Chapitre 64

5 minutes de lecture

Écrit en écoutant notamment : Fiikra – Acid Romance

Cinq jours plus tard.

Sur le chemin pour rejoindre Kenzo, je m’arrête devant une pharmacie. Je devrais bien y trouver de quoi me booster temporairement.

  • Quelque chose de costaud, vous dites… répète la pharmacienne. Je n’ai pas mieux à vous proposer que du Guronsan. Mais ça fera le travail.
  • Vous pouvez en mettre deux paquets directement, dis-je.
  • Je ne suis pas médecin, mais effectivement, vous devriez vous ménager. Vous avez le teint fourbu.
  • Ça va encore… Tant qu’on y est, je vais aussi acheter deux boîtes de préservatifs.
  • Quelle taille ?
  • Une normale et une large.

Je suis à deux doigts d’éclater de rire devant son changement d’expression faciale. Je ne sais pas quand ces capotes seront utilisées, ni même si ce sera avec Dimitri, mais j’avais juste envie de me marrer. Elle ne doit pas recevoir chaque jour des clients qui lui demandent deux tailles différentes. Je quitte l’enseigne avec un sourire de gamin effronté.

Dix minutes plus tard, je retrouve Kenzo devant le Gay’pard. Il fait volte-face alors que nous nous apprêtions à entrer.

  • Et si on changeait de bar pour une fois ? J’ai jamais testé celui d’en face.
  • Mouais, je le connais plutôt bien, mais tu risques de te faire chier. À moins que tu n’aimes jouer aux échecs.
  • Pourquoi pas, c’est une expérience comme les autres… Enfin, je te laisse choisir, pour une fois !
  • Allez, go pour les échecs, j’avoue que ça me plaît davantage.

À travers les vitres de la Confrérie du Blitz, je reconnais une silhouette familière se déplacer entre les tables. Jonathan est de retour ! J’aurais envie de croire à des nouvelles positives concernant Daniel, mais je ne vois pas comment il pourrait avoir plus d’informations que moi. Perdu dans mes réflexions, je reste figé devant l’entrée et bloque le passage à Kenzo.

  • Qu’est-ce qu'il t’arrive ? demande-t-il.
  • Rien… enfin, je t’expliquerai plus tard.

À l’image de l’habitude prise ces derniers mois, je me dirige directement vers le comptoir, en attendant que Jonathan nous accueille. Pourtant, comme si j’étais redevenu un client lambda, c’est un jeune homme qui vient à notre rencontre et nous désigne une table. La table Nakamura cette fois-ci. Rien à voir avec la chanteuse du même nom, il s’agit bien d’un champion d’échecs américain, connu aussi bien pour sa présence sur les réseaux sociaux que sa capacité de calcul incroyable.

Kenzo prend tout d’un coup un air extrêmement sérieux.

  • Dis-moi clairement, tu penses que le studio va survivre ?
  • Difficile à dire, réponds-je en réfléchissant en même temps aux explications que je peux lui donner.

Il m’a pris au dépourvu, mais je comprends évidemment qu’il s’inquiète quant à son futur chez Brittany Twinks.

  • Les temps sont compliqués… Je ne suis pas sûr qu’on puisse maintenir l’activité très longtemps. Mais je fais tout mon possible !
  • J’en doute pas… mais pour le coup, Daniel connaissait vraiment bien le business... D’ailleurs, t’as pas eu de nouvelles depuis la visite de police ?
  • Non, rien que tu ne saches pas déjà.
  • Pourtant, s’ils ont ouvert une enquête, ils disposent forcément d’éléments montrant que Daniel est en danger. Ça, je le sais !
  • En effet… en effet. Ils nous cachent sûrement des choses.

Et je continue à mentir… Impossible de lui révéler que notre ex-boss est parti en mission en Biélorussie pour le compte de la Stoned Chicken.

