CHAPITRE 9
“And maybe, I’ll find out
A way to make it back someday
To watch you, to guide you
Through the darkest of your days
If a great wave shall fall and fall upon us all
Then I hope there’s someone out there
Who can bring me back to you” —Wherever you will go de The Calling[1]
RYAN
Les gardiens m’ont ramené dans ma cellule. Après m’avoir cherché partout, ils ont fini par me trouver près du corps de Josh. Je n’ai pas pu bouger, je n’entendais rien de ce qu’on me disait, j’étais juste là à fixer son cadavre. On m’a interrogé, emmené à l’infirmerie avant de me remettre derrière les barreaux.
Maintenant je suis assis là, revoyant son corps tomber à l’inlassablement, prisonnier de ces images, incapable de faire quoi que ce soit. Je m’entends encore l’appeler et me sentir impuissant. Mais comme si tout ça, n’était pas assez douloureux, la mort de Jack s’en mêle. Les souvenirs s’altèrent et je n’arrive pas à sortir de cet état. Leurs derniers regards, leurs dernières paroles et le moment fatidique s’enchaînent de plus en plus vite. Je veux que tout cela s’arrête, les larmes coulent, je m’agrippe les cheveux je veux que ça sorte de ma tête.
Je finis par me lever brutalement, faisant voler le moindre objet dans cette pièce, j’envoie valser le matelas, j’explose les murs à coups de poing, je laisse sortir toute la rage et la tristesse qui me dévore de l’intérieur. À bout de force je glisse contre le mur avec une sensation que je ne connais trop bien. Ma poitrine me fait mal et je n’arrive plus à respirer, me concentrer sur autre chose est impossible : je suis le prochain à mourir.
Dans ce combat j’ai tout perdu, l’amour, ma liberté et ma vie. Mes conneries ont donné la victoire à Drew et je ne peux pas réparer ça. David ne me laisse pas ici, je suis désolé, sauve-moi je t’en supplie.
Mon cœur bat dans mes oreilles, je n’arrive pas à me calmer, à arrêter les tremblements qui secouent mon corps.
— Ryan, il faut qu’on parle.
— Jack. J’… j’hallucine, c’est ça ?
Il hoche la tête et s’installe à côté de moi.
— D'abord, tu dois reprendre tes esprits. Fais comme moi, inspire… expire.
Je répète cela une bonne dizaine de fois avant que ma respiration ne revienne à la normale.
— Ça va mieux ? (Je hoche la tête) je suis désolé pour tout ce qui s'est passé, j’ai merdé. J’étais le pire des meilleurs amis. Il me suffisait de rester en vie pour que rien de tout ça n’arrive. Je sais que tu es en colère alors, vas-y, défoule-toi.
— T’aurais dû me dire la vérité, tu n’étais pas obligé de jouer tout le temps aux dures à cuire. Je t’en veux parce que tu savais, bordel, tu savais que ça déraperait. Tu m’as fait croire que j’étais responsable de tout ça. Mais en réalité s’est ta faute, la seule erreur que j’ai faite, c’est de ne pas avoir pu t’atteindre, et encore. Est-ce que même avec mon aide tu aurais survécu ?
— Tu connais la réponse. Il n’y pas que moi qui savais dans quoi je m’embarquer, Josh le savait aussi. Tu dois accepter son sacrifice, accepté de me détester.
Je prends ma tête entre mes mains.
— Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas oublier qu’il est venu parce que je me suis foutu dans la merde, je ne peux pas oublier que tu as fait ça pour moi.
— Rappelle-toi Ryan, je ne suis pas lui, je suis toi. C’est le seul moyen de survivre à tout ça. Josh et moi avons notre part de responsabilité, tu dois arrêter de croire que tout est de ta faute. Tu sais que j’ai raison.
Puis il disparait, j’aurais aimé qu’il soit réel, j’aurais aimé qu’il ait tort…
THOMAS
— Docteur Smith, Darren est réveillé.
— J’arrive tout de suite.
Je redoutais ce moment. Est-ce qu'il m'en veut de ce qui s'est passé ? Se souvient-il de ce que je lui ai dit ? J'ai peur de l'affronter, de répondre à ses questions et de ne pas savoir quoi lui dire. Mais je ne peux pas me défiler, il est en vie et s'est tous ceux qui compte. Avec une grande inspiration, je finis par pénétrer dans sa chambre.
— Salut comment tu vas ? je lui demande.
— Ça peut aller, mais ses hommes ils te cherchaient, j’ai eu peur qu’ils aient fini par te mettre la main dessus. Dans quoi tu t’es embarqué ?
Je ne m’attendais pas à cette question, qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Trouve un truc bidon, un truc qu’il le met loin de tout ceux merdier.
