Chapitre 63
Écrit en écoutant notamment : Yannou x Asol – Slut Scientist
Elle fait sonner le bol à intervalles réguliers pour marquer les transitions entre les étapes de la méditation. Je suis tellement pris au jeu que ses mains me surprennent lorsqu’elles se posent sur mes épaules. Elle vient de se faufiler derrière moi.
- Malheureusement, je n’ai pas le bol, et donc la note nécessaire pour ouvrir le chakra suivant. Je vais devoir procéder manuellement. C’est d’accord ?
- Vas-y.
- Il s’agit du chakra lié à l’appareil reproducteur, le Svadhishthana. Il régule nos envies, nos désirs, nos pulsions.
Ses massages, jusque-là limités aux épaules, descendent sur le haut de mes hanches. On dévie sûrement de la séance de méditation traditionnelle, mais, les yeux clos, ses pressions sont encore agréables.
- Tu veux enlever ton t-shirt ? Ça sera plus facile.
Je m'exécute sans trop réfléchir.
- Je sens des nœuds qui inhibent tes canaux énergétiques, dit-elle en enfonçant ses pouces dans le creux de mon dos. Je ressens une dysharmonie sexuelle.
- Comment ça ?
- Ton esprit peine à épouser les tentations de ton corps. Il veut les contrôler, excessivement. C’est l’origine de tes tensions.
Elle n’a pas complètement tort, même si la rigueur de son analyse est à peine plus fiable que celle d’un horoscope. Elle m’invite à me relever et à la suivre dans sa chambre afin de « relâcher mes raideurs ».
Franchement, pourquoi pas… Si, sans le savoir, elle peut m’aider d’une quelconque manière dans ma relation avec Dimitri, je ne la freinerai pas. Je grimace lorsqu’elle revient sur un point douloureux de mes trapèzes. Le lien avec ma soi-disant « dysharmonie sexuelle » n’est pas clair, mais soit ! Une de ses mains quitte mon épaule pour se retrouver à l’avant de mon pantalon. Je relève mon buste dans un réflexe.
- Oh là, tu fais quoi ?
- Laisse-toi faire. Nous sommes bien d’accord, tu voulais que je te parle de ton ex-boss ?
Je hoche la tête en comprenant qu’elle ne rigole pas du tout. C’est donnant-donnant.
- J’en étais restée à sa fuite depuis la Biélorussie, il y a dix ans, c’est bien ça ?
- Exactement, réponds-je en essayant de faire abstraction de sa main baladeuse.
Je me force aussi à regarder uniquement son visage sans baisser le regard sur mon entrejambe.
- Jusqu'en 2010, Daniel travaillait comme fonctionnaire aux quartiers généraux de la police de Minsk. Tu comprends bien que pour nous, c’était l’agent infiltré parfait. Il a pu opérer sous les radars pendant plusieurs années sans être démasqués, jusqu’à une bête histoire d’agent d’entretien, si je me souviens bien. C’était quelques années avant mes débuts.
- Tu sais pourquoi il s’est lancé là-dedans ? Il bossait déjà à la police ?
- Oui. En revanche, quant à ses motivations… il y aurait une histoire d’amour derrière, comme bien souvent… Un type déjà impliqué dans l’opposition au gouvernement, et qui aurait « disparu », comme beaucoup d’autres.
Elle continue son récit tout en me caressant le torse.
- Il n’était plus retourné dans son pays depuis son arrivée en France. En fait, notre organisation avait planifié une mission de terrain avec la branche biélorusse : il fallait pouvoir s’introduire dans les locaux de la police de Minsk pour récupérer des documents cruciaux. Daniel s’est lui-même porté volontaire pour y prendre part, grâce à son expérience passée. Même plusieurs années après, sa connaissance de l’environnement était un avantage énorme. Et… si tu veux mon avis, des raisons plus personnelles l’ont poussé à prendre le risque. Ça faisait un moment qu’il ne supportait plus d’agir à distance. En restant planqué, au chaud à Nantes, il avait l’impression de trahir son pays et son engagement.
Si on m’avait dit ça lorsque je l’avais rencontré pour la première fois à Nantes au milieu de l’été… Je me souviens encore de son short et de ses lunettes de soleil, il était le boss le plus relax que j’avais jamais vu ! Enfin, le talent d’un agent en son genre ne réside-t-il pas dans ses capacités de camouflage ? C’est comme pour les meurtriers, on ne les reconnaîtrait pas au milieu d’une foule. De simples calculs statistiques montrent d'ailleurs qu’il est extrêmement probable d’en avoir déjà croisé un dans la rue au cours de sa vie.
- Je pourrais savoir comment tu sais tout ça ? demandé-je.
- J’ai beau être jeune, je suis déjà assez expérimentée pour récupérer des infos, que ce soit de manière officielle ou par des moyens détournés.
- Tu fais souvent le coup de la séance de méditation ?
Elle ne répond pas à ma question.
- Et tu devais bien savoir que je suis gay ! martelé-je. Je ne travaillais pas au studio avec Daniel pour rien !
- Certains disent que personne n’est hétéro à cent pour cent. Alors le contraire doit être vrai aussi.
- Je ne suis pas sûr… la situation me stresse plus qu’elle m’excite. Dommage, car ça avait bien commencé.
- Tu n’es simplement pas assez relâché.
- Si ça t’amuse d’essayer de me faire bander, tu peux… mais ça sera gênant pour nous deux.
- Ça irait mieux avec un garçon en plus ?
- Non, je crois pas…
Vexée, elle s’assied au bout du lit en posant ses mains sur ses genoux. Un peu plus et je trompais Dimitri avec une fille.
Nous nous tournons toujours le dos lorsque j’ose enfin chasser un silence de plus en plus pesant :
- J’aimerai te parler d’un sujet au moins aussi intéressant. Tes qualités pourront peut-être m’aider.
Elle daigne se retourner uniquement lorsque je précise qu’il s’agit d’informatique. Je lui explique alors les irrégularités découvertes cette semaine en travaillant sur la gestion des cryptomonnaies de la Stoned Chicken. J’espère qu’elle saura m’aider à interpréter les métadonnées liées aux transactions, pour remonter la « piste ».
- Oulah, je te recommanderais de faire attention avec les initiatives personnelles, assène-t-elle. Personnellement, je ne t’en empêcherai pas tant que ça n’a pas d’incidence sur nos activités, mais je ne saurais rien ! En plus, il y a neuf chances sur dix pour que tu sois sur une fausse piste, à vouloir expliquer des opérations tout à fait normales. D’habitude, le syndrome du « hacker qui va sauver le monde » arrive plus tard… Là, tu fais fort.
- Tu voudrais pas jeter un œil rapidement ? Juste pour être sûrs.
- Non, vraiment pas.
Je ne parviendrai pas à la convaincre ainsi.
- Et si je te disais qu’on pouvait… s’arranger ?
- De la manière à laquelle je pense ?
- Oui, dis-je avec résignation.
- Ok. Donc, je te réclamerai des frais d’enquête, sous forme… audiovisuelle. À hauteur de ma contribution, bien sûr. Je reste réglo.
Nous nous serrons la main. À mon tour de jouer au modèle, tout comme nos acteurs de Brittany Twinks… Envoyer des photos intimes à une fille, ça sera une première pour moi.
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