Living in the past
Catherine s'assit sur l'inconfortable chaise en paille.
Elle dévisagea longuement le vieil homme méfiant et renfrogné, de l 'autre côté de la table bancale.
Elle soupira puis tendit à l'homme un casque, que ce ce dernier prit à contrecœur .
- C'est quoi ce truc ?
- Un casque de traduction simultanée.
- Vous ne parlez pas breton ?
- Non , comme vous je suis née à Paris . Nous pouvons parler Français si...
- Ici tout le monde parle breton !
Aïe , cela commençait mal, Catherine pesta, intérieurement, elle ne pouvait pas s'offrir le luxe d'un échec.
Mais la belle brune connaissait bien sa proie.
Innocemment , elle déboutonna son corsage.
Aussitôt le vieil homme se mit à sourire et Catherine reprit :
- Monsieur K ?
- Oui, Madame.
- Appelez moi Catherine !
- Ouii Catherine.
- Vous habitez à côté de la mairie ?
- Dans le penty, en face, avec le toit d'ardoise.
- Il n'est pas très grand , à deux vous devez...
- Nous sommes dix, avec les petits enfants.
- Sans ordinateur, sans routes, sans portable, sans réalité augmentée, sans...
- A quoi bon ? De toute façon , il n'y a pas d'électricité !
- Oui mais le chauffage par le sol serait...
- Le sol, c'est de la terre battue.
- Que pensent les habitants du village, votre mode de vie ne les dérange pas ?
- Dans le pays, tout le monde vit ainsi....
- En France ?
- Non , ici !
Catherine se tut, interloquée. Son ancien patient était méconnaissable.
Heureusement, il lui restait quelques clefs pour déverrouiller cette âme rétive.
Elle fit sauter un nouveau bouton.
Sans soutien gorge, le bout de ses petits seins devint visible.
Monsieur K se redressa et plongea le regard dans la vallée des merveilles.
Le vieil homme se mit à suffoquer.
Catherine sourit : non , il n'avait pas changé !
Tant mieux ! Elle reprit :
- Monsieur K ?
- Oui Catherine ?
- Vous n'aimez pas les étrangers ?
- On se méfie, au pays personne ne paye d’impôts.
- Je ne vous suis pas.
- On ne sait jamais, un inspecteur du fisc peut venir.
- Je ne ressemble pas à un inspecteur du fisc ?
- Certes non, vous êtes charmante !
Tous les deux éclatèrent de rire.
Pour la psychologue , tout semblait s'arranger.
Il ne la regardait plus, il plongeait et replongeait dans le décolleté, de plus en plus rouge.
Elle connaissait son « K », par cœur, elle était juste surprise de ressentir en elle une douce chaleur interdite.
Décidément ces retrouvailles étaient surprenantes !
Elle prit sa voix la plus douce :
- J'aimerais tant connaître votre vie !
- Elle est fort simple .
- C'est à dire ?
- On s'occupe des champs, des bêtes, on a les moutons pour la laine, on fabrique nos vêtements .
- Mais vous n'achetez rien au marché ?
- En dix ans, je suis allé une fois à Quimper .
- Pour acheter des marchandises ?
- Impossible, là bas il n’accepte plus notre argent.
- A vingt kilomètres d'ici ?
- Ici, on dit 5 lieues.
- Mais il est interdit de refuser les nouveaux francs de notre République- Une -et -Indivisible !
- Qui vous parle de Francs, ici on ne connaît que liards et pistoles !
- Mais c'est impossible !
- je vais vous montrer.
L 'homme se leva. Il s'approcha d'elle et en profita pour dévorer des yeux les roses tétons de son ancienne psychologue.
Elle ne prêta guère attention à son attitude déplacée .
Décontenancée, abasourdie, elle examina les pièces.
Non elle ne rêvait pas : elle avait bien en main des pièces romaines !!
Reprenant contenance, elle fit signe à Monsieur K de se rasseoir et lui demanda :
- Où avez-vous trouvé cela ?
- Dans le champ à dix coudées de la mairie.
- Vous n'utilisez pas le système métrique ?
- C'est bon pour les bourgeois !
- Oui , mais quand on est malade ?
- On va voir la vieille, sous le vieux chêne, près de la fontaine.
- Et ?
- Des herbes, des prières et c'est fini.
- Que dit le curé ?
- Il ne vient jamais : faute de routes !
Un village de fous ! Catherine frissonna et prit son courage à deux mains.
- Venez avec moi !
- Où ?
- A Paris !
- Pourquoi faire ?
- Pour montrer que l'ancien chef de l'opposition démocratique est heureux dans la nouvelle France délivrée de la dictature bruxelloise.
- Jamais !
- Jamais ?
- Quand un breton dit jamais, c'est jamais !
Catherine sentit le sol se dérober sous elle. Elle cacha, rapidement, ses appâts .
Soudain le regard de l'homme redevint froid.
Renfrogné le vieil homme dit :
- C 'est pas tout cela, je dois travailler.
- Je vous laisse.
- Au revoir Madame.
- Adieu monsieur K !
Catherine courut vers l'hélicoptère de fonction. Il décolla rapidement et au bout de quelques minutes, les misérables maisons avaient disparu.
Catherine était paniquée ; qu'allait-elle dire à la blonde mère présidente qui avait su redonner sa souveraineté à la France ?
Elle allait perdre sa place au ministère de la propagande.
Une pensée folle lui traversa l'esprit , depuis la campagne de « retour aux valeurs françaises «, il devait y avoir des milliers de villages semblables !
C'était donc cela , la France « libre et apaisée « de 2050 ?
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