeuvre son projet.

- Et si... ?

Karel décida de jouer le tout pour le tout, sans savoir s'il y parviendrait. Si son Maître était plutôt doué dans ce genre de manoeuvre, cela ne signifiait pas que ça serait son cas. Le jeune homme décida d'user de la manipulation.

"Les personnes comme Phényxia aiment se vanter et faire étalage de leur prétendue supériorité de part leur statut élevé."

Sauf que Karel ne parlait pas. Comment pouvait-il jouer de cette technique de manipulation ?


Il appela le pouvoir d'Onyx et plusieurs monticules de terre apparurent dans l'arène. Phényxia fut au moins suffisamment intriguée pour regarder ce qui se passait d'un air méfiant. Chaque monticule s'affina jusqu'à prendre l'apparence parfaite de Karel.

- Tu me prends pour une idiote, Sans-Voix ? cracha-t-elle, tu crois vraiment que tu vas m'avoir avec ça ?

- Parfait.

Afin de donner plus de réalisme, Karel leur insuffla un peu de son pouvoir psychique afin de donner l'illusion qu'il avait pris la place de l'un d'eux.

- Ça sera vite fait.

Phényxia déploya ses ailes de flammes et quitta le sol. Karel en profita très vite pour planter soudain son épée dans le sol et laissa exploser son pouvoir. Il se laissa déborder et en perdit rapidement la maîtrise. Pile ce qu'il souhaitait. Il espérait que sa théorie sur le pouvoir du sang de Serymar serait suffisant pour épargner sa vie.

Son coeur s'accéléra si vite qu'il eut du mal à respirer. Ses muscles se tendirent d'une douleur atroce, qui lui sembla double du fait qu'il ne pouvait hurler. Il sentit ses veines brûler, ses tempes battre si violemment qu'il crut exploser de l'intérieur, membre par membre, alors que ses pouvoirs explosaient. Ses doigts serrèrent plus encore son artéfact, dans le but désespéré de ne pas lâcher avant d'être certain d'avoir mis Phényxia hors d'état de nuire.

Karel banda ce qui lui resta de volonté pour diriger toute cette énergie en direction de Phényxia.

Il sentit ses pouvoirs percuter quelque chose et entendit un hurlement qui lui sembla lointain alors que son énergie fut comme aspirée hors de son propre corps.

À la fin de cette longue tension, les flammes, les murs et le bouclier psychique avaient disparus. Karel eut à peine le temps d'apercevoir Lya et leurs amis, blêmes et inquiets. Il aperçut vaguement le terrain détruit. Et surtout, le corps de Phényxia enfin à terre.

- Enfin... libres...

Sa conscience le quitta sur cette dernière pensée, soulagé.

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