Chapitre 43
Écrit en écoutant notamment : Trym x Sofiane Pamart – Shadow Of Tears
- Tu connais ? lui demandé-je une fois que le reste du groupe est parti.
- J’aurais envie de dire non, mais oui ! Ils ont leur petite notoriété, hein ; pourtant, je ne suis pas un expert, qui connaîtrait tous les studios gays sur le bout de doigts.
- Pareil pour moi. Sauf pour eux en particulier. En fait… je travaille avec eux.
- Hein ?
- Yes, j’ai été engagé au studio il y a quelque temps !
- Attends, tu m’avais pas dit que t’étais dans l’informatique ? C’est un peu spécial comme reconversion.
J’allais corriger Alexis, mais maintenant que je commence à avoir l’habitude de ce raccourci, je préfère m’en amuser.
- C’est vrai ! assuré-je. J’ai bien eu mon diplôme d’ingénieur il y a quelques mois ; je n’étais seulement pas très à l’aise à l’idée d’évoquer ce… changement de milieu. Rassure-toi, j’ai fait le même coup à ma famille.
- Ah… bah, je comprends bien.
- T’imagines s’ils me voyaient avec tous ces mecs ?
Il est carrément en train de rougir ! Si ça trouve, il m’imagine en train d’enchaîner les positions avec les autres acteurs du studio.
- C’est fou, quand même ! répète-t-il en détaillant mon corps.
- Si tu le dis ! Par contre, tu n’es pas obligé d’aller fouiller le site, hein ! T’as déjà eu le privilège de me voir en vrai. Bon, on se bouge le cul ?
Nous traversons les cinquante mètres d’herbe rase qui nous séparent des appartements abritant la soirée. Alexis ne m’avait pas menti : il y a vraiment du monde ! Nous nous faufilons entre de nombreux groupes d’étudiants qui discutent en cercles rapprochés devant la façade de l’immeuble.
Juste avant que nous franchissions la porte vitrée, je le retiens par le bras.
- Une dernière chose : je suis désolé de t’avoir fait marcher, mais t’avais raison, je fais bien de l’informatique. Dans un studio de films gays, là, tout est véridique, mais je ne ferai jamais de scène ! Je m’occupe du site, de comment améliorer l'expérience de nos clients.
Je me délecte de ses yeux écarquillés qui brillent dans la pénombre. On dirait que son cerveau a besoin de plusieurs secondes pour reconnecter tous les éléments entre eux.
- Oh putain ! T’es trop con ! Et moi, c’est encore pire ! C’est officiel, j’ai déjà trop bu.
Il m’assène un coup – mérité ? – dans l’épaule avant de m’étreindre. J’espère que son copain n’est pas dans les parages, car la scène pourrait prêter à confusion.
***
Minuit.
- T’es chaud pour faire un tour dans la salle techno ? demandé-je à Alexis.
- Pourquoi pas, mais je ne te garantis pas te tenir une éternité.
Nous quittons l’appartement faisant office de bar en terminant notre mojito d’une traite. Avec un peu de chance, nous retrouverons nos gobelets plus tard. Entre les flaques et les cartons de packs qui jonchent les marches, la cage d’escalier est véritablement dans un sale état ; je ne serais pas étonné que quelques chevilles imprudentes se tordent pendant la soirée.
Je pousse la porte de l’étage d’au-dessus en invitant Alexis à passer devant moi. Le niveau sonore dépasse allègrement les cent décibels. Les organisateurs ont même installé des lasers verts qui traversent le salon en mode guerre des étoiles. C’est en me rapprochant des barrières protégeant la scène que je me rends compte de l’installation monstrueuse qui cerne les DJ du soir. Deux caissons et quatre enceintes, c’est absolument disproportionné pour trente mètres carrés. Après une transition, je reconnais un son du célèbre producteur parisien Trym. Ce gars a réussi la prouesse d’attirer un public de plus en plus large, tout en restant fidèle au genre techno.
