Une vie de caillou

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Mais… Qu’est-ce que je fais ici ? Comment suis-je arrivé sur ce chemin ? Hier soir, je me souviens de m’être endormi dans mon lit, comme d’habitude. Et maintenant, je me retrouve au milieu de nulle part. Que s’est-il passé cette nuit ?

J’ai froid. Il y a du vent, ici. De là où je suis, je ne vois que la terre et des cailloux. Il faut que je rentre chez moi. Mais… Je ne peux pas bouger ! Où sont mes bras, mes jambes ? Ce n’est pas réel, ce qui se passe, je dois rêver. Je suis en plein cauchemar !

J’ai envie de crier, mais aucun son ne sort de ma bouche. Pas étonnant, puisque je n’en ai plus, de bouche. Ni de tête, ni de mains, ni de pieds… Que m’arrive-t-il ? Où est passé mon corps ?

Ça y est, j’y suis. Je dois être mort. Pourquoi je pense toujours, alors ? Je dois être devenu un fantôme. J’ai l’impression d’être enfermé dans quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas.

Peut-être me suis-je réincarné en insecte. Mais si c’était le cas, j’aurais un corps, différent de celui que j’avais, mais un corps quand même. Et je pourrais bouger. Tandis que là, non.

Un bruit. Un choc sourd, répété. De plus en plus fort. Qu’est-ce que c’est ? Il se rapproche. J’ai peur, je voudrais me cacher, me sauver, mais impossible de bouger !

Le bruit s’arrête. Une ombre gigantesque me recouvre. Une chose énorme se rapproche. C’est une main. J’ai envie de crier mais en suis incapable. Des bruits me parviennent, déformés, que je ne comprends pas.

Puis je ne vois plus rien. La main s’est refermée sur moi. Il fait chaud, j’étouffe. Le géant s’est remis en mouvement et je sens le sol trembler sous ses pas.

Il s’arrête et la main s’ouvre. Ouf, je respire à nouveau. Deux yeux énormes me fixent. Une bouche géante s’ouvre et produit des sons incompréhensibles, si forts que j’ai envie de me boucher les oreilles. Ah, c’est vrai, je n’en ai plus.

La main se referme à nouveau sur moi. Je sens un mouvement rapide vers l’arrière, puis je suis projeté en avant. La vitesse me coupe le souffle, une sensation de chaleur m’envahit. Curieusement, je vois le paysage défiler au ralenti autour de moi. Je vais mourir, éclaté en mille morceaux sur les rochers. Je me recroqueville mentalement pour essayer de limiter le choc au moment de l’impact. Le sol arrive à toute vitesse et je ne peux même pas fermer les yeux.

Je rebondis plusieurs fois au sol, puis je me stabilise. Ouf ! Rien de cassé, heureusement. Le choc a été rude, mais je n’ai rien senti.

Le bruit, de nouveau. Il se rapproche. Il s’arrête brusquement mais je sens que l’on me regarde. Le choc d’une chaussure énorme me propulse à nouveau dans les airs. Ah, mais on va me laisser tranquille, à la fin !

Cette fois, je n’ai pas peur. Je profite de la vue. C’est joli, toutes ces montagnes. Ah, me voilà déjà au sol ! Finalement, c’est plutôt distrayant.

La chaussure m’envoie de nouveau dans les airs. Je comprends tout à coup ce que je suis devenu : un vulgaire caillou ! Je n’aurais jamais cru que ça pensait, un caillou…

Si tout ça n’est qu’un cauchemar, je promets de laisser les cailloux tranquilles.

De nouveau, le géant vient de me prendre dans sa main. Il s’arrête. J’entends un bruit d’eau. Non !

Il vient de me lancer. Je vois la rivière se rapprocher à toute vitesse. C’est fini, je vais me noyer…

Brr, elle est froide. Je m’enfonce, je coule. Je vais mourir. Bah, de toute façon, je suis déjà mort.

Ça bouge, l’intérieur d’une rivière, dis donc ! Je suis balloté dans tous les sens. Je me cogne aux rochers, heureusement que je ne sens rien. Waouh, ça va super vite, c’est encore mieux que le canyoning !

Aaahh !! Qu’est-ce que c’est que ce monstre ?? Je viens de voir passer un truc bizarre, super long, qui me regardait avec deux yeux énormes et globuleux. Ah, mais j’y suis ! C’était juste un poisson.

Jusqu’où le courant va-t-il m’emmener ? Le courant devient plus fort. Il me projette hors de l’eau et me voilà sur le bord. Je ne vois que du jaune autour de moi. Il fait chaud. Au loin, je distingue une grande étendue d’eau, toute bleue. Un bruit régulier, profond, m’apaise.

Il va falloir que je m’habitue à ma nouvelle vie de caillou. Au bord de la mer, au soleil, ce n’est pas si mal…

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