L'action se déroule dans une lointaine galaxie de la banlieue nord du Caire.

Jack est sur un coussin en peau de zèbre? devant un bol de croquettes aux loukoums. Un colosse le ventile avec un éventail en feuilles de palmier.

Le pépère est cool, il a oublié ses origines et son panier en velours made in china. Par contre, nous ne sommes pas logés à la même enseigne. Il fait une chaleur à pas mettre un lézard dehors sous cette tente en mohair. Rien que de penser à de la glace, ton cerveau risque le choc thermique.

Perso, j'ai sorti tous mes poils disponibles pour mettre ma peau à l'ombre. Gréta s'est liquéfiée et si ça continue, elle va nous redémontrer la maxime de Lavoisier... Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Je ne l'ai jamais vu dans cet état. À chaque respiration, elle rejette deux litres de CO2. A ce rythme, on va tous mourir asphyxiés.

Gunther est calme comme un scorpion sous antidépresseur. Il gueule, insulte, se lève en donnant des coups de pied dans le sable et se rassoit aussitôt en chialant.

Le baron étudie l'architecture de la tente et prend des notes sur un calpin qui servira certainement à titre posthume d'allume barbecue pour un méchoui.

Nous ne sommes pas fixés sur notre sort car nous n'avons aucune valeur marchande contrairement à Georges.

"Crac, crac, crac... "

— C'est quoi ce bruit ? demande Gréta

— Certainement des petits rats ! ajoute Günther suivi par les mots emblématiques du Baron qui ont à une époque heureusement révolue défrayés la chronique :

— De l'opéra !

Tu vois le silence qui suit le requiem de Mozart. Ce silence où tu peux mourir en te disant que tu t'en fous car ta vie a été de la merde mais que l'odeur a disparu et qu'il reste l'essentiel. L'espérance d'un monde meilleur avec un traitement des déchets. Ah ! rêverie, quand tu nous tiens !

Donc, les bons mots du Baron entreront dans les annales d'un fennec sodomite.

— Jack ! s'écrie Gréta en voyant la petite tête du chien sortir du trou à rats. Le canidé a échappé à la surveillance de son gardien, et saute dans les bras de sa maîtresse qui pleure des larmes à l'horizontal, soumises plus à la force centrifuge qu'à la gravité. Du temps de Newton, elle nous aurait fait un jus de pomme.

Il ne nous a pas abandonné pour ne pas décevoir les lecteurs.

— Regardez, la terre est molle à l'endroit où il est passé ! lance Gréta toute fière de sa découverte.

— C'est un peu le principe du sable, rétorque le Baron sur un air moqueur qui déclenche un grognement de Jack.

— Oui mais je pense qu'il est particulièrement friable. Dis-je.

Nous nous mettons à creuser de toutes nos forces et au bout de quelques minutes nous pouvons envisager de tous passer de l'autre côté de la tente. Tous ? bien sûr que non, ma Gréta peut juste espèrer passer une jambe.

— Laissez-moi ! dit-elle avec la grâce d'un camionneur en panne sur l'autoroute.

— Il n'en est pas question ! crie Günther qui vient de se rappeler qu'il est son père.

Nous n'avons pas le temps des pharaons pour agrandir le trou et Ahmed passe le premier, s'ensuit un bruit sourd à l'extérieur, puis il entre à nouveau mais par l'entrée ce coup-ci. Vous suivez ?

— J'ai maîtrisé le garde. Allons chercher Georges dans la suite.

Oui, on peut considérer que c'est une suite puisque la salle de bains est attenantes aux.. Bon laissons tomber. Un autre bruit sourd et Ahmed revient avec Georges qui a la tête des jours d'inventaires.

Jack se lève sur ses pattes arrières pour nous signifier de le suivre, ce que nous faisons sans rechigner en étant tous d'accord pour une fois. Et en plus, il a l'air de connaître le coin et nous mène droit dans une grotte très haute de plafond.

Le baron allume son briquet Dupond en évitant le souffle de Gréta et nous découvrons la version réduite de Padirac avec un petit bruit lointain qui ressemble fortement à une source, voire une rivière souterraine. Tu y crois à ça ?

Tu as intérêt sinon il n'y a pas de prochain épisode.