Un portrait
Le chat sauta sur le canapé, et pour s'étirer, planta ses griffes dans la vieille couverture - pleine de poils depuis le temps, qu'il avait faite sienne. Elle était assise à côté, son ordinateur sur les genoux, et corrigeait ses copies. Elle les corrigeait avec un stylo rouge écarlate, tout rigolo tout mignon, avec une bouboule au bout qui faisait de la neige quand on la secouait. Et puis elle repoussa la pile de charabia adolescent et ouvrit son PC. Les ventilateurs vrombrirent, dispensant une agréable chaleur sur ses cuisses. Elle ouvrit son dernier projet, mordilla son stylo - ses dents sont un tout petit peu tachées à force de mordre la vie, et chercha sa rime. Sur la table basse fumait une tasse de thé. Vert. Le thé noir c'est un peu fort. Avec du lait quand même, parce que, bon juste de l'eau chaude... il y a des limites aux limitations.
Le chat aimait bien, parce que, quand la bouteille de lait était finie, il avait le droit de lécher le goulot.
Ses yeux pétillants ont la couleur de la croûte de la génoise, et la tendresse de ce gâteau. Mais son regard a la malice des bonbons acidulés.
Elle porte autour du cou, aujourd'hui, un châle bleu. Hé ! C'est une fille, elle a toujours froid. C'est inhérent à la nature des filles. Un gros pull, dans le même camaïeu, tombe sur ses hanches rondes.
Ding !, fait l'ordinateur. Elle a reçu un message. Son sourire heureux s'élargit. Elle remet une mèche de ses cheveux bruns, éclaircis de traits blancs, derrière son oreille. C'est le message d'un garçon qu'elle a repéré sur un forum. Elle ne sait pas trop, encore, ce qu'elle en fera, mais pour l'instant il la fait rire, et c'est déjà pas mal. Il n'y a pas grand-monde qui la fait rire personnellement, en ce moment. Ses rires viennent de choses dispensées au monde entier, c'est du rire de grande distribution. Mais aujourd'hui, elle a du rire personnalisé.
Elle regarde autour d'elle. De temps en temps, les transports en commun, en contrebas, font vibrer ses vitres. Le ciel est gris, mais sa plante est verte. La lumière est triste, mais la buée sur ses carreaux lui propose un espace de dessin. Les livres sont empilés dans le salon. Les courses sont entassées dans la cuisine. Ce n'est pas bien grave, elle vit seule ici. Elle a toujours vécu seule ici.
Allez, il est temps de se coucher.
Juste avant de se glisser sous sa couette, elle avale ses antidépresseurs.
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