Déjà-vu
Ces abrutis avaient de toute évidence l'intention de réitérer leur catastrophe de la dernière fois. Comment pouvaient-ils revenir comme ça, avec la même approche, en se disant que tout allait bien se passer ?
Leur première visite avait laissé Marguson furax. Jamais à Teccis on n'avait laissé une telle incursion étrangère repartir sans dommage. Le despote local avait abattu Hockley après l'avoir vu tenter de fuir avec la navette. Il s'en était fallu de peu pour qu'il fasse de même avec le reste de l'équipe, persuadé que quelqu'un sur place devait être lié à ces étrangers. Mais il avait trop besoin de compétences médicales pour sacrifier deux soignants le même jour. Il avait aussi laissé la vie sauve au blessé en pensant l'utiliser comme appât, se préparant au retour de la navette. Après quelques mois la surveillance s'était changée en attente passive puis en oubli.
Cette fois il ne laisserait rien passer.
Erin avait laissé Alan établir le premier contact avec les arrivants, mais après avoir hurlé un nom dans la tempête il restait coi en attendant que quelque chose se passe. Elle détestait quand il faisait ça. Elle contourna son fauteuil, franchit la porte et s'avança sous la pluie.
En voyant une silhouette approcher Bow eut un pincement dans le bas du ventre. Il avait répété le discours pour la forme mais en cet instant il ne savait plus ce qu'il devait dire, comment il allait justifier ces 7 ans. Après toutes ces années il était revenu chercher son pote en étant persuadé qu'il ne le trouverait pas, et voilà qu'il était face à lui.
Il ressentit un mélange indescriptible de déception et de soulagement en constatant que la silhouette qui approchait d'un pas décidé était celle d'une inconnue en blouse blanche.
- Vous savez que ça va mal finir !
- On vient chercher notre pote et on s'en va. Rien de plus.
Erin jeta un oeil derrière elle, comme elle s'y attendait Alan l'avait suivie. Le type au manteau se figea. Le grand blond qui campait derrière un minigun en haut de la rampe d'accès du vaisseau porta la main devant sa bouche dans un geste à peine contrôlé.
Ils apercevaient "leur pote", pour la première fois depuis 7 ans.
Ils étaient revenus pour retrouver sa trace. Pensant qu'il était reparti en laissant une piste, ou installé pas trop loin, mort de ses blessures dans le pire des cas. Jamais ils n'avaient imaginé le retrouver à l'endroit même où ils l'avaient laissé, défiguré et estropié.
Personne ne dit rien. Le temps avait mis trop de distance entre eux pour que les deux mercenaires expriment spontanément à "leur pote" leur désarroi de le retrouver dans cet état.
Le communicateur de Bow grésilla de nouveau.
- ça bouge dans le marais.
- Vic, quand t'es sûr de ce qui nous arrive dessus tu décolles.
- Remonte alors. J'ai trois tacots qui avancent en colonne
- Vous faites un passage ça va les calmer, je reste au sol.
- T'es sûr ?
- Ouais.
La possibilité de s'interposer effleura les pensées d'Erin. Elle savait que si ces gars faisaient des dégâts chez les morteurs, elle ne pourrait pas préserver la clinique et ses occupants de la nouvelle fureur post-traumatique de Marguson. Mais cette fois les visiteurs avaient l'air de savoir ce qu'ils faisaient. Elle tenta de se convaincre que l'affrontement à venir pourrait être bénéfique.
On entendit le cliquetis de désactivation de la tourelle, ce qui indiquait que Vic l'avait quittée pour rejoindre son poste de prédilection dans le cockpit. Erin regardait le dénommé Wandar sangler le trépied de son minigun au chambranle de l'ouverture du vaisseau. Les propulseurs se mirent à vibrer, forçant les trois spectateurs restés au sol à reculer, et la navette s'éleva.
Bow regardait son équipe partir au combat, un court répit mis à profit pour encaisser les retrouvailles avec son ancien camarade de lutte. Mais celui-ci rompit le silence :
- C'est qui le pilote ?
- Un petit gars pas mal qu'on a croisé sur un taf
- Et Jan ?
Bow fit non de la tête.
Le vaisseau s'était élevé à une dizaine de mètres du sol. Il fusa vers l'avant et passa au dessus de la clinique. Wandar avait anticipé l'accélération, il se tenait d'une main aux sangles qu'il venait de fixer, de l'autre il manoeuvrait son canon pour l'aligner dans l'axe. L'appareil disparut aux yeux des trois observateurs.
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