L'escouade
Le pilote de la navette n'avait pas eu à se soucier de choses aussi terre à terre que des nids de poule ou une route en lacets. Il était arrivé tout droit depuis le nord. Surpris par la modeste taille du pot de chambre, il lui avait fallu décrire une large boucle en ralentissant pour y revenir. Il avait repéré l'hôpital grâce aux motifs dessinés sur son toit par un gléchome noirâtre, comme on le lui avait indiqué.
Il se posa, un peu plus rapidement qu'il n'aurait voulu, les patins projetant de larges éclaboussures au contact de ce qui n'était plus vraiment un pré mais pas encore un marais. Lâchant le pylône, ses doigts s'activèrent au-dessus du tableau de bord, poussant des boutons et effleurant des leviers. Le vaisseau répondit par une variation de chuintements et de vibrations avant de s'apaiser.
- On est au sol ! La baie est ouverte.
Il leva les bras comme pour souligner qu'il en avait terminé et pivota sur son siège. Derrière lui un grand type maigre en manteau long lui adressa un hochement de tête reconnaissant avant de s'extirper d'un des sièges arrière du cockpit.
- Bien les enfants, nous revoilà chez les bouseux. Je vous avoue que la dernière fois on n'avait pas été les visiteurs les plus courtois du monde donc ils ne seront peut-être pas hyper jouasses de nous revoir.
Il marqua une pause, réfléchissant aux éventualités qui allaient se matérialiser dans les minutes à venir, sa main glissa sur un long étui fixé par des sangles au dos du siège du pilote, s'attardant sur un cartel métallique gravé de trois lettres "BOW".
- Cela dit, c'est pas qu'on est hyper contents de revenir nous non plus.
Il oublia l'étui marqué à son nom, attrapa une besace à ses pieds et se dirigea vers le sas avant d'être stoppé par le troisième membre d'équipage, planté dans la coursive et dont la carrure ne souffrait pas qu'on l'en délogea d'un coup de coude. Le colosse fixait le paysage à travers la verrière, partiellement masquée à sa vue par les boucles blondes qui lui tombaient devant les yeux.
- Pourquoi ici ?
L'homme au manteau posa la main sur la clavicule de son acolyte et le regarda dans les yeux, feignant une certaine gravité avant de céder au rictus amusé qu'il s'était efforcé de contenir quelques instants.
- Y'avait mieux mais c'était plus cher. Et moins discret.
Le gaillard blond resta impassible, bloquant toujours le passage. L'autre s'impatienta.
- Me fait pas une scène Wan', on n'a pas le temps. On descend, on voit qu'il est plus là et on se tire.
Le dénommé Wan', diminutif de Wandar, lui rendit son regard et s'effaça sans exiger d'autre réponse. Sans prêter plus d'attention à son chef, il se tourna vers le jeune pilote.
- Vic, tu montes à la tourelle. Je prends la rampe.
*******
L'homme au manteau avait posé le pied à terre. En bas de la rampe d'accès, les bottes enfoncées dans la boue, il était abrité par le cockpit qui le surplombait. Il scrutait les deux façades du bâtiment en L qui s'offraient à sa vue, gênée par la pluie.
Il entendait quelque part au-dessus de lui, les cliquetis de la tourelle qui effectuait un tour d'horizon. Elle ne lui serait d'aucun secours, l'angle de visée ne permettait pas d'atteindre une cible au sol aussi proche, mais elle faisait un excellent poste d'interception pour ce qui pourrait surgir à plus longue distance.
Sa couverture rapprochée serait assurée par Wandar, dès qu'il aurait terminé d'installer le trépied en haut de la rampe. L'homme secoua ses bottes pour évacuer son impatience. La boue était lourde, grumeleuse. Chaque mouvement faisait remonter des caillots irisés qui affleuraient avant de disparaitre à nouveau sous la surface brune. A la vue de ce magma grenu et sale, l'agacement du visiteur s'intensifia.
- Wan' t'en es où avec ton moulin ?
- Ça roule, occupe-toi plutôt de ce qui s'amène.
À l'extrémité de l'aile ouest une porte venait de s'ouvrir. À travers le rideau de pluie on ne distinguait rien de plus qu'un rectangle sombre qui se découpait sur le mur gris.
La voix de Vic grésilla dans un communicateur.
- Je vois rien les mecs, et je peux pas ...
Il fut interrompu par une autre voix, surgie du passé, qui interpellait les arrivants depuis l'hôpital.
- Bow ? C'est toi ?!!!
Le dénommé Bow s'essuya machinalement les mains sur son iconique cache-poussière.
- Merde, il est vraiment resté ici ce con.
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