— Je suppose que c'est en rapport avec un patient qu'on avait pris. C'était un ami proche de Drew Lire. L'opération s'est mal passée et Tyrant a juré de se venger. Ils ne reviendront pas, je te le promets, ils voulaient juste nous faire peur.
— Je croyais qu'il avait son hôpital privé ?
Mon biper sonne, évitant de m'enfoncer un plus dans mon mensonge.
— Il faut que j’y aille, mais je repasse bientôt.
— Attends, avant que la prise d’otage commence, tu m’as dit qu’il fallait qu’on parle. Qu’est-ce que tu voulais me dire ?
Pour la première fois depuis son réveil, j’essaye d'être sincère :
— Je voulais m’excuser pour mon comportement, j’ai vraiment été un gros con. Tu m’as dit que tu m’aimer et ça m’a fait peur. Les jours sont passés et on n’a pas eu le temps d’en discuter. Alors si tu veux bien j’aimerais qu’on reste amis.
Il sourit avant de répondre :
— Ça me va, maintenant va t’occuper de tes patients.
Après avoir fini mon service, je rejoins David pour nous rendre chez Derek. Tous les soirs depuis des semaines, nous nous réunissons cherchant en vain un moyen de sortir Ryan de cet endroit. Mais plus les soirées passent, plus le moral descend, certains ont même abandonné le navire, pour eux il n’y avait plus d’espoir.
Quand nous arrivons, le bureau est saccagé, rien n'a été épargné, les regards en alertent, David sort son arme et nous avançons prudemment dans la pièce.
— Derek t’est là ? je demande.
— Ici, répond-t-il.
Nous nous dirigeons vers son bureau, il est assis là à même le sol, les poings serrés, le regard rempli de colère et de tristesse. Pour être honnête je ne l’ai jamais vu dans cet état, d’habitude il est toujours calme quoiqu’il arrive. Mais pour la première fois, il laisse ses émotions sortir.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demande David.
— Un des gardiens m’a appelé, Josh s’est fait tuer. Il n’aurait jamais dû aller là-bas, je lui dis que c’était trop dangereux. Ryan est tout seul maintenant et je t’arrête tout de suite David, je n’en verrais personne d’autre, je ne ferais pas la même erreur.
— Je suis désolé, je ne t’aurais jamais demandé un autre sacrifice pour lui. Même si j’ai envie de le sortir de là, trop de gens sont déjà morts dans cette histoire autant ne pas en rajouter.
David a raison, il y a déjà eu Jack, James, Josh et bientôt Ryan si on ne le sort pas de là. Je ne connaissais pas bien Golling, mais il avait l’air loyal avec un sens du dévouement énorme. Il a mis sa vie en danger pour donner du temps à Ryan. Ça fait chier de perdre encore quelqu’un de bien, quelqu’un qui essayait de changer les choses, mais comme dans toute guerre il y a des morts et on ne peut rien y faire, on doit juste continuer à ce battre.
Quelques jours plus tard, on l’enterre, je pensais que les ennuis s’arrêteraient, mais elles s’enchaînent, le gardien que payait Derek est porté disparu et nous sommes retourné à la case départ. À chaque fois c’est pareil, un pas aujourd’hui et demain on en recule de trois. Les preuves sont soit inutilisables devant un tribunal, soit insuffisantes.
C’est dépité que je commence ma journée de travailler, je suis épuisé par tout ça et je n’ose même pas imaginer ce que vit David. Ces derniers temps il ne dort plus, il erre dans l’appartement tel un fantôme, je commence à m’inquiété pour lui. Je ne sais pas quoi faire et ça m’agace, parce qu’il m’a toujours aidé et je suis incapable de lui rendre l’appareil.
— Smith on a besoin de nous aux urgences, un détenu s’est fait poignardé dans sa cellule ce matin. Dépêche-toi où je prends quelqu’un d’autre.
— J’arrive.
Au pas de course, nous rejoignons la salle de trauma numéro 3. On a l’habitude de voir les détenus défiler à l’hôpital, c’est comme les règlements comptent et les overdoses, c’est tout les jours. Le plastique de protection et les gants enfilés, nous pénétrons dans la salle surveillée par les gardiens. C’est toujours pareils le patient est attaché au lit et ça complique nos manœuvres pour le soigner. Le pire s'est quand ils se débattent au point d'en abîmer leurs poings et c'est le cas. Les menottes les font paniquer encore plus, parfois ça à grave les blessures. Je foudroie les gardiens du regard :
— Une fois qu'il sera calmé vous lui enlevez ses menottes et ce que j'étais clair.
— On ne peut pas faire, me répond l'un d'eux.
— Vous le ferez ou je m'en occuperai.
