les 3 frères

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 Au lever du jour, les 3 humains filaient du plus vite qu’ils le pouvaient. Encore une sortie chasse qui tournait au vinaigre. Le cri avait fusé, strident. L’arachnide les avait poursuivis, frappant le sol de ses grandes pattes, espérant écraser un humain. Mais elle était grosse et pataude. Entre ses pattes, les 3 frères filaient plus vite que le vent.

 « Bon sang de bois, ces araignées me foutent les foies ! » s’exclama Bog, haletant.

 « Comme elles crient, les chamois ! Pourquoi un tel émoi ? » demanda Og, tandis que ses pieds frappaient le sol à une vitesse hallucinante.

 « Diantre, si elles se voyaient, avec leurs huit yeux,

 « Elles fuiraient bien loin, ces poilues si dégueux ! »

 Fuir, c’était pourtant eux qui le faisaient, comme toujours. Il le fallait bien, tant ils étaient petits comparés à ces monstres peureux !

 Grande était leur communauté, bien que brûlée souvent par les araignées débiles. Et quand Ang, Og et Bog entrèrent dans la cité, ils furent accueillis en héros. Mais ce fut les mains vides qu’ils se portèrent devant le Chat tyran, leur Maître à tous, collecteur des denrées. Ce Chat était énorme et si impressionnant !

 Humbles, ils se prosternèrent devant Sa Mioujesté, front au sol, cul en l’air. Position indécente, s’il en est, mais le Chat l’avait requis avec force de griffure.

 « Idiots d’imbéciles d’humains benthiques cons ! » s’exclama le chat, voyant les mains tentaculaires aux cinq doigts des 3 hommes. « Où sont mes mouches, je veux des explications ! »

 « J’ai vraiment essayé, Votre Miaoujesté, » s’excusa Bog.

 « Kidnappés nous avons failli être, ils sont lents ! »

 Le regard que lui jetèrent Ang et Og était sans équivoque, écumant de rage, même. S’ils l’avaient pu, ils auraient cautérisé le trou béant qui lui servait de bouche, afin que les âneries n’en sortent plus. Leur faire porter le chapeau devant le Chat, le Grand, était une traîtrise sans nom et ils risquaient de se faire croquer le fion.

 « Miaoujesté, nous allons tous réessayer », promit Bog en saisissant le regard des autres.

 « Nous sommes en effet des humains compétents ! »

 « Obligés vous êtes bien, bande de sagouins ! » pesta le Chat.

 « Promis, nous reviendrons, et pas avec du foin ! » osa Ang.

 Quand les 3 sortirent, ils reculèrent, tête au sol, cul en l’air, jusque dehors. Bog se fit attraper par ses comparses, tant ils avait été méchants. C’était lui qui avait failli se faire prendre par une huit pattes, ce menteur.

 « Retournons là-bas, pour le Saint Chat ! » hurla Bog, une fois dans le couloir noir.

 « Souhaitons fort que les crieuses ne soient pas là, » soupira Og.

 « Traversons la piscine, pour piquer une tête ! » ajouta Ang, excité comme un singe.

 Un soupir échappa à Bog, mais d’un signe, il enjoignit les autres à le suivre. Les 3 bougres se mirent en route, vers le centre de la Toile, où les araignées avaient leurs habitations.

 Voir la ville de loin était impressionnant. C’est qu’elles étaient évoluées, ces satanées araignées. Elles vivaient dans une ville aux bâtiments immenses, tous placés sur une toile géante. Elles pensaient que grâce à ça et aux pièges rudimentaires collants, les humains ne parviendraient pas à infester leurs logis. Et pourtant, bien qu’ils ne sortissent que peu, ils étaient partout. Ils infestaient les espaces derrière les meubles, construisant leur civilisation dans les espaces qu’elles laissaient vides. La nuit, ils dormaient, cachés dans leurs cocons sombres. Le matin, c’était la chasse. Mais parfois, une couche-tard les trouvait, et c’était eux, les chassés. Seule sa Miaoujesté avait un droit de passage, se frottant aux pattes des géantes. Il avait installé la Chapitale dehors, dans un abri de jardin où les fainéante ne venaient que peu. Et la seule raison pour laquelle il ne faisait pas une seule bouchée de cette foule grouillante d’humains, c’était parce qu’ils lui apportaient régulièrement de la nourriture gratuite.

 « Wahou ! Quelle vue magnifique ! » fit Ang, alors que le soleil éclairait les reflets iridescents de la Toile.

 « Xérus ! Mais pourquoi donc tient-il une brique ? » questionna Og.

 « Y faut y aller, sautez, bande de nouilles ! » s’exclama Bog.

 Zigzagant, les 3 bipèdes réussirent à s’accrocher aux poils du rat des plaines qui passait. C’était un moyen de transport drôlement bien pratique pour ceux qui ne voulaient pas fatiguer leurs jambes jusqu’à la piscine.

 Au bout d’une dizaine de minutes, le rongeur les déposa à la porte, lâchant l’objet qu’il tenait. Dans sa main, c’était une brique de Lego. Dans celles des 3 frères, c’était assez gros, avec une couverture rigide et marron, qui avait fait croire à Og que c’était là une brique. Le bidule s’ouvrait, en prime. Dedans, des feuilles, dont l’odeur étrange fit éternuer les humains. Mais peut-être n’était-ce pas fait pour être ouvert : la page craqua et resta dans la main de Bog. Il approcha son nez et regarda les petits dessins qui y étaient incrustés à sa surface. Ils bougeaient, comme de petits vers et luisaient sous le porche ombragé de la piscine.

