Orcinus était tout chaud, avec ses muscles secs et fermes. Je le caressai doucement, passant du bras à l’épaule, de l’épaule au torse, tout en le félicitant pour son prompt rétablissement. Il me sourit plus fort, sa peau était frissonnante et je me laissai aller à l’explorer un peu plus. Son cœur battait vite sous mes doigts. Mais il retenait son souffle autant que ses gestes, comme un effort de tout son être pour ne pas me brusquer.

Je mis mon autre main sur sa joue, il regarda mes lèvres, mes yeux, je le fixai en retour. Puis je murmurai dans le silence de la mer :

« - J’aimerais faire quelque chose que je n’ai encore jamais fait.

(Il haussa le sourcil.)

- Quoi donc ?

- Tu ne te moqueras pas ?

- Non…

- Même si je m’y prends très mal ?

- Lumi, vraiment, j’ai mille autres choses en tête que de me moquer de toi, là…

- …

(Je me hissai sur la pointe des pieds pour approcher mes lèvres des siennes. J’hésitai à une nanoseconde du but, il respirait vite mais il attendait encore, alors je vins encore plus près et je l’embrassai… Sa bouche était fraîche, délicieuse, il me rendit mon baiser avec un appétit mâtiné de douceur. Quand je m’éloignai quelques instants plus tard, j’arborais un sourire ridicule qui le surprit.)

- Finalement, c’est toi qui rigoles…

- Oui ! Parce que je me dis que tu as triché ! Cet endroit est un véritable piège à filles, avec son ambiance de conte de fées et ses poissons multicolores.

- Je vois. Donc c’est le décor qui te fait cet effet-là ?

- Oui. Enfin, non ! Pas seulement.

- Fais attention, quand même. Ce n’est peut-être pas pour rien que je porte le nom du plus grand prédateur des océans…

- J’ai l’impression que le prédateur est aussi capable de se laisser manger.

(Il sourit franchement)

- Je suis un homme de théâtre, mademoiselle. Je sais m’adapter à mon public. A ce propos…

- Oui ?

- Tu as été mariée…

- Oui. Enfin, si on veut… Et pas longtemps.

- Et tu n’avais jamais embrassé un homme ?

- Non…

- …

- Tu me trouves ridicule ?

- Non. C’est lui que je trouve ridicule ! Et bien pire que ça. Mais je n’ai pas du tout envie d’y penser, là. Ce qui m’intéresse surtout, c’est de savoir si ton expérience a été concluante ?

(Je rougis comme un flambeau).

- …

- Parce que si oui, peut-être que tu auras l’idée de recommencer ? »

Je ne demandais pas mieux, évidemment. Alors je l’embrassai de nouveau. Cette fois-ci, ses lèvres se firent plus présentes, plus pressantes. Ses bras s’enroulèrent autour de moi comme deux lianes impatientes. Il serra mon corps contre le sien, plus près, encore plus près, il m’entraîna ainsi quelques pas en arrière sans cesser de m’embrasser. Alors je sentis, dans mon dos, le froid très lisse de la paroi de verre. Et face à moi, dur et impérieux, le désir d’Orcinus qui se pressait tout contre mon bassin.

Ce fut plus fort que moi : je sursautai, appuyant la main contre son torse pour l’éloigner un peu et retrouver à la fois mon souffle et mon espace vital. Il stoppa net, sa respiration était saccadée comme les prémices d’une tempête et il me regardait de ses yeux sombres comme la nuit sous-marine tout autour de nous.

« - Pardon, Lumi, si j’ai… Si je t’ai…

- Non, Orci. Tu n’as rien fait d’autre que ce que j’avais envie que tu fasses ! Ne t’excuse pas, s’il te plaît.

- Mais je vois bien que ça ne va pas, là.

- J’ai juste besoin d’aller doucement. Très doucement… Même si une partie de moi a très envie d’aller plus vite ! Alors je suis un peu perdue.

- …

- Je crois que j’ai besoin d’être un peu seule… Je vais rentrer au bateau.

- Bon…

- …

- Mais tu reviendras ?

- Oui ! Je te le promets. A demain. »