Ils hochent la tête.
— Bien, qu’est-ce qu'on a ? je demande à l'équipe.
— Blessure à l'abdomen, il perd beaucoup de sang, il bouge trop pour qu’on arrive à lui faire une écho.
— Je dois voir David, c'est urgent, répète-t-il en boucle.
Je regarde ses constances, merde elles commencent dangereusement à baisser. Je me rapproche de son visage, cette carrure, cette balafre, bordel c'est Ryan.
— Monsieur vous devez vous calmer, pour qu'on puisse vous soignez, lui dis-je.
Il m'a reconnu et a compris le message. Si mon titulaire apprend qu'on est amis, on me vira du cas et je ne pourrais plus protéger. On a cherché à l’assassiner et quelqu’un viendra terminer le travail.
— Appelé le bloc 5 et dite lui qu’on arrive, dit l’un des chirurgiens.
— Vous, enlevez-lui ça, dis-je fermement.
À contrecœur le gardien obéir. Rapidement j'envoie un SMS à Raven :
« Il faut que tu viennes à l’hôpital, c’est urgent »
— Sabrina tu pourras me biper quand Raven Decker arrivera.
— Pas de soucis.
Je la remercie et cours vers le bloc. Arrivé là-bas je me lave les mains, enfile ma casaque chirurgicale, le masque sur la bouche et les gants mis en place je rejoins les autres. L’opération a déjà commencé et on m’assigné à l’aspiration pour mon retard. J’aurais aimé faire plus, mais je suis trop impliqué pour ne pas faire d’erreurs. Les constantes ont chuté, son abdomen se remplit de sang, les compresses s’enchaînent, les machines bipent. Ryan reste avec moi, bats-toi pour David.
— Une autre poche B+. Trouver moi d’où vient cette foutue hémorragie, déclare mon titulaire.
Son cœur finit par s’arrêter et mon biper sonne, Raven arrive au pire moment.
— Je dois y aller, mais je reviens tout de suite.
Avant de passer la porte, je vois le corps de Ryan se soulève aux tentatives de le ranimer. Tu ne dois pas rejoindre Jack, tu ne dois pas faire vivre ça David, bats-toi je t’en supplie.
Par la suite, je cours dans les couloirs, m’arrêtant en chemin pour prendre mon inhalateur, comme si c’était le moment de faire une crise d’asthme. J’arrive enfin à Raven, la casaque pleine de sang :
— Bordel, il se passe quoi ? me demande-t-il.
— Ryan est ici, j’ai besoin que tu le dises à David, il doit l’apprendre de ta bouche. Retiens-le dans son bureau, personne ne doit savoir qu’ils sortaient ensemble, ça pourrait être trop dangereux.
— C’est son sang ?
— Ouais, on fait ce qu’on peut pour le sauver, alors fait de ton mieux pour qu’il ne panique pas.
Il hoche la tête et je repars. Faites qu’il ne soit pas mort ? Faites qu’ils aient réussi à le sauver ?
DAVID
— Ne vous inquiétez pas, tout ira bien. Au début, vous aurez du mal à l’accepter, mais petit à petit et avec le bon équilibre de médicaments vous vivrez comme n’importe qui. N’y a pas de honte à être bipolaire, au moindre problème appeler-moi, que ce soit le jour ou la nuit.
— Merci Docteur Connors.
— Je vous en prie.
À la sortie de la chambre de Madame Hamilton, je trouve Raven appuyé contre un mur perdu dans ses pensées. Qu’est-ce qu’il fait ici ? Peut-être qu’il cherche Thomas.
— Raven tout va bien ?
— Oui, je t’attendais il faut qu’on parle.
— OK, on va aller dans mon bureau.
Ça me parait bizarre, son visage est plus grave que d’habitude et c’est rare qu’il vienne me voir. Une fois rentré je ferme la porte et lui demande :
— Est-ce qui se passe et s’il te plait ne tourne pas autour du pot ?
— Ryan est en ce moment même en salle d’opération, on a tenté de le tuer.
Je prends le premier truc qui me vient sous la main et le balance contre le mur. On savait que s’arriverai et j’aurais aimé empêcher ça, le sortir de là avant.
— Si je comprends bien, t’es là pour me surveiller.
Il hoche la tête. Je commence à faire les cent pas, ne pas savoir dans quel état il est me rend malade. À quel point c’est grave ? Est-ce qu’il va y rester ? Est-ce qu’il faut que je m’attende au pire ? Faut que je pense à autre chose avant de péter un câble.
— Parle-moi, de n’importe quoi pourvu que ça me distraie.
