20h00 - 21h00
Pas question de partir demain, on est dans 24 heures chronopost ! Donc, au lieu d'aller nous coucher, nous partons pour Boulaq avec des têtes de Zombies, les yeux injectés de sang et une allure de grands brûlés. Günther montre à tous les passants que l'on rencontre les selfies de Georges avec les hôtesses de l'air.
Le quartier est loin d'être sûr, mais c'est plutôt nous qui faisons peur. Les visages des gens sont aussi souriants que la famille Kim Jung* devant la charte des droits de l'homme.
— Toi connaître ! lance Günther en montrant les photos.
— Non, Monsieur, je suis désolé de ne pouvoir vous renseigner.
Günther s'aperçoit du coup que c'est à un touriste qu'il vient de parler.
— Oh ! excusez-moi ! dit -il dans un râle.
Les excuses dans sa bouche ressemble à un repentir de Pinochet* (en un seul mot) la veille de sa mort.
— Je me présente, Baron de Quinterville, je suis archéologue et responsable des fouilles sur le site de Khéops.
je m'empresse de présenter l'équipe ainsi que notre venue au Caire et l'enlèvement de Georges. Il me soumet de faire appel à la police et je lui explique que le patron du bar a été héliporté dans une autre vie par Gréta. Nous sympathisons et il propose de nous emmener chez son chef de chantier, Ahmed, qui selon lui, pourra nous aider.
Nous nous laissons guider par le Baron. Il est grand, mince, élégant, distingué, porte un costume beige et un chapeau en feutre assorti. Et des : "je vous en prie", "je n'en ferai rien", "comme il vous plaira". Puis, nous assure qu'il va nous sortir de ce mauvais pas. Gréta est hypnotisée par le charmeur de serments.
Nous arrivons devant une casbah. Après trois petits coups sur la porte, celle-ci s'ouvre et Ahmed nous fait entrer sans poser de questions. C'est un homme petit et aimable avec un sourire de martyre. Günther aime l'humilité du bonhomme et le gratifie d'un 'salamalec' en claquant des talons.
Nous arrivons dans une sorte de patio où nous attend un service de thé à la menthe. Gréta guette le pizzaiolo ( feu de bois, vous vous rappelez ?) Donc, le baron nous fait tout un laïus sur son boulot, ses recherches, ses découvertes, les pyramides, les catacombes, et finit par son petit meublé où il habite.
Il est gentil, le nettoyeur de fossiles mais nous sommes tous tellement crevés que les paupières sont en berne comme pour un jour de deuil national. Il n'y a que Youssef qui résiste à quelqu'un qui débite des paroles en vrac, ça lui rappelle son rayon charcuterie.
— Le Baron vient de me parler du Samir que vous cherchez ! dit Ahmed. Sa boutique est à quelques pas d'ici. Je ne sais pas ce que votre Georges est pour lui, mais cet homme a une réputation de bandit. Sa boutique de lingerie et draps fins n'est qu'une couverture, beaucoup disent qu'il traficote entre drogue et vente d'armes.
Son français est excellent, Youssef n'en revient pas et lui demande s'il a suivi les cours Pigier comme lui. De là, s'en suit une conversation qui intéresserait un lapin après une lobotomie. Avant que de comprendre le fonctionnement de l'approche modulaire de la grammaire et du bagage génétique de l'homme, je propose de repartir tous ensemble chez Pablo Escobar* dit Samir.
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Kim Jung* : Chef suprême de Corée du Nord.
Pinochet* : Dictateur Chilien.
Pablo Escobar* : Trafiquant colombien de cocaïne.
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