Chapitre 33
Écrit en écoutant : PZK – Chuis Bo
Comme hier, les tournages s’achèvent peu avant sept heures du soir pour nos acteurs. Je les imaginais épuisés par cette journée priapique, mais c’était sans compter sur Kenzo. Il siphonne devant nous un liquide grumeleux dans son shaker de musculation, puis revisse le couvercle son pot de protéines en poudre.
- C’est le moment parfait pour aller s’entraîner ! s’écrie-t-il une fois qu’il a terminé le breuvage gris clair. Qui vient avec moi ? J’ai vu que l’hôtel possédait une salle de sport.
- Euh, c’est pas prévu, dis-je pour essayer de le calmer. T’as encore de la force, toi ?
- Franchement, ça va ! Si je n’y vais pas ce soir, ça fera trois jours sans entraînement. Allez, on bouge son cul !
- J’ai pas d’affaires de sport, malheureusement…
- Si c’est que ça, je te file ce qu’il faut. Maintenant, tu n’as plus aucune excuse.
Dans la foulée, Dimitri me tape dans le dos, en terminant par un mouvement plus proche d’une caresse que d’un signe d’encouragement.
- Ça te fera du bien ! ajoute-t-il.
Comment ça, du bien ? D’habitude, cette phrase provient plutôt de ma mère. Trouverait-il mon physique trop banal ?
Je suis très loin d’être enveloppé ; j’ai la chance d’avoir un métabolisme rapide qui consume mon gras plus vite qu’il ne s’accumule. Mes muscles gagneraient à devenir plus visibles, mais ça n’a jamais été un véritable objectif et l'ambiance des salles de sport ne me plaît pas. Je préfère largement marcher dans de grands espaces libres.
J’ai l’image de ces accros de la fonte qui poussent des cris de sanglier en remontant leur barre de développé-couché. Tout ça pour montrer qu’ils sont capables de mettre cinq kilos de plus que leur voisin. Heureusement pour lui, Kenzo ne me semble pas dans l’excès ; au contraire, ses muscles sont bien proportionnés et forment un ensemble harmonieux.
Je finis par accepter, afin de ne pas passer pour le rabat-joie qui passe son temps à coder sur son ordinateur. Les encouragements de Dimitri y participent également. Il s’intéresse réellement à moi.
Déjà, lors du trajet retour vers l’hôtel, j’ai été la cible de plusieurs de ses regards bienveillants. Nous n’en avons pas encore parlé directement, mais c’est comme s’il souhaitait s’excuser d’avoir touché à d’autres garçons les heures précédentes.
- Allez-y, ne perdez pas de temps ! reprend-il. Je dois m’occuper de quelques affaires personnelles, puis si j’ai le temps, je testerai quelques arrangements pour notre morceau. Tu me donneras ton avis plus tard !
***
Kenzo correspond tout de même en partie au cliché du fan de musculation. Il arbore un débardeur coloré qui laisse voir le haut de son dos et ses épaules larges. Nous empruntons l’ascenseur jusqu’au niveau moins un et poussons la porte de la salle au bout d’un couloir.
L’endroit n’est pas des plus modernes, mais nous sommes seuls, ouf ! On dirait que les machines datent encore du Printemps de Prague, il y a plus d’un demi-siècle. Kenzo est moins dérangé que moi et imagine déjà les photos Instagram qu’il pourra faire dans cette ambiance à l’ancienne. Selon lui, le contraste avec sa tenue devrait faire son effet.
- Avant toute chose, petite routine d’échauffement, dit Kenzo. Rien de compliqué, tu n’as qu’à suivre mes mouvements. On soulèvera des poids après.
J’ai l’impression de décoincer la moitié de mes articulations et me rends compte que Kenzo est bien plus souple que moi. La différence est flagrante sur l’exercice dit du chat-chien : à quatre pattes, il faut successivement enrouler puis creuser le dos. Cette dernière position ressemble fort à celle de levrette, et bien qu’il soit actif, Kenzo cambre beaucoup plus que moi. Vu de l’extérieur, je dois ressembler à une planche... Faisons un effort : si jamais Dimitri me prenait comme ça par derrière, je suis sûr qu’il préférerait voir un dos joliment arqué duquel se détache clairement les formes de mes muscles fessiers.
