Chapitre L (3/3)

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(Père de Lumi) - Lumi… Je sais qu’au début, les relations entre un mari et sa femme ne sont pas toujours évidentes. Je n’ai pas su te préparer. Parfois, certaines choses peuvent être douloureuses, mais… C’est normal, tu comprends ?

(Lumi) - Non ! Rotu était brutal et méchant.

- …

- Père, je t’en prie, il faut me croire. Je dois repartir, maintenant, mais le bateau est encore à Champarfait pour trois jours. Viens me voir avant notre départ, d’accord ?

- J’essaierai, ma chérie. Si je peux me libérer suffisamment discrètement pour ne pas te mettre en danger. Ni nous mettre en danger, tes sœurs et moi. Je n’ai jamais été très partisan des traditions et de la gouvernance de ce pays, tu le sais… Mais je ne peux pas pour autant tout risquer comme ça !

- …

- Je pense souvent à toi, tu sais. Tous les jours, depuis ton départ, je me demande ce que tu fais, où tu es, si tu te portes bien… Et la semaine dernière, tu as eu vingt-deux ans, tu étais loin de moi et j’ai pleuré, après le coucher de Suni, tout seul face à la nuit.

- Oh ! Je n’y ai même pas pensé… Le temps est si différent chez les Lointains ! Mais moi non plus, je ne t’oublie pas. Jamais.

- Je t’aimerai toujours, mon enfant, quoi que tu fasses. Mais pour le reste… Je ne sais pas.

- Trois jours, Père. Je t’attendrai. »

C’est à peine s’il osait me regarder… Alors je sus, de façon très nette, que je ne reverrais jamais mon père tant aimé. Je me blottis dans ses bras de tout mon cœur et il me tint serrée ainsi quelques minutes dans le silence de pierre et de cendres qui enveloppait le château. Puis nous nous séparâmes.

Avant de me laisser sortir, mon père entrebâilla la porte, s’assura que personne ne venait de droite ni de gauche… Mais la voie était libre, alors je déposai un dernier baiser sur sa joue, je remis mon châle bien en place sur mes cheveux et je m’éloignai sur la pointe des pieds. Je repris mon poste derrière le fauteuil, juste le temps de remettre un peu de produit magique dans chacun de mes yeux, et je quittai le palais comme une Lointaine après une simple visite.

Je rejoignis le port fluvial sans encombre, la nuit était tombée et l’obscurité pluvieuse, en incitant chacun à rester sagement chez soi, jouait en ma faveur… Une fois en vue du bateau, je me cachai derrière une maisonnette abandonnée et, miroir à la main, j’attendis que les effets de la potion d’Orcinus s’estompent et que mes yeux retrouvent leur couleur naturelle. Car si quelqu’un découvrait l’existence de ce produit miracle à l’occasion de mon escapade, il ne me le pardonnerait jamais !

Mais tout se passa pour le mieux et je regagnai le bord en toute discrétion, profitant de la ronde du veilleur pour franchir sans être vue la passerelle de coupée. Je retrouvai mon cher et tendre à l’entrée de la voilerie, avec son sourire lumineux et un air franchement soulagé de me revoir. Il m’embrassa doucement et me demanda si tout s’était bien passé. En guise de réponse, je me collai à lui en murmurant : « Serre-moi fort, s’il te plaît. »

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