Les canons de leurs armes étaient posés sur nous et leurs visages affichaient un sourire. J'entendais le cliquetis que faisaient leurs engins et même si j'avais peur, je ne bougeais pas. Nous étions deux, sur les eaux du lac, nageant au gré du vent et flottant avec grâce. Eux, ils étaient au bord de l'eau, comme s'ils avaient peur de se mouiller. Leurs armes faisaient des bruits étranges, secs et rapides, qui me rappelaient le bruit des cailloux que certains jetaient pour nous faire fuir. Mais malgré leurs gros canons pointés sur nous, ils n'étaient pas comme ces petits qui lançaient des choses en faisant onduler la surface argentée du lac. Ils étaient tout à fait calmes, tout en nous fusillant avec leurs machines. Ils étaient nombreux et certains s'étaient mis à notre hauteur pour mieux nous cibler.

Je m'éloignais un instant de mon compagnon pour me secouer les plumes. J'agitais mes pattes palmées pour me dégourdir un peu et mon bec orange toucha mon plumage clair avec délicatesse. J'entendis les cliquetis de leurs armes se multiplier pendant que je me nettoyais. Nous avions l'habitude d'être ainsi pris en chasse, toutes les heures de chaque jour où nous nagions tranquillement sur les eaux plates du lac.

Je déployais mes ailes blanches pour leur plaisir et mes yeux bordés de noirs se posèrent sur leurs canons. Les cliquetis redoublèrent. Mon compagnon vint près de moi pour m'inciter à partir loin de ces hommes et je le suivais en laissant l'eau onduler derrière moi. Nous nous éloignâmes, le cou courbé et les plumes resplendissants à la lueur du soleil qui se reflétait dans l'eau claire. Derrière nous, les photographes se retirèrent pour cibler d'autres animaux ou d'autres paysages.