  • Et sinon, avec Dimitri ? Je n’ai plus eu de ses nouvelles depuis plusieurs jours. Même sur Insta, il est mort.

Au moins, nous changeons de sujet, même si le nouveau m’attriste déjà. Comment renouer avec Dimitri sans paraître horriblement lourd ? Je devrais me flageller pour avoir cru que nous étions « ensemble » pour de bon. Nous nous découvrions seulement… Je n’ai même plus envie d’en parler avec ma best de Paris : Kenzo est la seule personne qui pourrait me comprendre. Ce n’est pas parce qu’il enchaîne les mecs qu’il ne saura pas me conseiller. Bien au contraire, il est certainement plus sensible aux signes montrant qu’une relation est faite pour durer, ou non.

  • Bah alors, t’as oublié comment parler ? s’impatiente Kenzo.
  • Non… Je suis perdu. Je me demande si je suis fait pour lui. Et inversement.
  • C’est clair qu'au premier coup d’œil, on ne vous verrait pas en couple. Mais d’un autre côté, vous avez une « sensibilité » très ressemblante. Ce n’est pas un garçon aussi sûr de lui qu’il ne le laisse paraître.
  • C’est vrai… rien que pour ses études, il a l'air de réellement se forcer.
  • Et surtout avec sa mère, ce n’est pas évident.
  • Oui, d'ailleurs je suis allé la voir à l’hôpital après son accident.
  • Son accident ?
  • Euh… oui ! Un cambriolage, apparemment. Tu parles de quoi, toi ?

Kenzo se pince les lèvres.

  • Donc il ne t’a rien dit par rapport aux soucis de santé de sa mère… Bon, je te raconte les grandes lignes.

Je l’écoute attentivement évoquer la séparation des parents de Dimitri il y a trois ans, puis la maladie de sa mère et les longues séances de dialyse qui rythment ses semaines.

  • Il n’a même pas eu assez confiance en moi pour me le dire, reniflé-je.

Kenzo fait le tour de la table pour se rapprocher de moi et pose sa main sur ma cuisse. Son contact est réconfortant.

  • Je pense qu’il veut simplement se protéger. Ne pas t’imposer son anxiété.
  • Je comprends mieux sa réaction à Prague, quand l’hôpital a appelé... Putain, je sais ! Je sais ce que je dois faire, dis-je en scrutant sa réaction.
  • Alors ? Tu joues au mystérieux ?
  • Je veux le présenter à mes parents. Je vais le faire, même ! Tu sais quoi, je vais même prévenir Dimitri dès maintenant. Et avant demain, je m’occupe de mes parents. Il faut bien ça pour lui prouver qu’il peut me faire confiance. Et qu'il compte terriblement pour moi.
  • Trop cool ! En tout cas, je te soutiens à cent pour cent. Moi aussi, j’ai une idée. Par rapport au studio.
  • Pour continuer l’activité ?
  • Tu sais comme moi que Dimitri est en troisième année de licence, en économie et gestion. Et après plus de deux ans comme acteur, il connaît bien le milieu du X gay. Vous pourriez bosser ensemble pour gérer le studio. Tu serais son maître de stage pour le semestre qui vient.
  • C’est possible, ça ?
  • Pourquoi ça ne le serait pas ? Tu connais bien Le Rire Jaune ? Un des deux frères a embauché l’autre comme stagiaire dans leur propre boîte de production. De mon côté, je peux aussi gérer notre venue aux Roméo X Awards le mois prochain. Ce n’est pas grand-chose, mais ça m’intéresse !
  • J’imagine bien. Je t’avoue que ça m’arrangerait, avec mon emploi du temps actuel.

À ce moment, je reçois un texto d’Annika via notre messagerie sécurisé. Elle l’a rédigé comme un télégramme du dix-neuvième siècle, en minimisant le nombre de caractères à envoyer.

« J’ai des infos. Cryptos transférées depuis chez nous vers comptes panaméens. Rdv demain 16h chez moi. »

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