Chapitre XXXV (1/2)

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Je partis tout courant vers le port pour porter la bonne nouvelle à tout l’équipage. Et en effet, ce fut un immense soulagement général !

Une petite heure plus tard, tout le monde était attablé joyeusement au réfectoire, échangeant bons mots et longues histoires plus ou moins vraies, lorsque Orcinus fit sa réapparition. Il avait un peu maigri et beaucoup bronzé : sans les deux saphirs qui brûlaient dans ses yeux, il aurait presque pu passer pour un enfant du désert ! Il semblait à la fois rassuré de retrouver son bateau et ses compagnons, et en même temps, un peu perdu face à une aventure dont il ne comprenait pas lui-même les tenants et les aboutissants. Il fit le tour des tables pour saluer tout le monde, laissant son regard s’arrêter sur moi pendant une seconde suspendue, puis il s’assit là où il trouva de la place, c’est-à-dire juste en face de Ventura.

De mon côté, j’étais attablée avec Perkinsus et quelques autres équipiers qui riaient bruyamment en dégustant du rhum mariné aux épices et au gingembre de mer. Je choquai joyeusement ma timbale contre celle de mon voisin, qui m’offrit en retour un affreux sourire ironique plein de dérision.

« - Pourquoi te marres-tu, Perkinsus ?

- Pour rien…

- Allez ! Je veux bien que tu te moques de moi, mais au moins, laisse-moi rire avec toi !

- Disons que ce n’est pas avec moi qu’il fallait t’asseoir, ma grande.

- Hein ?

- Eh oui. Tout le monde sait que tu n’es pas mon genre.

- Et alors ?

- Alors, si tu veux jouer à rendre jaloux un certain jeune homme, ça ne peut pas marcher ! Car il sait très bien à quoi s’en tenir.

- Pfff ! Tu es bête, parfois, Perkinsus.

(A ce moment-là, Orcinus annonça à la cantonade qu’il était épuisé et qu’il allait retrouver sa paillasse préférée, avant de traverser la salle en boitant légèrement.)

- Tu n’es pas contente de le revoir, Lumi ?

- Si. Bien sûr.

- Très contente ?

- Eh bien ! Peut-être…

- Tu le lui as dit ?

- Je n’ai pas eu le temps.

- Bon. Tu veux un conseil ?

- Non merci.

- Trouve-le, ce temps ! »

Perkinsus avait tant de bienveillance dans la voix que je n’eus pas le cœur de lui faire remarquer qu’il se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Je finis mon verre, en repris un autre que je sirotai lentement… Et de fil en aiguille, je restai parmi les derniers noctambules, à profiter de la fraîcheur du soir et de la chaleur des échanges. Ce fut Salmus qui sonna la fin des festivités en nous envoyant tous nous coucher. Comme tout le reste de l’équipage, j’obéis, et me dirigeai vers la voilerie tandis que les autres se retiraient sur leurs bateaux-lits.

Une fois descendue dans les cales, je vis de la lumière. Orcinus ne dormait apparemment pas : sa porte était ouverte et sa chandelle allumée. Je m’arrêtai donc devant sa cabine, ou plutôt son placard. Il était là, à lire dans la lueur de la flamme, torse nu, allongé sur son lit.

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