XLVII : Les anges blancs
Natacha termine sa présentation dans la bibliothèque du couvent.
- … et les analysent génétiques montrent bien que le fœtus a pour parent Aline et Sophie. » Autour de la grande table, les silences de Patrice, du père Simon, de Marwah, d'Aline, d'Aurélie et de Noëlle en disent long. Seule Sophie chantonne et croque dans un cookie en lisant les notes de Natacha.
Sophie, toujours de bonne humeur, pas inquiète du tout, va voir Natacha et lui dit discrètement :
- Le prochain, il est de toi. Il faut que tu retombes enceinte et qu'on joue avec ton lait maternel. D'accord ? J'ai envie de vous faire plein de bébés. Elle est pas mal, Marwah…tu crois que je peux lui demander aussi ?
- Non Sophie, tu es à moi.
Dit-elle en rentrant dans son jeu et en lui faisant un clin d’œil. Sophie est ravie.
Patrice demande à Sophie :
- Tout ce que tu as entendu là n'a pas l'air de t'étonner. Comment ça se fait ?
- Quand j'étais petite, mon père, pour m'endormir, me racontait des histoires. La théorie des anciens astronautes. Je me suis rendue compte en grandissant que ce n'était pas des histoires. Alors votre paranormal, c'est soft à côté.
Patrice s'occupe de consigner le protocole avec le père Simon pour l'évêque. Il n'a pas voulu être présent. Car Aline était conviée, et pour causes. Patrice veut lui parler avec Natacha et Marwah :
- Elle est vraiment… spéciale cette Sophie. Avec elle pas besoin de philtre d'amour. Marwah, fais attention. Aline, c'est qui la mère de Sophie ?
Patrice observe la mère de Sophie donner cours dans l'amphi. Il regarde sa façon suffisante de bouger. Écoute sa diction hautaine. Il sent qu'elle a eu un père pire qu'elle. En revanche, sa mère… Il en assez vu, il sort dans le hall, prend son smartphone et appelle Sophie. Pas de réponse. Répondeur. Elle doit sûrement fêter sa maternité en faisant des galipettes avec quelqu'une. Jean-Paul sait. Il répond :
- La grand-mère de Sophie est de 1934, elle va avoir 100 ans à la fin de l'année.
Patrice reçoit la géolocalisation de la maison médicalisée. Il va la voir. Pas la peine de rentrer dans la chambre, il perçoit déjà quelque chose dans le hall d'entrée, puis à l'étage et dans le couloir. Il voit la grand-mère de Sophie à Dijon, elle a 9 ans, elle roule à vélo au centre-ville, elle a du mal à avancer, on lui a mis des sacoches lourdes avec de la nourriture de contrebande, du lard et de la viande fumée qui vient de Is-sur-Tille. Elle doit le livrer à des gens louches. Personne n'arrête une petite fille de 9 ans. Mais elle se prend les rails du trolley devant la kommandantur, elle tombe et s'ouvre un genoux. Un soldat allemand vient à son secours. Heureusement les sacoches sont restées fermées. Il tient absolument à l'amener à l'intérieur pour soigner son genoux. Elle a peur. « Nein, nein ! » et elle remonte sur son vélo et repart. Le soldat allemand est tellement déçu de ne pas avoir pu l'aider. Elle lui rappelle sa fille qu'il ne reverra jamais car, les bras en l'air, il a été abattu par un G.I. américain l'année d'après. Le G.I. s'est ensuite assis sur les marches de la kommandantur et il a ouvert une boite de pâté. Il en faisait des tartines qu'il donnait à un chien errant qui passait par là, tout comme Marie, qui avait 10 ans maintenant et qui se disait que pour donner du pâté à un chien, les américains doivent être vraiment riches. En fait, il venait de l'Arkansas et à la ferme il avait le même chien. Voilà ce que Marie Matignon émettait autour d'elle à qui pouvait bien le recevoir. Même dans les souvenirs, les gens sont liés les uns aux autres. Patrice fait demi-tour. Maintenant il comprend. Sophie n'est pas n'importe qui.
Patrice à Aline :
- Au fait, comment as-tu rencontré Jean-Paul ?
- Je le voyais souvent assis devant tout seul le soir à l'église Saint-Joseph. Un jour j'ai décidé de l'aborder. Je vois où tu veux en venir. Par la suite, c'est moi qui ai fait les premiers pas, dans notre relation.
- Est ce qu'il t'a présenté à sa belle-mère ?
- Non, il n'était pas du tout proche de la famille de sa femme. Mais il m'a parlé d'elle une fois.
- Qu'est qu'il a dit ?
- Il a dit qu'elle l'avait prévenu à propos de sa fille. Que vivre avec un médecin, c'est vivre seul ou un truc du genre. C'est tout.
Patrice à Natacha :
- J'ai découvert que Sophie n'est pas n'importe qui. Sa grand-mère maternelle est comme nous.
Voilà qui change tout dans les conclusions à donner à l'évêque.
- Mais avant je dois tester l'évêque.
Patrice rattrape l'évêque dans un couloir de la mairie :
- Monseigneur ?
- Ah, Patrice, comment allez-vous ? Alors cette histoire de lait ?
- Ça nous a mené à quelqu'un.
- Ah oui ? Qui ?
- Marie Matignon.
L'évêque s'arrête de marcher et se retourne.
Patrice attend une explication. L'évêque avoue :
- C'est elle qui a repéré Aline, en 1997.
Patrice a vu dans le registre des visites de la maison médicalisé. Sophie y apparaît régulièrement.
- Elle vient de lui envoyer sa propre petite fille, et ensemble elles vont changer l'humanité.
- Les anges blancs.
- Oui.
Les anges blancs sont censés être bons. On les surnomme ainsi depuis la première guerre mondiale en référence aux infirmières du front. Mais ils ont toujours été là. Ce sont des âmes qui passent d'un hôte à l'autre, en étant actif ou passif, en action ou en sommeil. Ce sont des âmes féminines et en général leur hôte le sont également. Elles sont puissantes et beaucoup plus difficiles à combattre que les simples vampires que les immortels ont réussi à exterminer. Les anges blanches donc, sont du côté du Bien, et elles ont un plan terrifiant pour le préserver. Elles ont tendance à combattre le feu par le feu.
Je suis assis et j'attends
Est-ce qu'un ange contemple mon destin
Et savent-ils
Les endroits où nous allons
Quand nous sommes gris et vieux
Parce qu'on m'a dit
Que le salut laisse leurs ailes se déployer
Alors quand je suis allongé dans mon lit
Des pensées traversent ma tête
Et je sens que l'amour est mort
J'aime les anges à la place
Et à travers tout cela, elle m'offre une protection
Beaucoup d'amour et d'affection
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