— OK, euh… la première fois que j’ai rencontrée Thomas on été en primaire. On avait un exposé à faire, à l’époque lui comme moi on n’avait pas d’amis alors la prof nous a mis ensemble. Et quand on a commencé à parler, c’est devenu une évidence.
Sa voix est parvenue à m’apaiser, doucement je me suis assis. Leurs amitiés me rappeler celle que j’avais avec Eliott et Liam.
— Ça ne m’étonne pas, vous avez toujours été là pour l’autre, surtout toi. Je sais à quel point la perte de Jack la détruit. Je me doute que ça n’a pas été facile avec lui.
Il prend une grande inspiration et son visage se ferme. Je me veux, je n’aurais pas dû parler de ça. Mais avant que je puisse m’excuser, il prend la parole.
— Je n’en voyais pas le bout. Chaque fois que je pensais avoir réussi il rechuter. On a eu de grosses disputes, mais il reste mon meilleur ami et je ne comptais pas l’abandonner. Comme tu l’as constaté en ce moment ça va bien, je pensais qu’après tous ses événements le cauchemar allait recommencer. Mais il se bat même s’il ne le montre pas, contre ses sentiments pour Darren, contre ses démons, il se ment à lui même. J’espère qu’un jour il n’aura plus à se battre, que tu n’auras plus à te battre.
Je lui souris et la conversion continue, il me raconte sa rencontre avec Sophie, la réaction de son meilleur ami à son déménagement et m’apprend qu’ils vont se fiancer. Je lui souhaite mes félicitations quand on toque à ma porte et Thomas entré. Son visage est neutre, je n’ai pas envie qu’il joue les médecins avec moi.
— Alors ? Et s’il te plait soit franc.
— Le cœur de Ryan à lâcher, les médecins ont réussi à le ramener. Pour l’instant son état est encore critique et les heures qui suivent seront décisives. Il est en salle de réveil et je resterai avec lui toute la nuit. David, Raven va te ramener à l’appart de toute façon tu ne pourras pas le voir aujourd’hui.
— Merci, on se voit demain.
Rien n’est gagné, il est toujours en danger, mais étant ici on peut trouver un moyen de le faire sortir. Il ne retournera pas en prison, je ne les laisserai pas faire. Pour l’instant je vais me réjouis de cette petite victoire. J’ai hâte de le revoir, de l’entendre et de ne plus ressentir son manque. Si ça ne tenait qu’à moi, je le rejoindrais, mais ça serait trop risqué pour nous deux.
L’état de Ryan à finit par se stabiliser après que Thomas est passé deux jours à son chevet. Selon lui, ils ont arrêté le respirateur ce matin, cependant il n’a encore pas repris connaissance et il est toujours menotté à son lit.
— J’ai un mauvaise nouvelle, m’informe Thomas quand il me croise dans le couloir.
— Qu’est-ce qui se passe ?
Il me prend à part, le visage grave et triste :
— La prison a décidé de prendre la relève, il sera transfert cette après-midi à l’infirmerie d’Anamosa State Penitentiary. J’ai tout essayé pour retarder ça et Derek aussi, mais Drew veut tout faire pour le tuer, il va se débrouiller pour que ça soit sur son territoire.
— Fais chier. Est-ce qu’y a un moyen que je le vois ? Je ne sais pas une excuse bidon pour qu’un psy puisse entrer dans sa chambre. Je t’en supplie, laisse-moi lui dire adieu.
Il hoche la tête. Juste avant son transfert Thomas me permet de le voir, il me fait passer pour un de ses collègues.
Le silence dans la chambre me prend aux tripes, ça me rappelle de mauvais souvenirs où nos places étaient les mêmes, j’ai peur qu’il me fasse le même coup, que son stupide cœur décide de le lâcher. L’observer dans cet état de calme me fait du bien, pendant un moment il arrête de se battre contre le monde extérieur, contre lui-même, il se bat juste pour vivre. Je fais semblant de vérifier ses constantes et j’ai juste le temps de lui dire que « je suis désolé » qu’il parte. J’avais tellement d’autres choses à lui dire, mais c’est comme ça. Je n’abandonnerai pas Ryan.
C’est le cœur lourd que je regarde l’ambulance partir, il faut que je me défoule avant d’exploser chaque centimètre carré de cet hôpital. La boxe a pendant longtemps été le refuge de Ryan, pour devenir le nôtre. Chaque moment de colère, de râle bol on venait ici et aujourd’hui j’ai vraiment besoin d’extériorisé…
[1] « Et peut-être, je trouverai
Une façon de réparer cela un jour
Pour te voir, te guider
A travers le plus sombre de tes jours
Si une grande vague devait se briser et se brise sur nous tous
Alors j'espère qu'il y a quelqu'un ici
Qui pourra me ramener à toi »
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