69 - Lisa
Ils veulent m'emprisonner en laboratoire parce que je suis la dernière humaine au monde à pouvoir procréer un garçon, avec les hommes de la station, au moins. Même les chinois n'avaient pas de femme dans l'espace à ce moment là. Mon équipage est en danger. J'ai été prévenu par un darkmail du réseau crypté 'entre-nous' pour tous ceux qui s’entraînent à aller dans l'espace. Avec tous ces événements, les sociétés secrètes sont beaucoup moins timides pour agir. L'une d'elle m'a contacté via leur filiale en France. Ils veulent m'exfiltrer pour me protéger. C'est pour ce soir. On a rendez-vous à la supérette du coin au rayon légumes bio à une heure très précise. Plutôt que la poussette, je choisis le porte bébé pour emmener Lambert. C'est plus pratique aussi pour cacher mon Glock 26. Je zig zag entre les valises dans le couloir de mon appartement que je regarde peut-être pour la dernière fois. Je claque la porte, j'y vais. Il y a un employé qui organise les caisses de légumes et soigne la présentation. Je ne l'ai jamais vu. Sans le regarder il me demande si je suis prête :
- Et pour les autres de la station ?
- Ils sont beaucoup moins importants. C'est du ressort de leurs pays respectifs.
- Alexeï ?
- Nos homologues l'ont provisoirement mis à l'abri. On savait que vous alliez évoquer le sujet.
- Vous pouvez le faire venir ? Je le veux avec moi.
- Oui, le protocole est prêt.
- Très bien, on y va.
Je me dirige vers le parking et cherche l'immatriculation qu'ils m'ont donné. Derrière moi, les portières d'une voiture se déverrouillent. Personne à l'intérieur, mais je vois au loin l'employé qui arrive en croquant une pomme. Je monte à l'arrière droit, comme prévu. Il attend que je finisse d'installer Lambert dans mon landau qui l'attendait là, je vérifie qu'il est bien fixé aux Isofix :
- Les bagages que vous avez laissé dans votre couloir ont été récupérés. Ils sont dans le coffre. Je m'appelle Patrice. On a à peu près trois heures de route à faire. On s'arrêtera toutes les heures.
- On va où ?
- À Dijon.
Je suis installée dans une jolie petite maison en pierres de bourgogne dans un petit village au sud de Dijon. Ça fait 3 jours, je pense qu'il va arriver aujourd'hui. Ça sonne. Je regarde par la fenêtre du salon. Mon Dieu… Je vais ouvrir. Et là, devant moi, Alexeï. Il y a comme une explosion en moi. Tous les verrous, toutes les portes, tous les espoirs étouffés, tout ce à quoi j'avais profondément renoncé vole en éclat. L'émotion est telle, je fonds en larmes. Je me reprends. Je demande :
- Tu as hésité longtemps ?
Et là, comme à chaque fois qu'on a eu un problème délicat à l’entraînement ou dans la station, à chaque fois que je lui ai posé cette question il a toujours répondu la même chose, en russe, cette phrase avec laquelle j'ai su qu'il m'envisageait autrement, une expression qu'il ne disait qu'à moi.
- Une petite seconde, entre deux battements de cœur.
Je me jette dans ses bras. Je le sens. Il est vraiment là. C'est dingue. Je repense à tous les hommes que j'ai perdu, à qui j'ai renoncé, et enfin le miracle s'est produit :
- Viens, je vais te présenter ton fils, Lambert.
La famille réunie. Une nouvelle vie, ensemble. On se recueille un moment. Le temps de réaliser. Puis on sort de la chambre, je laisse la porte entre ouverte pour l'entendre, je prends Alexeï par la main et on passe à côté découvrir ce que c'est que de s'aimer en pesanteur. On enlève nos habits calmement, comme la-haut, tous, et on s'approche pour se caresser, se sentir, s'embrasser. Je m'aggripe à lui et il me pose contre le mur. Arrimage et verrouillage. Il est en moi. Il me secoue. Je le serre contre moi, j'essais de l'étouffer, je lui dis à l'oreille :
- Chut ! Bébé dodo.
Il va et vient en moi en silence au rythme se son souffle dans mon cou. Je perds contact avec le mur, je me sens tourner dans les airs, il me dépose délicatement sur le lit comme un doux alunissage sur la poussière d'étoiles, celles que je sens briller au creux de mes reins et remonter pour exploser dans ma tête, j'entends ma voix gémir et il reprend de plus belle. Je m'abandonne les bras en croix en cherchant de mes mains quelque chose à quoi m'aggriper mais je sens son corps lourd retomber sur moi pour passer sur le dos pendant que je le chevauche, cette fois-ci c'est moi qui lui rend ses coups de rein mais son affaire est faite, je m'appuis sur sa poitrine, je me retire et je m'avance jusqu'à son visage pour m'asseoir dessus et attendre qu'il me termine en m'appuyant contre le mur. Ensuite je me retourne et je salue comme à la fin d'une pièce de théâtre, je m'incline pour aller motiver les troupes pour un deuxième passage et terminer en 69 le chapitre 69.
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