Chapitre 28

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Écrit en écoutant notamment : Le Bask x Anamorphic – The Soul

À peine la porte de la résidence franchie, je m’en veux déjà. Pourquoi ai-je tout de suite imaginé qu’il tomberait dans mes bras ? Je m’arrête après une vingtaine de pas et lève les yeux vers l’étage que je viens de quitter. Bien sûr, leur soirée continue… Alexis n’a pas couru après moi pour me faire revenir. En prévision des dix minutes d’attente pour le tram, je me réfugie sous l’abri de la station pour échapper au vent froid qui s’est levé. Seules mes chevilles sont fouettées par un filet d'air glacial qui s’infiltre sous la vitre.

J’ai encore de la chance de n’avoir parlé à personne de ce garçon, et surtout pas à Sarah ! Je sors mon téléphone et appuie presque par réflexe sur mon appli d’échecs. Évidemment, les images de mes parties de la veille avec Alexis affluent tout de suite dans ma tête... Voilà pourquoi il paraissait si heureux hier soir : facile quand on a un bel amoureux avec qui prendre du plaisir. Après un long soupir, j’annule tout de suite la partie que j’ai lancée et glisse mon téléphone dans la poche de mon pantalon. Je n’ai pas le cœur à jouer. Une éternité plus tard, les phares du tram apparaissent au loin, grossissant jusqu’à m’aveugler.

La trajet du retour m'a suffi à réaliser l'entièreté de la bêtise que j’ai faite en filant comme un malotru. Pour autant, je ne veux pas me précipiter en envoyant un message à Alexis. La nuit me portera conseil, et avec de la chance, c’est même lui qui m’aura recontacté au lever du jour.

J’ouvre mon projet de programmation, que j’avais laissé avant de me préparer pour la soirée. Je fais défiler mon code sans trouver la motivation pour me lancer dans les améliorations que j’avais prévues. En lançant mon interface, le petit personnage jaune et vert de Doodle Jump parvient à franchir les premiers paliers, mais dès que les plateformes mobiles apparaissent dans le décor, il fait un saut de l’ange pour s’écraser dans le vide. Quelque chose ne tourne pas rond avec la manière dont j’ai codé le réseau de neurones. À chaque fois qu’une piste émerge, je suis distrait par un rien et dois recommencer ma réflexion deux minutes plus tard. Cette inefficacité m’horripile. En fait, mon cerveau réfléchit déjà à comment je pourrais rattraper le coup avec Alexis. Même si dans l’immédiat, aucune relation charnelle n’est envisageable, il reste super sympa - en plus d'être un excellent partenaire d’échecs à mon niveau. Je me décide à agir tout de suite plutôt que de ruminer trop longtemps. Je n’ai pas envie de mentir avec lui : il aura la vérité, en évitant les détails trop intimes que j’ai imaginés.

Enfin, je retrouve ma capacité d’attention… Après plusieurs essais qui ne sonnaient pas juste, j’appuie sur « Envoyer » :

« Salut Alexis, je suis vraiment désolé pour tout à l’heure, il faudra qu’on en parle, si ça te dérange pas. »

Sa réponse n’arrive que plus tard dans la soirée :

« Bah ouais, on s’est demandé ce qui s’était passé, même si des urgences peuvent arriver ! Et bien sûr que tu peux me dire ! »

« Même si ça te concerne ? »

« Je pense, oui ! À moins que j’oublie une évidence, je n’ai rien de trop grave à me reprocher ^^ »

Je m’attelle donc à l'élaboration de mon message. Je souhaite trouver un équilibre entre rester clair, ne pas montrer trop de jalousie, et faire comprendre que je veux bien rester ami avec lui. Je me sens ridicule au moment d’envoyer mon pavé ; on verra déjà s’il ne se moque pas de moi.

***

Deux semaines plus tard.

La dernière partie du voyage vers Prague est la moins agréable. Autant nous avons pu profiter des TGV jusqu’en Allemagne, le trajet entre Nuremberg et Prague se fait à bord d’un bus au confort limité. En plus, Dimitri a tenu à s’installer à côté de moi… La nuit est déjà tombée et une fraîcheur se fait ressentir. Le chauffage n’est certainement pas inclus dans le prix dérisoire que nous avons payé. Pour la dix millième fois, j’observe le cadran à l’avant du bus basculer entre l’heure et la température extérieure, proche de zéro degré.

Au début, par principe, j’ai fait en sorte de rester à bonne distance de Dimitri. Enfin, tout est relatif : vu la largeur réduite des sièges, cela signifiait seulement ne pas me coller à lui. Mais j’ai fini par craquer… Je suis sûr qu’il l’a remarqué, car au moment où j’ai laissé ma cuisse reposer contre la sienne sans résister, sa tête a chu sur mon épaule.

Je ne sais pas s’il s’est vraiment assoupi, mais j’accepte de remplir mon rôle d’oreiller pendant de longues minutes. Mon regard en profite pour glisser vers le haut de ses cuisses et son entrejambe. Une forme sans équivoque s’est dessinée sous la boucle de sa ceinture. J’ai une envie folle de relever sa chemise, d’aller caresser les poils blonds qui courent de son nombril vers son jean. Je ne pouvais déjà pas résister à de simples évocations mentales sous la douche, alors là, avec l’objet de mes fantasmes à portée de main…

À l’extérieur, je distingue un panneau routier, éclairé par le bus à son passage : plus que cent vingt kilomètres jusqu’à Prague ! La frontière ne doit plus être très loin non plus. Je sors mon téléphone et ouvre ma discussion avec Alexis. Il me parle déjà d’une soirée qui aura lieu sur le campus de son école : apparemment, ses organisateurs ont vu les choses en grand. Ils auraient prévu de réquisitionner six colocations réparties sur deux étages, afin de proposer différentes ambiances musicales, et même de monter un bar.

Je suis encore étonné qu’Alexis ait si bien pris ma « déclaration », il y a deux semaines. C’est vraiment signe qu’il est bien dans sa vie. Après quelques échanges, il a même ajouté que lui et son copain n’excluaient pas d’essayer des plans à trois, mais même si on m’en offrait la possibilité, je ne me sens pas prêt pour cela. L’idée de ne pas avoir un mec pour moi tout seul me dérange.

Je dois admettre que je ne pensais pas Alexis attiré par ce genre de pratiques… en plus du poppers qui semblent agrémenter les rapports avec son copain. Il paraît plus sage vu de l’extérieur ! Tant mieux pour moi, car ces « découvertes » ont permis de mitiger mes ardeurs pour lui.

C’est ce moment, alors que je rêvasse devant mon écran, que choisit Dimitri pour relever sa tête.

  • C’est qui, cet Alexis ? Montre sa photo de profil en grand, il a l’air mignon !
  • Ah, non !
  • Tu es sur une bonne piste, toi ! dit-il en me tapotant la cuisse.
  • Même pas vraiment…
  • Comment t’essayes de m’entourlouper !
  • Si tu veux tout savoir, il est déjà en couple. Et je ne compte pas foutre le bordel.
  • Comme tu veux ! Mais si t’as son Insta, je prends.

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