Je suis tenté, plutôt sommé, d’écouter.

Mon ouïe s’éveille, aux premiers frémissement s’émerveille et daigne se soumettre.

Alors, les oreilles grandes ouvertes, les tympans prêts à vibrer, j’accueille avec enthousiasme les sons qui se présentent à moi. Je suis bien naïf à les penser inoffensifs, voilà qu’ils m'assaillent, m’inondent, me pénètrent, me tourmentent au point que ma vue se brouille, que ma bouche s’assèche et que mes muscles se crispent.

La paralysie gagne l'ensemble de mon corps. Les sons s’unissent, deviennent bruit et s’emparent de tout mon être.

La ligne, qui n’en est plus une, s’est mise à piailler, à brailler, à tue-tête, c’est à croire que tout le monde crie, hurle… Je souffre, suffoque et n’ai d’autre choix que d’implorer. C’en est trop, laissez-moi devenir sourd à ce retentissant assourdissement ! Stop !

Aussitôt Bruit se calme, semblant s’excuser de mon supplice. Je reprends le contrôle de mes pensées et réalise que son but n’était pas de me faire souffrir. Bruit voulait tant se faire connaître que, dans son allégresse, il en est devenu brusque.

Bruit se modère et devient un chant harmonieux.

Je n’en retiens aucune parole. Était-ce seulement du français ? Il est tout bonnement universel. Lorsque vous l’entendrez, à votre tour vous saurez et comprendrez. Moi, dès lors qu’il m’a envahi, je me suis mis à me balancer – sans pour autant retrouver le contrôle de mon corps – et à être gagné par la joie. Pas la fameuse "incommensurable joie" mais, mieux, une joie intime et personnelle.

Je saisis qu’à travers leur chant, les gens présents me charment, m’hypnotisent et, tel le chant des sirènes, m’invitent – m’imposent ? – à les rejoindre.

J’engage un premier pas, pourtant mes jambes restent de marbre. Je n'ai pas bougé. Pas d'un pouce. J'insiste, je force, rien n'y fait. Je dois y aller, je reste à l’arrêt. Je persiste, je veux avancer, je l’exige, il le faut... On me l’interdit.

Chant, imperturbable, continue à se faire entendre et, à travers lui, plus qu'un message, ma convocation. Claire, limpide, nominative !

Que dois-je encore attendre ?