Chapitre XV (1/2)

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Quand Salmus rejoignit le bord, deux heures après l’avoir quitté, il avait les épaules basses et le regard fatigué. Mais il avait presque convaincu la princesse Sanaâ de m’accorder sa protection. Celle-ci m’attendait au palais pour une audience privée afin de statuer définitivement sur mon sort. Et peut-être, de voir dans quelle mesure je valais la peine qu’elle mette son peuple en danger…

Je partis seule, malgré les mises en garde des deux capitaines, sous l'œil indifférent, mais un peu stupéfait, de mon camarade de chambrée. Cette fois, ce fut habillée en jeune Lointain que je parcourus les rues d’Héliopolis. Le jour commençait à tomber, les murs de torchis prenaient des teintes éclatantes et les ombres s’allongeaient avec beaucoup de poésie.

Une fois devant les portes du palais, je pris une grande inspiration, impressionnée par la majesté des lieux autant que par les circonstances, et j’entrai. Un serviteur vêtu de blanc des pieds à la tête m’accueillit avec déférence malgré la simplicité et l’incongruité de ma tenue, et me mena dans un vestibule ombragé à ciel ouvert. Creusé dans la roche des falaises, c’était un îlot de fraîcheur parcouru de petites artères d’eau et de fleurs exotiques aux parfums multicolores. Une vraie féérie ! Et une vraie prouesse, tant pour l’architecte que pour le jardinier de ce palais incroyable qui faisait pousser l’eau et l’ombre entre les bras d’un désert.

J’étais encore en pleine extase, bouche bée et bras ballants, lorsqu’une voix vibrante, masculine, annonça l’arrivée de la princesse Sanaâ. Elle était petite et fine, drapée dans une tunique d’un bleu éclatant que rehaussait le velours sombre de sa peau. Elle marchait d’un pas décidé, presque conquérant, qui tranchait avec sa relative jeunesse et avec sa constitution noble et délicate. Elle me regarda en silence pendant quelques secondes, le temps pour ses serviteurs de s’éclipser en refermant les immenses battants de la porte derrière eux. Pour elle me sourit, ressemblant soudain plus à une petite fille qu’à une reine trentenaire.

« - Alors c’est après toi que court le prince Rotu ? Bravo, tu lui as joué un sacré tour !

- Eh bien… J’ai juste voulu partir. Je n’ai pas beaucoup réfléchi.

- Quitter le prince de Champarfait ! Tu devais bien réaliser que tu signais ton arrêt de mort ?

- Non… Non, pas vraiment. J’ai juste voulu que cela s’arrête.

- Il t’a fait du mal ?

- Oui… Enfin… Oui.

- Il ne vaut pas mieux que sa mère ! C’est à cause d’elle que ma sœur est morte. C’est à cause d’elle que ma nièce et mon neveu se sont noyés. Les ennemis de Champarfait sont mes amis. Tu es la bienvenue ici, Lumi.

- Merci, princesse. Mais…

- Mais ?

- Je ne veux pas que des gens meurent à cause de moi. Ni ici, ni ailleurs.

- Je ne fais pas ça pour toi. Mais Héliopolis accueillera toujours une femme qui veut gagner sa liberté. Toujours. Surtout quand sa liberté risque de faire enrager Rotu et sa mère ! Reste ici, Lumi. Tu seras en sécurité. Et tu seras libre.

- Merci. Mais…

- Mais ?

- …

- Quelque chose te retient sur le bateau des Lointains ?

- Non. Enfin, ils ont tous été très gentils avec moi.

- Et c’est tout ?

- Oui.

- Pas d’amoureux, de fiancé ?

- Non. Euh… Enfin, non, personne.

- Bien ! Alors c’est décidé, tu restes. Tu seras mon invitée, jusqu’à ce que tu te sentes prête à t’installer ailleurs. Héliopolis est un grand royaume, il y a de la place pour toi. As-tu besoin de récupérer des affaires auprès des Lointains ?

- Je n’ai presque rien. Mais j’aimerais leur dire au revoir, princesse, si vous le permettez. Ils m’ont sauvé la vie en m’amenant ici. Je ne veux pas me montrer ingrate.

- Tu as raison ! Et tu as du coeur. Va donc, et à ton retour, ta chambre sera prête. »

La princesse sourit avec une bienveillance toute royale, puis elle quitta la pièce dans un élan d’étoffes bleues et de gestes décidés. A peine était-elle sortie que le serviteur revint pour m’escorter vers la sortie. Je me retrouvai à nouveau dans la rue, un peu abasourdie par la tournure que prenait ma destinée… La nuit était tombée, baignant les rues dans une encre noire que perçaient çà et là des flambeaux aux lueurs tremblotantes. Il y avait beaucoup d’animation, de rires, de voix qui distillaient leur musicalité tout au long de mon chemin.

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