Chapitre 10
Écrit en écoutant notamment : Genetek – Kernkraftwerk
- J’espère que tu ne m’en voudras pas, mais j’ai choisi au plus simple pour la nuit, dit Daniel.
- Ah bon ?
- Oui, tu n’auras qu’à prendre une chambre du studio. Je peux t’assurer que les matelas sont très confortables. Tiens, je te file une clé de l’étage.
- Est-ce qu’il y a une douche, d’ailleurs ?
- Ah oui, évidemment, je ne te l’ai pas montrée tout à l’heure, juste après la dernière chambre ! De toute façon, tu as mon numéro au moindre souci.
Je dois avouer que je profite du calme retrouvé après cette intense journée. Cette offre me fait douter… tout me paraît trop facile. En plus, je me retrouverais loin de tous mes amis d'école parisiens. Seulement deux heures de train, comme disait Sarah, mais organiser une sauterie le jour même, naturellement, devient difficile. La perspective m'effraye, bien que je ne sois pas le genre de mec qui sort quatre fois par semaine. Pour moi, avoir ce groupe d'amis est un véritable confort social. J'ai du mal à me convaincre que je puisse facilement me faire de nouvelles connaissances à Nantes.
Et maintenant que j’y pense, est-ce réellement une bonne idée pour la suite de ma carrière de démarrer dans un studio de films X ? Même si j'y accomplis strictement le même travail que n’importe quel autre développeur, présenter cette expérience lors d’un futur entretien promet… Je me suis surtout laissé emporter par la fougue et la bonne humeur de Daniel. Rien de tel que de passer sous la douche pour mettre mes idées au clair.
Je découvre avec plaisir une vasque à l’italienne au carrelage noir particulièrement spacieuse. Si ça se trouve, ils l'utilisent pour tourner des scènes à plusieurs sous les jets d’eau… Je jette mes habits au sol et actionne l’eau chaude. J’inspecte en même temps mon corps : je ne m’étais jamais demandé à quel « type » je correspondais, mais a priori, mon physique fait assez twink : pas si étonnant que le mec de Daniel m’ait réellement pris pour un nouvel acteur… Je suis seulement plus poilu au niveau des jambes et du torse que le vrai stéréotype, mais à coup sûr, la plupart s’épilent pour les tournages… c'est un goût largement partagé. Des abdos et pecs plus visibles seraient aussi nécessaires pour être plus photogénique.
Dernière étape : mon sexe a une taille respectable, mais serait-ce suffisant pour être pris comme acteur ? Pas sûr. Dommage que ce soit un tel critère de choix : sans parler de moi, ça fait évidemment complexer un certain nombre de gars, surtout s’ils n’ont que peu d’éléments de comparaison.
Je me sèche puis m’amuse à m’observer dans le large miroir qui couvre toute la hauteur du mur. Je creuse le dos et pose ma main gauche sur mes fesses ; franchement, même si l’éclairage aide, je ne suis pas si mal ! Je me verrais presque dans un film, aux côtés de ces acteurs à l’aura sexuelle grisante. En plus, ça ferait un super pitch : le jeune développeur timide emporté vers la luxure et la dépravation par des twinks démoniaques.
Résultat de mes divagations, mon visage s’est empourpré et mon sexe se dresse à quarante-cinq degrés. J’enroule ma serviette autour de la taille et retourne dans la chambre. Le soleil descend doucement vers l’horizon et fait briller la Loire en lui donnant une teinte orangée. Je me poste quelques minutes à la fenêtre pour contempler le spectacle. Je n’y reviendrai sûrement pas de sitôt, mais il faut admettre que l’endroit a son charme.
Une vive douleur remonte dans mon orteil après l’avoir cogné contre le coin d’une grosse caisse en bois. Je me laisse tomber sur le lit en attrapant la zone endolorie ; rien de cassé, je peux toujours le tordre normalement, et mon ongle est encore en place. Par curiosité, je vais soulever le couvercle de cette redoutable caisse.
On dirait du matériel de tournage. J’en extrais une paire de menottes, puis un martinet, que je m’amuse à faire tournoyer et claquer dans les airs. On s’amuse bien ici, dis-donc ! Pour le fun, j’assène quelques coups légers sur mes fesses nues, juste assez pour les faire rougir sans que ce soit réellement douloureux. Heureusement que personne n’est là pour me voir… Je repose les objets de BDSM et ouvre une deuxième boîte de rangement accolée à la première. Cette fois-ci, je tombe sur une collection de plugs et de godemichés de différentes formes et largeurs. J’ai déjà pensé à m’en offrir, mais sans jamais franchir le pas. Ici, il y a tout l’embarras du choix. Mon regard a du mal à s’en détacher ; ça n’est pas tout à fait raisonnable, mais l’occasion de se faire plaisir est belle.
Par sécurité, je vérifie que j’ai bien fermé la porte d’entrée du studio à clef avant de m’atteler à faire un choix. Un gode noir classique un peu plus large que des attributs naturels fera l’affaire, au moins pour démarrer. Il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le trou.
Pour éviter tout désastre qui serait très ennuyeux à nettoyer, je préfère retourner dans la salle de bain. En plus, la ventouse collera beaucoup mieux au carrelage. Je parviens même à trouver du lubrifiant adapté après avoir déambulé quelques minutes dans le studio. La pénétration sera plus agréable.
***
J'hésite sur la manière d'annoncer ma décision à Daniel : je suis conscient des efforts réalisés pour m’accueillir et cette soirée en ville, mais je ne lui suis redevable de rien. Le secteur d'activité reste vraiment particulier ; mes onze heures de sommeil l'ont confirmé. J'étais tellement épuisé que je me suis endormi en moins de dix minutes après avoir fait disparaître tout indice de ma séance.
Nous nous donnons rendez-vous à dix heures, une bonne heure avant le départ de mon train du retour vers Paris, principalement pour lui remettre le double de clefs du studio.
- J’ai réfléchi hier soir, et je pense que je préférerais finalement rester en région parisienne, pour trouver quelque chose de plus classique, dis-je sans ambiguïté.
Il fait une moue déçue.
- Je dois avouer que je m’y attendais un peu… tu peux sûrement trouver des boîtes plus sérieuses que la nôtre.
- C’est ça. Pourtant, je dois dire que j’ai apprécié la ville… c’est bien différent de Paris. Et merci encore pour l’hébergement.
- De rien, ça m’a aussi fait très plaisir de te rencontrer. Tiens, je te file quand même un petit album photos signé par les acteurs du studio, ça te fera un souvenir, dit-il avec un clin d’œil coquin.
- Merci ! Ah, aussi, le bar d’échecs était super ; j'en ai repéré un à Paris, on verra s’il vaut « La Confrérie du Blitz » !
- Aucune chance !
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