Nouveau départ
Novembre, il est temps
La question que Soeur Madeleine avait laissée en suspens travaillait de plus en plus Hélène : serait-il possible qu'un "Dieu" puisse lui faire confiance ? La sienne avait été trahie par sa meilleure amie. Et, en même temps, en la soeur-accompagnatrice, elle l'avait retrouvée, osant tout lui dire.
Ce qui était sûr, c'est qu'Hélène ne voulait pas devenir "bonne soeur", ça jamais ! Et elle l'avait dit ouvertement à Soeur Madeleine.
- Mais, qui vous le demande ? Qui exige pareil sacrifice de votre part ? Pas nous ! Ni Dieu ! Vous êtes libre, entièrement libre !
Hélène laissa passer encore quelques jours, sentant en elle, une envie grandissante de revoir celui qu'elle avait aimé le temps d'une seule nuit... C'était une sensation étrange en elle : il lui semblait que tout grandissait, son désir de retrouver Timothée et celui d'avoir un enfant. Tout prenait forme peu à peu au creux de son corps et de son coeur.
A la fin du mois, elle annonça à Soeur Madeleine, qu'elle se sentait prête à reprendre sa vie d'avant.
- Oh, non, Hélène, pas votre vie d'avant. Une nouvelle vie, un avenir qui vous est donné ! Vous avez le droit d'être heureuse auprès d'un homme et avec des enfants. Vous êtes jeune... Le bonheur vous attend, rétorqua la religieuse.
Alors, après une dernière nuit au couvent, Hélène fit ses adieux à Madeleine et à toutes les autres qui l'avaient accueillies ; certaines ne lui avaient jamais adressé la parole, mais leur sourire était une salutation bienfaisante. Elle les remercia et laissa des larmes couler sur ses joues. Aujourd'hui, se fut Soeur Madeleine qui lui offrit son mouchoir plié en quatre.
Le voyage de retour en taxi se fit dans le silence, le regard de la jeune femme se perdant à l'horizon de cette campagne qui lui avait donné un goût nouveau à la vie. Elle reviendrait au couvent. Elle en était certaine. Des mélodies trottèrent dans sa tête... Elle aimait ces chants venus d'un autre temps.
Décembre et un nouveau départ...
Hélène reprit peu à peu contact avec la vie trépidante de la ville. Grâce à sa voisine, sa maison n'avait pas trop souffert de son absence. Lorsqu'elle rebrancha son portable, elle découvrit une ribambelle de messages... Et un expéditeur revenait souvent : Timothée-James Bond.
Timothée... Il devait avoir passé à autre chose depuis le temps. Il était son collègue de travail, une aventure d'un soir et d'une nuit. Y avait-il une chance, si infime soit-elle, pour qu'elle puisse le revoir plus que pour des plans d'une nuit ? Mais à part lui ? Elle n'avait personne. Elle hésitait : appeler, ne pas appeler ? Les messages devaient bien prouver quelque chose....
Elle se rappela les paroles de Soeur Madeleine : "vous avez le droit d'être heureuse..."
Alors, non sans crainte, elle le rappela. Elle redoutait qu'il lui annonce que, entre eux, c'était juste un truc d'une nuit, que ça avait été une connerie. Elle sentit trembler sa voix en disant "Allô, Timothée..." Il l'accueillit avec une joie qu'elle n'aurait jamais imaginée. Ils passèrent un long moment à se parler et à s'écouter. Timothée avait été inquiet. Il ne supportait pas les hôpitaux depuis que sa mère y était décédée des suites d'une leucémie. Il ne pouvait pas en franchir les portes. Il lui avait envoyé chaque jour un message, comme un petit signe pour la consoler et lui dire qu'elle comptait pour lui. Et puis, il avait reçu l'annonce que Hélène était "au vert", alors il avait imaginé des films tous plus extavagants les uns que les autres. Il avait respecté le choix de son amie... Il lui avoua qu'elle était plus qu'une collègue, plus que son amie. Hélène aussi ressentait plus que de l'amitié pour son Espion préféré. Ni l'un ni l'autre n'a eu besoin de beaucoup insister pour se revoir... C'était dans l'ordre des choses.
La soirée du lendemain fut celle des retrouvailles. L'Agent secret avait déniché un petit bistrot italien tout à fait charmant aux yeux d'Hélène. Ils ne se quittaient plus, elle racontant sa retraite au couvent, mais omettant de tout lui dire, surtout ce changement en elle qui lui restait inexplicable. Un jour, elle lui raconterait... Lui inventait des anecdotes pimentées dans sa routine existentielle. À l'écouter, Hélène comprit aussi que Timothée gardait une part de mystère autour de son passé. Finalement, il était peut-être bien un agent secret après tout... Il ne connaissait pas le couvent. Elle le conduirait un jour là-bas, elle voulait présenter James Bond à Soeur Madeleine. Ils rirent de cette proposition.
Les semaines passèrent, ils fêtèrent Noël avec les amis de Timothée, une bande de potes tous plus déjantés les uns que les autres, mais Hélène se sentait bien avec eux.
Le temps suivait son cours imperturbablement. Un mois, puis deux. Elle était heureuse. La joie ne la quittait plus désormais et le soir, partageant le lit de Timothée, elle ressentait ce bien-être qu'elle avait déjà expérimenté dans sa cellule pendant une nuit étoilée.
Timothée et Hélène fêtèrent la Saint-Valentin en amoureux par un dîner au bistrot italien. Ils avaient ri, prit plein de selfies et s'étaient embrassés toutes les cinq minutes. Ils avaient passé la nuit à s'aimer sans retenue. Et cette fois-ci, ils avaient décidé de ne pas se protéger. L'Agent spécial n'avait rien maîtrisé du tout et ils avaient éclater de rire, sans se retenir non plus. C'était si bon de se sentir vivants !
La pièce était éclairée par une pleine lune brillante, créant des ombres aux formes étranges. En s'allongeant et se blotissant dans les bras de Timothée, Hélène aperçut sur le tapis au pied du lit sa robe bleue à bustier et le costume noir brillant de son amant. Hélène avait droit au bonheur.
Elle était bien. Elle serait bientôt maman... Elle le sentait. Elle murmura : "Merci !" Timothée la serra un peu plus fort et l'embrassa dans le creux de l'épaule.
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