Chapitre XLII (1/2)
Ce fut notre dernier vrai câlin avant quelque temps, car le soir même, Orcinus emménageait à l’infirmerie pour rester auprès de sa grand-mère. Celle-ci reposait sur son lit, avec des cernes mauves et la peau grisâtre, elle respirait difficilement mais lorsqu’elle ouvrait les yeux, elle réussissait encore à sourire à ses deux anges gardiens : Milos et Orcinus. L’issue fatale ne faisait toujours aucun doute, et le médecin le rappelait parfois d’une voix grave, résignée, pour éviter à Muraena autant qu’à son petit-fils de se bercer d’illusions.
Un soir, je voulus prendre des nouvelles mais je trouvai les chandelles de l’infirmerie éteintes : Orcinus et sa grand-mère dormaient, côte-à-côte, dans leurs lits jumeaux. Elle semblait brûlante et agitée, il paraissait fragile et épuisé. A quelques mètres d’eux, à travers sa porte entrebâillée, je devinai la silhouette de Milos, retranché dans sa cabine qui faisait face à son cabinet médical.
« - Bonsoir, Milos. Pardon de te déranger.
- Tu ne me déranges pas, Lumi. Bonsoir.
- Je venais voir comment allait Muraena.
- C’est gentil de ta part. Elle est consciente, mais elle passe de plus en plus de temps à dormir et la fièvre est de plus en plus forte. Ce ne sera plus long, maintenant…
- Vous tenez le coup, Orcinus et toi ?
- Moi, oui. Orcinus aussi, mais il est à bout de forces, parce que non seulement il veille sur sa grand-mère, mais en plus, il doit poursuivre sa rééducation. Sans cela, il ne pourra jamais remonter aux mâts ! Pendant que Muraena dort, il travaille ses mouvements, sa souplesse, pour retrouver toute sa mobilité… Résultat, comme tu as pu le remarquer, le soir, il ne fait pas long feu ! Et je veille sur deux malades au lieu d’une seule…
- Bon… Tu pourras les saluer pour moi, et dire à Muraena que je pense bien à elle ?
- Bien sûr.
- …
- Il y a autre chose, Lumi ? Tu es souffrante ?
- Non… Enfin, pas vraiment.
- Je t’écoute.
- C’est un peu gênant.
- Je suis médecin, tu sais… Je peux tout entendre.
- Eh bien… Pardon, Milos, de te parler de ces choses-là… Mais on ne m’a rien appris ! J’ai vaguement entendu parler de devoir conjugal, de quelque chose de sale, de honteux, de douloureux… Quand je me suis mariée, je n’avais déjà plus de mère pour m’expliquer… Et mon père n’est pas vraiment entré dans les détails.
- Je m’en doute… A Champarfait, presque tous les mariages sont arrangés et le désir est tabou. Alors j’imagine en effet que les rapports sexuels peuvent être considérés comme un mauvais moment à passer. Surtout pour les dames ! Mais, Lumi, quand tu aimes quelqu’un, quand tu te sens en confiance, quand tu en as envie… Alors cela n’a plus grand-chose à voir avec un devoir, crois-moi.
- Oui. Je… Enfin, disons que j’ai découvert cela récemment.
(Milos sourit en grand).
- Tant mieux !
- …
- Il y a autre chose dont tu aimerais me parler ?
- Milos, est-ce… Est-ce que tout ce qu’un homme fait à une femme peut donner un enfant ?
- Non… Pas tout. Pour avoir une chance de concevoir, il faut que ton amoureux aille au bout de son plaisir, tout au fond de ton ventre. Et ça ne marche pas à tous les coups !
(Je revis soudain la bestialité de Rotu, larguant sa semence comme on assène une gifle, et la moiteur d’Orcinus quand il échangeait son plaisir contre le mien)
- Et… Comment sait-on que l’on est enceinte ?
- Cela dépend. Souvent, les femmes se sentent fatiguées, nauséeuses, ballonnées. Leurs seins changent. Et leurs règles s’arrêtent.
- Oh !
- Qu’y a-t-il ?
- Je n’avais pas fait attention, mais je n’ai pas eu mes règles depuis que je vis avec vous.
- Bon… Allonge-toi ici, je vais t’examiner. Tu aimerais avoir un enfant ?
- Non ! Enfin, pas maintenant.
- Bien. Essaye de te détendre…
- …
Annotations
Versions