Je m’amuse comme un fou à balancer mon corps et à taper du pied sur le sol. Sans que je ne le lui demande vraiment, un étudiant torse-nu vient me défier dans une dance battle. J’accepte forcément, ne serait-ce que pour me mesurer à ce mec aux abdos bien visibles. Attention seulement à ne pas mettre un gros coup de coude dans un malheureux fêtard qui passerait derrière moi ! Même s’il n'est pas totalement à l’aise avec la musique, Alexis se marre en m’observant improviser mon meilleur jeu de jambes.
***
Je suis encore resté une demi-heure de plus à m’abreuver de basses fréquences. Maintenant décidé à faire une pause, je pars à la recherche d’Alexis à travers les différents appartements, tout en m'épongeant comme je peux le dos et les cheveux. Je le retrouve en fait simplement au bar, accompagné de son copain. Heureusement, maintenant que j’ai Dimitri, il n’y a plus de raison d’être jaloux.
Je voulais m’approcher discrètement d’Alexis pour lui pincer les épaules, mais je suis démasqué par sa moitié – ou son tiers, au vu de certaines de leurs activités – avant d’arriver à destination. Sa teinture blonde a perdu de son éclat depuis la dernière fois que je l’ai vu.
- Ah, Martial ! Alexis m’a raconté pour ton taf, c’est ouf ! D’ailleurs, moi c’est Dorian.
- Ok ! Je vois que les nouvelles se propagent vite.
- On aurait une question… un peu bizarre. Tu penses qu’il y aurait moyen de nous faire un shooting photo au studio ? Vous devez avoir plein de matos !
- Euh… ouais ! En vrai, j’ai les clés sur moi. Et c’est pas tellement loin d’ici.
- Genre on irait là-bas maintenant ?
- Bah… l’avantage, à cette heure-là, c’est qu’on ne risque pas d’être dérangés.
- Putain, je suis trop chaud ! Pas toi, Alexis ?
- T’es surtout très bourré !
- Toi aussi !
Alexis finit par céder devant l’enthousiasme de son copain. Je suis ravi d’avoir su exciter autant Dorian avec mon idée ! Pour l’aller, nous pouvons emprunter les derniers trams, mais il faudra se débrouiller autrement pour rentrer, à moins que nous dormions sur place. Avant de quitter le campus, les deux garçons repassent chez eux pour récupérer certaines tenues qui les mettront mieux en valeur lors de notre séance photo.
***
- Putain, j’adore ! s’exclame Dorian en pénétrant dans le studio.
- Franchement, ça ressemble fort à ce que je m’étais imaginé, dit Alexis.
- C’est parce que tu connais trop bien le milieu, rigole son copain. Je dis ça… mais on a un grand spécialiste avec nous. Martial, t’as l’habitude de voir des tournages ?
- Ça peut m’arriver, même si ce n’est pas mon rôle, à la base. J’étais à Prague il y a quelques jours pour une collab’ et je dois dire que j’ai eu ma dose. D’ailleurs, vous pourrez sûrement voir le résultat dans quelques semaines ou mois, si vous vous abonnez, bien sûr.
- Le mec a le sens des affaires !
Je ne suis pas peu fier de les avoir emmenés ici, dans ce studio que je vais finir par considérer comme ma deuxième maison. Ils ont droit à une visite des différentes chambres, ainsi que de notre remise de matériel.
- Sortez tout ce qui vous fait plaisir, tant que c’est rangé demain matin ! Je m’occupe d’installer un trépied avec une caméra.
- Tu sais t’en servir ?
- Plus ou moins ! Je suis confiant, vous verrez que ça rendra bien.
Je puise dans de lointains souvenirs pour me rappeler de réglages classiques. Ça ne doit pas être tellement plus compliqué que le code que je tape à longueur de journée. Au bout de quelques minutes à installer des éclairages, puis à bidouiller les paramètres d’ouverture, d’obturation ou d’ISO, le rendu me semble correct. Il ne manque plus que les stars de la soirée…
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