Ode de mer
J'ai posé mon séant sur ce banc de bois
il me tendait ses bras, accueillant.
Le cou tendu les yeux jetés loin devant
contemplative et béate, le nez au vent
très vite mes pensées voltigent
et je deviens girouette callipyge.
La puissance des éphémères a créé l'univers
et m'a fait moi moins que poussière, ici bas.
Comme je peux haïr cette mer qui n'est jamais là
Mon regard porté au kilomètre
je devine sa langue gourmande
elle s'étale doucement au loin
elle dévore la grève
dans son élan de faim
par à-coups redessine l'instant
comme un peintre hésitant
Un cerf volant furieux s'agite en tout sens
soudain avide de liberté.
Du bruit dans mon silence
brise l'harmonie
ma transe.
Il est beau
entame sa sarabande colorée.
Sous le charme de sa danse avec le soleil
éblouie, je veille.
La mer avance
elle est pudique
dans mon dos elle a bondi
je vois bien à présent sa langue avide
sous la blanche effervescence
son appétit féroce.
Alors je capture son tempo
je me laisse bercer
au rythme saccadé
je reprends mon solo
L'éphémère est un autre ailleurs.
Déjà parti ou pas encore arrivé.
Il est en toute chose son essence.
Mon regard surfe sur ton dos
tu as pris la couleur de mes yeux
un vert émeraude étincelant
plus loin l'infini est bleu,
comme un cadeau céleste
un bain de pieds du ciel
bleu d'azur intense plein ouest .
Je suis subjuguée.
Une vie à t'attendre, ma vie.
Je ne sais jamais comment je vais te trouver
la belle est changeante et mystérieuse
un jour légère et reposante
un autre tu es furie, déchaînée.
La belle est sauvage,
douce imprévisible
est l'indomptable.
Aujourd'hui
tu es joueuse et accueillante
tu me fais plaisir
de te parer merveilles.
J'aime tout de toi,
tes fautes de goûts
tes colères tes ébats
ta tendresse ton émoi
ton odeur tes caresses
ton chant fait d'ivresse
Je m'enivre et je pense.
Le temps compté coule dans nos veines.
Je vois l'automne dans mes cheveux
mon dos qui me chagrine, c'est peine.
C'est l'effet, mes rides.
Le cerf volant gît là sur le sable
le flanc offert et la gueule béante
comme un animal mort.
Un frisson me parcourt
le vent me fait sa cour
mes sens à l'unisson du jour.
J'entends les oiseaux de mer chanter de bonheur.
Des enfants courent et crient d'envie, d'excitation.
L'iode a envahi mes poumons, je prends l'air.
Je la sens elle est là, enfin. C'est l'heure.
Je suis ragaillardie,
prête à piquer une tête.
C'est l'effet, mer.
De cet instant de beauté nature
dégusté par tout mon corps, tous mes sens.
Je ressors bouleversée
à jamais changée.
Je est déjà une autre.
La faim de vivre au cœur et au corps.
Soif d'exister encore.
Que c'est bon d'être vivant !
J'en veux encore pour mille ans
de ces instants fragiles
de ces tranches de vie magiques
qui font de nous des amoureux transis
épris de beauté, de liberté.
Saint Jacut de la Mer Un été d'août XX ème siècle
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