Il faisait noir, le noir complet. Slany sentit sa respiration s'accélerer, si fort qu'elle crut que son coeur allait exploser. Elle entendait les petits gémissements de douleur de la fille qu'elle avait brutalement repoussé quand elle l'avait réveillée. J'ai peur, Slan'. La rousse secoua la tête en pleurant. Les laisse pas m'emmener. Slany poussa un cri de rage. Je veux pas être séparée de toi. La douleur logée dans sa poitrine prenait de l'ampleur à chacune de ses respirations. Je t'en supplie, Slan'. Trempée de sueur, la jeune fille se mit à crier sans s'arrêter. Je veux pas mourir. Je te protégerai, lui avait-elle promis en embrassant tendrement son front, la serrant contre son corps meurtri par les coups. Ils vont nous tuer, Slany. L'adolescente avait de plus en plus de mal à respirer. Je t'aime, Slan'. Un sourire naquit sur ses lèvres, mais l'absence d'air dans ses poumons l'obligea à se replier sur elle-même en gémissant. Les souvenirs de Nóra la hantaient, elle ne pouvait pas, elle n'arrivait plus à vivre sans elle, sans eux. Elle ne pouvait plus respirer, ses poumons rejetant tout l'air qu'elle tentait d'aspirer. Sa vue se troubla, elle sentit qu'elle allait bientôt sombrer. Elle en était terrifié, c'est quand elle dormait qu'elle faisait le plus de cauchemar, elle revoyait chacune de leur mort en détails.

- Slany !! Eh ! Reste avec moi ! lui ordonna Océane en se baissant à ses côtés.

Elle lui fit lever les bras pour dégager ses poumons, sans résultat. Alors elle retira son T-shirt et la colla contre sa poitrine. Elle avait lu dans un des manuels de secourisme que la chaleur corporelle et les battements de coeur réguliers aidaient à stabiliser la respiration lors d'une crise d'angoisse. Elle passa sa main dans ses cheveux roux emmêlés et murmura des paroles rassurantes à l'adolescente. La première vraie bouffée d'air qui entra sonna comme une délivrance pour Slany qui poussa un soupir de soulagement.

- Chhht, ça va. Repose-toi, je suis là, chuchota la châtaine.

Comprenant qu'elle voulait l'endormir, Slany se retire de son étreinte et recula en parlant très vite.

- Non ! Je veux pas ! Pas dormir, je veux plus dormir ! Plus de rêves !! supplia-t-elle.

- Bien sûr, tout va bien, je ne t'oblige à rien. Tu as faim ? demanda Océane en riant quand le ventre de l'Irlandaise gargouilla.

- Hum... un peu, marmonna-t-elle, gênée.

- Allez viens, on va à la cafét', décida-t-elle en souriant, heureuse d'avoir réussi à détendre l'atmosphère.

- Océane ?

- Oui ? Dépêche ! Moi aussi, j'ai faim.

- Ton T-shirt, imbécile, ricana-t-elle, moqueuse.

La châtaine rougit et enfila rapidement son haut. Elles quittèrent la chambre et Slany eut un grand sourire.

- Pourquoi tu souris ? demanda Océane.

- Rien, merci de t'occuper de moi, comme tu le fais.

- Oh, t'es trop chou. Viens là ! s'exclama-t-elle en la serrant contre elle.

Slany replia ses bras autourdu corps de la jeune fille, resserant leur étreinte.

- Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu fais pour moi.

- Je suis là pour ça.

Elles s'installèrent à une table libre après avoir pris à manger.

- Jolie tenue ! ricana un gamin en passant.

- Bon sang, mais pourquoi est-ce qu'ils se marrent tous en passant ? s'indigna l'adolescente.

- Ton haut, lui fit remarquer Slany, moqueuse, avant d'éclater de rire.

- Oups ! fit la châtaine en retirant sans aucune gêne son T-shirt devant tout le monde.

Elle le renfila juste après l'avoir remis à l'endroit.

- Au moins, ça a eu le mérite de te faire rire ! assura Océane.

- T'es géniale, vraiment, jura l'Irlandaise en prenant un air sérieux.

- Je sais, je sais, se vanta la jeune fille.

- Est-ce que tu me trouves désagréable ? demanda Slany en fronçant les sourcils.

- Très !

- Sérieusement, Océane, est-ce que je suis aussi invivable qu'Addie le pense ? continua-t-elle.

- Bien sûr que non, Ad' est en tort, et tout le monde en est conscient dans le groupe, assura Océane en lui souriant.

- Hum...

Slany fit la moue et baissa la tête.

- Pourquoi personne ne m'apprécie, alors ? se désola-t-elle, la voix tremblante.

Océane se leva et contourna la table, elle s'accoupit à côté de l'adolescente et lui releva doucement le menton avec sa main. Elle planta son regard dans le sien et dit :

- Slany, je sais que tu as vécu des choses horribles, plus que nous, je l'ai compris. Addie est à cran, depuis la mort d'Hanna, elle en veut à tout le monde et tu étais le bouc-émissaire parfait. Elle sait qu'on ne peut pas réellement lui en vouloir parce qu'il est vrai que savoir Hanna remplacée comme un vulgaire objet est difficile pour nous tous, mais ce n'est en aucun cas une raison pour s'en prendre à toi. Je suis sûre que quand ils auront appris à te connaître, ils t'adoreront, même Addie.

- En fait, je crois que je préfèrerais que vous me détestiez, murmura-t-elle, je ne veux pas m'attacher à vous.

- Quoi ?! Mais pourquoi ça ?

- J'ai une peur bleue de l'abandon depuis... enfin, je veux plus perdre ceux que j'aime, expliqua-t-elle.

- Eh... Que tu le veuilles ou non, je suis ton amie, Slany Nic Craith, annonça solennelement la châtaine.

- Mon... amie, répéta la rousse comme si c'était inconcevable.

- Bien sûr, on est amies, c'est un fait, très chère.

Slany lui sourit et Océane se rassit à sa place. Elle piqua une fourchette de pâtes dans l'assiette de Slany et la macha lentement sous le regard effaré de l'adolescente.

- C'est mes pâtes ! s'exclama-t-elle, outrée.

- Règle n°1 de l'amitié : Le partage. Ne me remercie pas, c'est gratuit. Je te réapprends les bases de l'amitié, affirma-t-elle malicieusement, tout en lui faisant un clin d'oeil.

- Ouais, bah... Complément de règle de l'amitié n°1 : Touche encore une fois à ma bouffe et t'es morte. Alors si tu tiens un minimum à ta vie, fais gaffe, Alméras, lança la rousse en la fusillant du regard, un sourire au coin des lèvres.

Les deux amies éclatèrent de rire. Un peu plus loin, Adélaïde les regardaient d'un oeil mauvais, tandis que le reste des jeunes du groupe semblaient heureux et attendris par ce rapprochement.