Chapitre 45

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Écrit en écoutant notamment : Brutal Jesters – Full Dawa (Flagelle Moi Avec Une Pelle)

Alexis et Dorian me font des gros yeux, comme si je suis censé savoir ce qu’il se passe. Ce n’est pas parce que je travaille ici que je m’attends à voir débarquer des visiteurs en plein milieu de la nuit ! Dorian commence à trembler de froid, mais hésite à se rhabiller, avec le risque que nous soyons démasqués. Nous avons tous les trois passé notre téléphone en mode avion pour plus de discrétion.

Pour l’instant, les pas se concentrent de l’autre côté du studio, plutôt vers le bureau de Daniel si mes capacités d’écholocation sont bonnes. On entend des bruits d’armoires et de tiroirs, successivement ouverts et refermés.

Alexis me présente l’écran de son smartphone. Il l'a réglé sur la luminosité minimale et a tapé : « On ne ferait pas mieux de prévenir les flics ? ». J’écarte très rapidement la proposition, ayant en tête la mésaventure de la mère de Dimitri dans des circonstances similaires. Ces personnes sont probablement armées, ne serait-ce que d’un canif, et seraient capables de nous sauter dessus tels des pitbulls psychopathes au moindre signe. Je ne vois pas d’alternative à l’attente. Il faut juste espérer que notre matériel de tournage, ce qui a le plus de valeur ici, ne soit pas dérobé.

Soudain, un couinement résonne dans la pièce : c’est Dorian qui vient de changer de position sur le matelas. L’isolation phonique du studio doit être médiocre, car les piétinements qui rythmaient les dernières minutes se taisent sur-le-champ. Dorian fait du mieux possible pour s’excuser à l’aide d’expressions faciales, tandis que des chuchotements trop ténus pour être compris parviennent jusqu’à nos oreilles. Seule confirmation : ce sont bien deux hommes, qui reprennent d’ailleurs leurs activités après une minute de tergiversations. Je reconnais notamment le claquement caractéristique du coffre-fort de Daniel.

Merde ! Comment ces intrus ont-ils fait pour le débloquer aussi facilement ? Peut-être que la célèbre technique, montrée dans les films, qui consiste à repérer des taches de graisse sur les chiffres, marche réellement. Je n’ai jamais trop su ce que Daniel y range, mais ce n'est pas protégé pour rien...

Alors que nous pensions l’incident clos, les pas se rapprochent dangereusement de notre planque. Un éclair d’adrénaline me zèbre le coeur lorsque je comprends que la confrontation sera inévitable. Je m’équipe du martinet comme arme de fortune et pousse la porte, afin de ne pas subir la situation. Je fais signe à mes deux amis de rester en retrait.

Premier constat, les deux hommes que je distingue dans le couloir me sont complètement inconnus. Ils doivent avoir la quarantaine. C’est pendant que nous nous toisons que je remarque que j’ai remonté mes mains devant mon torse, dans un pur réflexe défensif. Je ne me suis pas pris de tir de silencieux, c’est déjà ça de gagné.

Passées les premières secondes, mon esprit analytique reprend du service : ils sont au moins aussi surpris que moi et n’avaient sûrement pas intégré à leurs plans de devoir gérer un employé du studio, qui y passe ses nuits. Et encore, ils n’ont pas vu le couple sulfureux abrité dans la chambre…

  • Que faites-vous ici ? me demande un des deux hommes.
  • Euh, je suis juste un pauvre développeur informatique qui travaille dans ce studio. Et vous ? rétorqué-je avec une naïveté complètement sincère.
  • Intéressant…

Le mec n’a absolument pas répondu à ma question, mais au moins, il n’a pas l’air si menaçant.

  • Donc, vous connaissez M. Alekhine ? continue l'autre.
  • Bien sûr, pourquoi ?
  • Comme ça.
  • Qu’est-ce que vous lui voulez ? J’ai bien entendu que vous avez forcé son coffre.
  • Forcé… tout de suite les grands mots.
  • Bon, donnez-moi des explications, ou alors j’appelle la police, dis-je en ayant l’impression qu’ils se moquent de moi.
  • Inutile. Et dangereux pour vous. Ne nous obligez pas à faire usage de la force.
  • Vous êtes doués en informatique ? me demande celui qui avait jugé mon travail ici « intéressant ».
  • Oui, je pense, pourquoi ?

Je ne comprends plus rien à la situation.

  • Arrêtez de poser des questions. Nous vous en avons déjà trop dit. Surtout, ne risquez pas d’en faire mauvais usage, lâche-t-il avec un sous-entendu évident, suivi d’un silence censé sceller l’accord.
  • Mais… comme vous m’avez l’air têtu, passez à cette adresse ce lundi, à dix-neuf heures, dit-il en me tendant un papier. Assurez-vous de venir seul : nous vous ferons passer un… entretien d’embauche.

Je suis tout juste capable d’attraper les coordonnées et de hocher la tête.

  • Dites à vos collègues que nous réalisions de simples tests de sécurité, et que M. Alekhine nous avait mandatés sans vous prévenir.
  • Entendu, bégayé-je.

L’un d’entre eux ramasse son sac à dos pour le mettre sur les épaules. Ils me laissent en plan sans un mot de plus.

***

  • Martial, ça va ?

Alexis et Dorian débarquent dans le couloir avec un visage inquiet. Il faut dire que je n’ai pas bougé d’un millimètre depuis deux minutes.

  • Oui, pas de souci. Rien de grave. Ça m’a juste foutu un gros coup de stress.

Je préfère me servir de l’alibi fourni par ces mafieux en herbe pour étayer ma réponse et les rassurer. Je n’ai aucune envie de les mêler à des histoires qui concernent le studio. Daniel pourra m’aider à y voir plus clair ; je l'appellerai dès demain s'il est encore en vadrouille.

  • Bon, la soirée a été suffisamment intense pour moi, leur dis-je.
  • Oui, pareil pour nous ! C’est ouf quand même, t’imagines s’ils nous avaient trouvés à poil, on aurait eu l’air malins ! rigole Alexis.
  • J’avoue ! Bon, je vais aller me coucher, je vous laisse votre chambre... Et ça serait bien si vous partiez avant huit heures du matin.
  • C’était prévu, ne t’inquiète pas.
  • Sinon… j’ai des bouchons d’oreille, tant que vous ne hurlez pas, ça devrait le faire, dis-je pour terminer de détendre l’atmosphère.

Dimitri – VIII

  • Est-ce que je peux savoir ce que nous fêtons ?

La mère de Dimitri vient de lui remplir une coupe de champagne à ras bord. Elle-même s’est autorisé un fond, ce qui est extrêmement rare. Sa pochette bleu clair, celle qui rassemble son dossier médical déjà dangereusement épais, trône au milieu de la table. Elle défait les élastiques et extrait quatre pages agrafées entre elles, qu’elle tend à Dimitri.

  • Du bonheur dans mon malheur, dit-elle. J’ai reçu ça le lendemain de ma sortie de l’hôpital. Le hasard fait bien les choses.

Il ne faut pas plus de quinze secondes à Dimitri pour comprendre l’essence du document. Il le dépose avec précaution sur la table et plonge dans les bras de sa mère.

  • C’est fantastique !
  • Oui ! Ce n’est qu’une première étape, mais le mot reste juste.
  • Ils ont déjà donné une date pour l’opération ?
  • Pas encore. Il y a d’abord certains tests de compatibilité à effectuer pour être sûr que la transplantation rénale se passera bien.

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