L’échauffement terminé, Kenzo reprend son discours de coach sportif.
- Vu que t’es pas forcément habitué aux machines, on va faire un circuit au poids du corps, en fait.
- D’accord…
- Ça évitera que tu te blesses bêtement. Donc on va partir sur dix pompes, dix squats, vingt fentes et dix burpees. On le fera six fois, avec trente secondes de repos après chaque enchaînement.
Il me démontre successivement chaque exercice, puis allume l’enceinte portable qu’il a ramenée. Du Katy Perry pour de la muscu, pourquoi pas…
Comme je le pressentais, j’ai déjà les muscles en compote au bout de la première série d’exercices. Ce sport est infâme ! Je parviens péniblement à m’en sortir en faisant les séries de plus en plus lentement au fur et à mesure que mon niveau d’énergie décline. Le pire, ce sont les pompes en étant essoufflé. Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point je manquais de force dans mes bras. Malgré mon état de décomposition avancée, je remarque bien que Kenzo augmente son nombre de répétitions pour compenser mon retard. Il paraît frais comme un gardon et son sourire montre qu’il prend plaisir à me torturer.
- Tu verras, tu fais ça deux fois par semaine, et dans moins de deux mois, tu te sentiras complètement différent.
- Mouais… grogné-je en m’écrasant sous mon propre poids à la cinquième pompe de la dernière série.
Le circuit terminé, je reste affalé par terre comme une serpillère usée ; je suis tout aussi trempé et crasseux. Pendant que mon coeur redescend progressivement, Kenzo vient me chatouiller les côtes.
- Cinq minutes de récupération et on repart.
- Comment ça, c’est pas fini ?
- Bah non, ça fait à peine une demi-heure qu’on est là !
- Est-ce que je peux mettre un peu ma musique, au moins ? Pour me motiver.
- Comme tu veux !
Il me fait glisser son téléphone, où son appli de streaming est ouverte. L’ambiance devient soudainement moins chaleureuse, mais il ne s’en formalise pas. Alors qu’il m’a donné des exercices plus faciles, lui s’installe successivement à la presse à cuisse et à la barre de traction. Là, je vois à son visage rougi et crispé qu’il se met enfin dans le dur. Tant de souffrance pour pouvoir afficher ces beaux muscles !
***
Je suis mort ! Rôti comme un porc. J’ai failli me casser la gueule sur le rebord du tapis à la sortie de l’ascenseur.
Dimitri m’observe chanceler dans l’entrée de la chambre pendant de longues secondes, puis insiste pour que nous prenions rapidement notre douche. Apparemment, lui et Daniel ont réservé un restaurant à huit heures et demie. La suite de la soirée n’est pas encore fixée, mais j’ai cru que comprendre qu’un club assez renommé de la ville leur avait tapé dans l’œil.
Alors que j’ai filé à la douche pour accélérer le mouvement, j’ai la surprise de voir débarquer Kenzo à poil devant moi pendant que je me savonne. Aucune gêne !
- C’est pour faire plus vite, dit-il en m’empruntant le pommeau de douche tant que je n’en ai pas besoin.
Ses muscles congestionnés m’impressionnent encore plus que lors de la scène que je l’ai vu tourner tout à l’heure. Le pire reste son braquemart, impressionnant même au repos. L’idée qu’il frôle mes hanches par inadvertance jaillit dans mon esprit et je dois me retourner face au mur en sentant que mon sexe prend déjà du volume. Je sais que je dois me concentrer sur mon début de relation avec Dimitri, mais ma condition de jeune adulte gay ne peut lutter contre tant de sex-appeal. Une pincée de désinhibition supplémentaire et je me jetterais dans une orgie avec eux deux, et même Jordan en plus.
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