Dimanche furtif

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Son couteau rutilant s’attelle à son travail de patience et de précision. Il faut du jarret et du lard. Il en restera pour plus tard. La tête roule.

Ding ! Dang ! Dong !

Entre la tasse de café et une tartine, Pierre épluche les légumes. Ses gestes sont utiles et ses pensées trôlent.

La cognée à la main, Paul entre dans les frimas. Les bûches éclatent sous les coups secs, leur rythme régulier martèle le temps compté. Des copeaux rejoignent le sang frais et fumant.

La vapeur de son souffle danse avec les flocons, donnant à cet instant des allures de Noël à venir.

Tac ! Tac ! Toc !

Les coups raisonnent dans le lointain, l’écho les éternise. Son regard indiscret scrute les alentours qui s’éveillent dans l’aube frémissante. La forêt s’habille de brume, des écharpes d’âmes s’accrochent aux branches décharnées.

Un effluve s'évade par la fenêtre entrouverte. Leurs regards se croisent. Ils se sourient.

La panière se remplit. Son nez s’enivre de l’élixir divin du bois éclaté. Son esprit s’égare. Il imagine la peau de Pierre et ses ardents buissons. Il est en émoi.

Le ventre en feu, le sexe dressé, dans le foyer mourant, il dépose un morceau de cageot. Un volcan jaillit sous leurs yeux émerveillés par les flammèches qui courent le long de la croûte des bûchettes, lèchent les branchages. Une fumerolle s’élève, un arôme de fumé emplit bientôt la pièce. Paul est un héros du quotidien. Les légumes et les viandes rejoignent la marmite. Le repas mitonne. Les vapeurs odorantes dansent. Dans ce décor quotidien, la silhouette de Pierre se découpe dans le contre-jour. Paul embrasse sa nuque. Il l’enlace. Il contemple sa peau adorée et coince ses hanches contre l’évier. Dans la chaleur lumineuse de la simplicité, l'amour se referme sur leur bonheur en autarcie.

Leurs pieds se caressent, leurs mains sont complices et leurs regards s’enrichissent des couleurs du plat. Ils mangent en silence. Tout a une fin. La leur approche à grands pas. Leurs palais redoublent de plaisir par le fondant des viandes.

La porte s'ouvre : " Gendarmerie Nationale ! " lance une voix assurée.

Clic ! Clac ! Clac !

Le bruit des menottes résonne dans la cuisine odorante. Les regards accusateurs des pandores s'accrochent à leurs deux lames acérées posées sur la table.

« Je t’aime, Pierre !

- Je t’aime, Paul ! »

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