Packard Bell
Encore une fois, il n'avait pas vu le temps passer. Le tap-tap de ses doigts sur le clavier, en parfaite harmonie avec les touches poussiéreuses, était un son hypnotique. Il passa une langue rêche sur ses lèvres aussi abrasives que du papier de verre. Il avait une sacrée soif. Son estomac ne manqua pas de lui rappeler qu'il était temps de se sustenter. Il soupira, faisant virevolter le peu de cheveux graisseux qu'il avait sur le caillou. Il s'arracha à son siège, traçant un chemin dans la couche de poussière qui recouvrait son bureau. Un Packard Bell. Performant. Peu coûteux. Il ouvrit le frigidaire qui ronronnait, heureux de retrouver un ami cher, et pris délicatement une chair dodue. Tendre en bouche, elle fondit sous son palais, attisant la moindre de ses papilles gustatives. Il en eut presque un orgasme. Quant il eut fini, il essuya proprement le liquide vermeil qui gouttait de sa barbe poivre et sel. Il retourna auprès de son précieux ordinateur, écartant de la souris sans y prêter grande attention une toile d'araignée. Il sourit tendrement à son ordinateur. Le Packard Bell. Il n'y avait rien de mieux. La transformation commençait. Ses cellules vieillissantes se régénéraient. À nouveau, le tap-tap de ses doigts sur le clavier résonna familièrement comme la douce présence d'un animal de compagnie. Il rajeunissait à vue d'oeil. Le Packard Bell. Quelle prouesse technologique ! Qu'est-ce qu'il ne fallait pas faire pour profiter de son ordinateur ? Et ça durait depuis cinquante-neuf ans.
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