18h00 - 19h00
L'action se passe entre 18h00 et 19h00 dans la banlieue nord du Caire.
— Si on descendait le derviche tourneur. Dit Günther.
Le patron est décroché du ventilateur par Gréta avec la délicatesse d'un rhinocéros décollant du papier peint. Le gars arrive au sol à la vitesse d'un électron libre suivi de peu du lustre qui vient lui fracasser le crâne. Par chance, il est conscient et Youssef entame une série de questions. Se prenant pour un animateur de télé, il pose les questions à la manière d'un quizz en regardant sa montre.
Bien sûr, nous ne comprenons pas ce qu'ils se disent mais le gars y répond avec les yeux grands ouverts d'un gamin de cinq ans devant le Père Noël.
— Y dit quoi ! lance Gréta, un peu énervée par la version originale sans sous-titres.
— Il dit que l'on est les ennemis du peuple et que notre heure a sonné. Que nous allons mourir de la main de Dieu ! répond Youssef.
— Dis-lui que c'est la main de Gréta qu'il va reprendre dans la tronche si il ne nous dit pas ce qu'il sait.
Youssef le prévient et sort une nouvelle liste de questions qu'il a dans sa hotte mais le patron s'éteint d'un coup préférant mourir que de refaire un tour de manège.
— Il est mort ! dit Youssef. Il faut partir en vitesse avant l'arrivée des flics.
Nous plions vite fait et partons en courant dans la ruelle avec des yeux hostiles qui nous suivent dans notre course. Nous voilà hors d'atteinte et reprenons notre souffle en entendant les sirènes de la police.
— Il nous faut retrouver Georges avant qu'il ne le tue. À moins qu'il ne soit déjà mort.
— Il nous faut un plan ! dit Günther.
— Du Caire ? Ajoute Youssef.
— Non ! dis-je. Un plan d'action pour retrouver Georges. On ne peut plus compter sur la Police. Le mieux serait de retourner à l’hôtel et de prendre contact avec Samir.
— Quiiii ééé Chaaamiiiir ? s’esclaffe Gréta dont les poumons ont lâché et qui ventile par les yeux. C'est fou cette faculté de pouvoir se transformer d'un coup en chambre froide.
— C'est le contact de dernier recours que m'a donné Georges au cas où il lui arriverait malheur. Mais il nous faut aller dans le quartier de Boulaq et c'est pas l'avenue Montaigne. Va falloir être encore plus prudent !
Seul Jack reste confiant en nous indiquant le chemin de retour comme s'il avait passé sa vie ici et se fait engueuler à chaque fois qu'il lève la patte sur l'étalage d'un marchand. Gréta baragouine des trucs et distribue de la monnaie en se prenant pour Soraya la femme du chah d'Iran.
Je lui dis qu'elle peut faire des chèques si elle veut. Malheureusement, elle comprend qu'elle peut se faire un cheik si elle veut et me regarde avec tristesse et déception qui se caractérisent chez elle par la fameuse déconnexion mentale et l'arrêt immédiat des turbines. Le standby quoi !
Donc, nous sommes dans une ruelle, immobilisés, à attendre la reprise en activité du cerveau de Gréta avec l'impossibilité de déplacer ma chérie sachant que la loi de Newton sur la gravité nous en empêche. Pourtant, la gravité est doublement là et il ne faut pas prendre la situation à la légère.
Nous nous asseyons tous en tailleur autour de la Fatima berlinoise à espérer une illumination. Sachant pertinemment qu'elle même, elle est ailleurs. Comme tout ce qui est improbable arrive, une personne, puis deux , puis trois s'approchent et s’assoient en cercle à nos côtés curieux de voir Gréta avec la pose d'un catcheur s'apercevant qu'il marche sur une mine antipersonnelle. La situation est verrouillée et nous ne sommes pas au bout de nos pênes*.
* pas de faute.
Annotations