(Perkinsus) - Un jour, il est venu me voir, exactement comme toi aujourd’hui. Parce qu’il sait que je suis ton ami, comme tu le dis si bien, et qu’il voulait savoir si tu allais bien. Et si tu te plaisais ici. Sur le bateau. Parmi nous tous.

(Lumi) - …

- Et quand je lui ai demandé pourquoi il ne te posait pas directement la question, il m’a dit qu’il ne voulait pas te déranger.

- Tu parles, il boude depuis qu’il sait que je suis une princesse. Enfin, que j’étais une princesse. Monsieur n’aime pas les têtes couronnées, apparemment.

- Ce n’est pas ça du tout.

- Alors pourquoi il m’évite ?

- Il dit que tu sursautes quand il s’approche. Et que le reste du temps, tu restes sur tes gardes.

- Evidemment ! Je sursaute quand il débarque par derrière et dans le noir !

- Je comprends. Mais le reste du temps, as-tu peur de lui, Lumi ?

- Non !

- C’est ce qu’il croit.

- C’est absurde.

- Je ne pense pas.

- Il a juste l’habitude que les filles lui tombent dans les bras, alors pour une fois qu’il y en a une qui lui résiste, il s’imagine je-ne-sais-quoi…

- Lumi, je commence à bien te connaître. Tu es heureuse ici, et tu te sens en confiance. Mais quelque chose change quand Orcinus est dans les parages.

- …

- Lui, il croit que c’est parce que tu ne l’apprécies pas.

- …

- Moi, je crois que c’est parce que tu l’apprécies beaucoup.

- …

- D’ailleurs, comme par hasard, depuis qu’il est cloué sur un lit à l’infirmerie, tu vas le voir tous les jours !

- Quel rapport ?

- Tant qu’il est inconscient, tu n’as plus peur.

- Tu racontes n’importe quoi, Perkinsus.

- Si tu le dis… En tout cas, tu peux être tranquille : il a parfaitement compris le message ! Et il ne viendra plus t’importuner.

- Il ne m’importune pas.

- Je le sais très bien. Mais c’est ce qu’il pense.

- D’ailleurs, il a déjà Ventura. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire de savoir ce que je pense ou ce que je ne pense pas ?

- Ventura… Tu as raison, c’est une belle fille, elle aime la mer et le théâtre autant que lui, et elle a de la suite dans les idées !

- …

- Ils seront très heureux ensemble, après tout. Bon, sur ce, je te laisse finir ta tisane, même si elle doit être froide, car j’ai promis à Tempetus et à Salmus de jouer aux cartes avec eux jusqu’au petit matin ! Ils ont une revanche à prendre… Bonne nuit, ma belle, à demain.

- Bonne nuit, Perkinsus.

- …

- Euh, Perkinsus !

- Oui, Lumi ?

- Merci. »

Il sourit, posa un instant sa main sur mon épaule dans un geste presque paternel. Puis il tourna les talons et se dirigea vers le réfectoire d’un pas souple et décidé. Heureusement, la nuit était complètement tombée et les quelques flambeaux qui éclairaient le pont ne suffisaient pas à dévoiler la rougeur qui avait couvert mes joues au fil de cette discussion si étrange.