Inspiration sur Le Faux Miroir de Magritte
J'ai choisi cet œil de Magritte comme thème, qui s'appelle "le faux miroir".
C'est un œil, un œil normal, il est seul et il peut être masculin ou féminin, jeune ou vieux. C'est peut-être le mien ou le vôtre. Ce n'est pas l’œil en lui-même qui suscite des commentaires ou des interrogations, c'est ce qui apparaît dans l'iris.
Cet œil n'est ni bleu ni marron. Il renvoie un ciel bleu et des nuages blancs. Alors, il est considéré comme un miroir. N'est-il donc pas un œil ? Si, et ce qui le prouve, c'est cette pupille noire, ronde, volumineuse et centrale qui trahit le regard. Notre œil de spectateur est à la fois attiré par cette pupille et par les nuages se découpant sur le ciel bleu.
La paupière est elle-aussi plutôt quelconque, assez sombre mais régulière.
C'est vraiment ce paysage de ciel qui n'est pas habituel.
Voilà ce que voit un œil, enfin, la personne à qui appartient l’œil, celle qui regarde.
Ou bien voilà ce qu'exprime l’œil de l'autre, celui qu'on regarde, parce qu'il n'est pas tout à fait celui qu'il croit être.
Il renvoie une image de lui qui est décryptée par celui qui la reçoit. Ainsi, aucune image ne reflète la pure vérité. L'image est bleue comme un ciel printanier, et pourtant des nuages, des traces, des taches, des interférences se glissent sur ce ciel lisse offert par celui qui offre son regard.
Et cette pupille noire, qu'apporte-t-elle ? Qui est-elle ? Elle est immortelle, intemporelle, elle rappelle que c'est un œil, un regard d'être humain qui se cache derrière elle. Elle rappelle que tous les yeux partagent ce point commun pour voir, être dotés d'une pupille. Que leur forme soit ronde ou ovale comme les yeux des chats, quelle que soit la couleur de l'iris, quelles que soient les caractéristiques de celui qui a des yeux, ils comportent toujours une pupille noire. Il y a un peu de vérité, beaucoup d'interprétation, pas forcément de mensonge, et surtout une éternité, une intemporalité. Celle-ci est l'image du ciel et de ses nuages. Ce spectacle existe depuis toujours et durera tant que l'homme pourra regarder, pourra voir.
La paupière est largement ouverte parce que le spectacle de la nature, de l'environnement est omniprésent, il s'offre au regard et au cerveau de l'homme qui tente de le déchiffrer en le transformant selon ses humeurs, selon ses référentiels. Tous les yeux sont identiques, mais chacun voit différemment. Un lieu, une personne un objet de vision est multiplié par autant de regards qui l'observent. Chacun verra avant tout ce qu'il attend, ce qu'il veut voir, plutôt optimiste, ou plutôt en proie à des vertiges défaitistes ou nostalgiques.
Alors, le ciel bleu pourra bien se noircir, devenir gris, devenir orageux, se colorer de colère ou d'effroi et ainsi ne plus déchiffrer ce qui est vu mais ce qui est compris après avoir été vu.
Il y a du surréalisme dans cette œuvre évidemment, un iris en ciel nuageux n'existe pas, mais il y a aussi beaucoup de lucidité et de franchise, celle d'affronter la diversité des regards qui se posent sur le monde et sur les hommes.
Ainsi est la vie, faite d'illusions auxquelles on croit, ou on choisit de croire, et de certitudes qui s'imposent ou devant lesquelles on hésite.
Cet œil de Magritte est capable d'aborder toutes ces problématiques, et c'est la raison pour laquelle c'est une œuvre d'art.
Le temps s'écoule et l’œil reste ouvert, grand ouvert, il est toujours en capacité de voir, de découvrir, et c'est une merveille pour le monde des voyants, cette possibilité infinie de regards sur un monde fini.
Regardez à votre tour cet œil et cherchez ce qu'il vous raconte. Ainsi vous démontrerez à votre tour qu'un même œil est doté de plusieurs regards, le vôtre à cet instant est différent du mien. Et si vous regardez cet œil demain ou un autre jour, selon que vous soyez en bonne santé, que vous ayez bien dormi ou non, vous verrez cet œil sous un autre angle, et les nuages vous apparaîtront peut-être plus gros, plus nombreux ou plus sombres.
Quand vous regardez quelqu'un, croyez-vous que vos yeux transmettent toujours la même apparence ? Non, ils se ressemblent, ce sont toujours vos yeux, mais ce n'est jamais le même regard. Votre regard est changeant comme le ciel d'une heure à une autre, d'une saison à une autre, d'un point du globe à un autre.
Votre regard transfère à celui qui vous regarde votre humeur et votre satisfaction à croiser cet autre regard. Peut-être êtes-vous fâché de voir cette personne, et alors votre regard ne transmettra sans doute pas un magnifique ciel bleu.
Ceci est bien normal mais nous ne nous y arrêtons pas souvent et nous oublions que l’œil de l'autre est le miroir que je regarde, non pas seulement l'image qu'il m'offre.
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