 « Bon, gardons-le pour le Chat, continuons notre vadrouille ! » finit-il par lâcher.

 Cacher le machin était sa priorité et, avant de partir, il le glissa dans son pagne avant de faire signe aux autres de le suivre dans la piscine. Le soleil montait dans le ciel, ils avaient donc tout le champ libre pour s’ébattre dans l’eau claire.

 Dansant, Ang se jeta à l’eau, si profonde qu’il ne rêvait même pas de poser le pied sur son sol caillouteux. Avant de sauter, sur une intuition dictée par on ne sait quel instinct, Bog posa l’objet étrange sur le bord et rejoignit ses frères. Pendant une bonne heure, ils s’égaillèrent dans l’eau, éclaboussant à qui mieux mieux. Ils tentèrent de ne pas crier ou rire, afin de ne pas réveiller, par les échos de leur joie, le monstre pattu qui vivait non loin.

 Enfin, à la force des bras, ils s’extirpèrent du bassin. Sa Mioujesté avait été claire. Elle voulait des mouches, du lait, une sauterelle ou même du fromage, peu lui importait : il voulait grailler sans se fatiguer. Et vu la taille du matou, ils avaient bien intérêt à trouver de quoi le sustenter, s’ils ne voulaient pas lui servir de déjeuner. Ils secouèrent pour sécher leur peau sans poil, Bog ramassa l’espèce de bordel bizarre et ils repartirent en quête de nourriture pour le Chat Tyran.

 Furtifs, ils se glissèrent dans une cuisine. Elle était vide. Avec un soupir de soulagement, ils se glissèrent dans le garde-manger des oeillues. Des sacs emprisonnaient leurs énormes proies. Ici, il y avait une punaise qui empestait. Elle s’était battu la bougresse. Mais rien ne pouvait vaincre les tarentules. Le trio fouilla encore. Une mouche juteuse ronflait dans un coin, empoisonnée jusqu’à l’os, dans un sommeil mortel que le Chat adorerait. Pas besoin de chasser, de courir, de bouger un seul poil de sa queue.

 « Gare à toi, Og, je vais descendre le bestiau ! » prévint Ang.

 « Hisse oh hisse ! T’en fais pas, j’ai des biscotos ! »

 Il rattrapa, comme promis, la mouche neurasthénique. Mais il fallait d’autres mets pour le Chat, aussi continuèrent-ils de chercher dans le garde-manger. Mais ici, plus rien n’était intéressant. La mouche était prise, la punaise puait et les moucherons bien trop petits. Alors ils partirent vers une autre maison, prenant bien garde à ne pas faire de bruit, tandis qu’ils passaient par-dessus le fil d’entrée, qui sonnait à coup sûr l’alarme anti-humain. Et elle crevait les tympans, c’était infernal.

 Jamais ils n’auraient pensé devoir trimballer un cube non identifié et une mouche sur une si longue distance. Mais toutes les maisons regorgeaient de mouches et de punaise. Ce début de printemps y était propice. Enfin, ils échouèrent dans la maison rêvée. Le garde-manger était plein à ras bord de fromage et une toute petite souris était même prise au piège dans les filets d’une des horreurs au cul collant.

 « K-O, elle est K-O ! Prenons, le chat adore ! » jubila Og.

 « Lourde est la cocotte, heureusement qu’elle dort ! » se plaignit Bog en soupesant la bestiole.

 Mais d’une puissante traction, il sort la souris, saisit un fil gluant qu’il passa sous ses bras, et pendant que ses frères prenaient la mouche, lui traînait le mammifère minuscule. Alors qu’ils se dirigeaient, cahin-caha, vers la sortie, un bruit se fit entendre. Une créature poilue, pattue, œillue était réveillée, c’était sûr.

 « Non ! Impossible ! Nous sommes si près du but ! » grogna Og, en traînant Ang derrière la mouche.

 Or, il avait oublié le filarme. Il buta dessus, faisait crier le criquet de garde. Aussitôt, la velue se dirigea vers la cuisine, ses pattes frappant le sol avec une pesanteur qui les fit tressauter. Mais les 3 frères refusaient de lâcher leur butin et Og, pris dans la toile. Ils se bornèrent à attendre d’être frappés par les crocs mortels, en plus du cri assourdissant qu’elle ne manquerait pas de pousser en trouvant les intrus.

 Pourtant, Bog eut une idée. Il détacha la souris prestement, sortit la brique de son froc et lorsque l’araignée géante parue, lui jeta en plein dans l’œil central.

 « Que le diable de patafiole, maroufle ! » hurla l’humain.

 Rien ne les avait préparés. Les dessins sur les pages s’animèrent, se colorèrent et dans un flash, l’araignée ne les dominait plus. Elle était minuscule à côté du truc rectangle de 10 fois sa taille et en miette.

 Soudain, le trio comprit qu’ils étaient aussi grands que les meubles, que la souris était minus aussi.

 « T’as vu, on est grands ! Je rentre dans la pantoufle ! »

 Un instant fut nécessaire aux deux autres pour se rendre compte que Ang avait à son pied une des huit pantoufles de l’araignée. Mais Bog avait une idée : aller faire payer le chat qui devait lui aussi être petit aussi. En deux minutes, ils étaient à destination.

 Voir le Chat tyran au milieu d’une foule de géants était drôle. Tout le monde se bidonnait. Et à tendre l’oreille, les 3 comprenaient.

 « Wassingues ! Raclures de bidet ! Rendez-moi mon trône ! » miaulait-il.

 « Xoxo le Chat ! Reprends ta place dans la faune ! » rit Bog.

 Zou ! Il le jeta dehors.

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