21 : tueur

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La prudence devenait un maître mot. Il y avait trop de monde à ma poursuite. Amusant quand on savait que le Loup était dans la capitale. Etais-je plus inquiétant que ce charognard ? Je ne faisais que rendre justice à des injustices. Un nom comme celui des Morias n’avait pas lieu d’être trainé dans la boue. Encore moins par des pouilleux de l’esprit et des arts. Ruiner la carrière de Séverin par manque de visibilité ? Ce n’était pas valable. Ce n’était valable pour personne. La jalousie, la haine, l’envie… cela n’apportaient que des problèmes, mieux valait coupler le mal à la racine avant qu’il ne soit contagieux.

Je ne rendrais plus visite à Séverin pour le moment. Trop dangereux. Si les agents ne me voyaient pas, les guetteurs eux savaient reconnaitre les gens comme moi. Je savais que le gamin qui suivait Séverin en était un. Il m’avait à chaque fois donné ce même coup d’œil suspect. Il m’avait suivi vers le passage. Savait-il comment je m’y prenais ? Est-ce que bientôt, je devrais me terrer en attendant que tout s’apaise ?

Aurais-je bientôt l’opportunité de continuer mon dessein ? Il me tardait d’en finir. Je n’aimais pas rester sur un échec. Quant à Séverin, il méritait que je m’applique, même si sa lettre m’avait déplu. Il ne voulait pas de mon aide ? Mais la lui avais-je proposée ? Je ne demandais jamais l’avis des autres pour exécuter ce qui me semblait juste. Il y avait des causes et surtout des personnes qui me tenaient plus à cœur que d’autres. Était-ce pour ça que ma mère m’avait fait enfermer ? Parce que j’avais tué le bébé qu’elle avait porté neuf mois durant ? Et qu’avant j’avais empoisonné son jeune époux ? Je ne les aimais pas. Il la fatiguait, et elle ne s’en rendait même pas compte. Personne ne ce rendait compte de mon amour pour eux. Du sacrifice que je faisais en éloignant les tourments de leur vie. Tuer, me coûtait ma santé mentale. Cela ne me réjouissait pas, mais c’était radicale. Je n’appréciais guère laisser envenimer les choses qui pouvait être régler simplement. J’avais presque terminé de régler celui de Séverin.

Je marchais des mètres derrières l’agent qui suivait ce peintre fabuleux. Il avait reçu de nouveaux ordres, car il scrutait toutes les personnes qui passaient trop proche de son protégé. Avant qu’il n’ait un soupçon me concernant, je bifurquais dans une rue. Devant moi se dressait l’Opéra de Raken. Un endroit de belle allure que j’aimais visiter encore et encore. Ses peintures murales et ses piliers presque dansant dans leurs torsades m’enchantaient. Quand je m’y rendais avec ma tante et mon cousin – paie à son âme – ma hâte était pour les costumes qui embelliraient les danseurs. J’adorais la beauté dans toutes ses émotions. Quand elle me parlait, sans mot, c’était des histoires fabuleuses qui s’inscrivaient sous ma rétine. Comment expliquer mon besoin de la protéger, cette beauté parfois dédaignée ? Mon cousin avait fait les frais du manque d’empathie des collectionneurs. De leur manque de connaissance de l’art et de sa beauté. Méréva dessinait la beauté dérangeante dans toute sa complexité et son sublime. Moi, je voyais son talent. Je le protégeai des viles créatures qui salissaient son si beau travail. Pour être sauf, il fallait juste apprendre à se taire !

Malheureusement pour moi et pour le monde des arts, Méréva s’était donné un coup de grâce, un coup de plomb entre la tempe et l’imagination.

Je ne reproduirais plus les erreurs du passé. Mon très cher petit cousin. Si jeune. Avec tant de talent et de travail acharné, mort pour satisfaire l’ego et les babillages éphémères d’une vie ennuyeuse. J’avais dû punir, mais personne n’avait retenu. J’avais été beaucoup trop subtile. Pour faire parler, il fallait mettre en scène. Le publique aimait la couleur, le mouvement, le grandiose.

Alors pour Séverin, j’avais fait dans la dentelle. Ce que Méréva n’avait pas eu, Séverin l’aurait.

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