L'annexe de Lisa

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Il s'appelle Dominique Lambert

Elle n'est plus mon médecin. On est arrivés au bout du chemin, en fin de contrat, elle et moi. A chaque fois je la trouvais fatiguée, déconcentrée, ailleurs, mais elle s'efforçait de rester dans son rôle. Me voyait-elle vraiment ? J'avais l'impression de n'être qu'un fantôme, de n'exister que par le code barre sur mon bracelet d'hôpital. Jamais de questions personnelles, pas une phrase en dehors du protocole. Un robot n'aurait pas fait mieux. Elle a transféré mon dossier à un autre service. Comme si elle faisait du travail à la chaîne, en usine. J'étais le produit qui passe, suivi par un autre produit puis suivi par un autre docteur.Je l'ai revue un soir dans le parking de l'hôpital. Je sortais de consultation, elle avait l'air de rentrer chez elle. Elle est montée dans une Mini. Je l'ai suivie. Elle s'est garée dans un parking souterrain. L'immeuble avait l'air chic. Et puis elle est ressortie, a traversé la route pour aller à la supérette du coin. Des produits frais, pas d'alcool, son panier était privé de la mal bouffe. Elle est rentrée dans un appartement vide, sans mâle et sans enfants. Elle ne fumait pas. Tous les maux lui étaient interdits. Elle survivra. Moi pas. Pourtant… Je pensais toujours à elle. Je m'imaginais la sauver de sa vie et elle me sauverait aussi de ma maladie. Mais j'avais l'intime conviction que personne ne sauverait personne. Je sais que c'est sans doute la dernière fois que je la croise mais ...

Amour :

Je ne devais plus la revoir. On s'était dit au revoir. Le hasard la remet sur ma route, sur mon couloir, que je parcours comme un tunnel, les pieds devants, les néons m'éblouissent à chaque mètre. En la voyant, une sensation de chaleur envahit tout de même ma poitrine, comme un espoir d'après.

Aimer :

Depuis le début je pense à elle tout le temps et mon esprit se libérait seulement lorsque j'étais avec elle, en consultation, au service radiologie ou lorsqu'elle venait me voir dans ma chambre.

Amoureux :

Je suis comme envoûté.

Attiré :

Jamais je n'ai été sous une telle emprise.

Envie :

Je sens des désirs inavouables de goûter tout son corps.

Lèvres :

Et de terminer mon festin en me plongeant dans sa bouche.

Caresse :

De glisser mes mains sous sa nuque et de descendre doucement jusqu'en bas de ses reins.

Larmes :

Ces pensées débordent en moi au point de sentir des gouttes couler sur mes joues.

Pleurer :

J'essaie de respirer entre deux sanglots.

Triste :

Car je sais que cela n'arrivera jamais.

Mort :

Je vais tout oublier et même disparaître.

Chagrin :

Mon dernier sentiment est cette mélancolie.

Déçu :

Car je n'ai rien osé, je ne lui ai rien dit.

Cris :

Et mon brancard s'en va dans l'autre direction. Elle n'a même pas osé m'adresser un regard. Je ne suis plus son patient, je suis un dossier. Eux disent : « c'est l'opération de la dernière chance ». Je suis sûr que je ne me réveillerai pas, que jamais plus je ne sentirai son parfum. Avant de fermer les yeux à l'anesthésie, je m'offre un dernier rêve avant de m'en aller. Un prisonnier qui s'enfuie avant l’échafaud. Réfugié dans sa couche je m'imagine contre elle, qu'elle me presse de toutes ses forces comme pour m'absorber, que de plaisir en elle, je fasse sortir des …. râles !

Il y a eu des complications. Je ne suis pas mort tout de suite. J'ai passé un peu de temps en réa. J'ai eu une visite. Je l'ai sentie. Sa main sur ma main. Comme un message. Je pouvais partir.

Les maux interdits du Docteur Lisa Marie

A chaque fois je le trouve faible, désorienté, absent mais il s'efforce de rester digne. Me voit-il vraiment ? J'ai l'impression de n'être qu'un fantôme, de n'exister que par ma fonction. Personne ne me demande rien, je suis juste ce quelqu'un qui gère leur problème. Je transfère son dossier à Simon, histoire d’abréger ses souffrances, avec Simon ça ne va pas durer. Il est le serial killer des cas désespérés. Si l'euthanasie était une spécialité, il en serait le professeur titulaire de chaire. J'aperçois Dominique un soir dans le parking de l'hôpital, il a l'air de rentrer chez lui. Il monte dans une BMW. Je le suis. Il se gare dans une cour devant sa maison, je reconnais l'adresse, la même que sur son dossier. C'est une belle bâtisse avec de la vieille pierre au centre de la commune. Et puis il ressort avec la poubelle jaune, celle du recyclage. Ce sera bientôt son tour... D'ailleurs il allume une cigarette. Qui fume encore du tabac nos jours ? C'est dingue... Pourtant… Je pense toujours à lui. Je m'imagine le sauver de sa maladie et lui me sauve de ma vie. Mais j'ai l'intime conviction que personne ne sauvera personne. Je vois sur le tableau l'horaire pour le bloc. J'enfile vite ma blouse blanche et prend mon parapheur avec un autre dossier pour Simon. Je sais que c'est sans doute la dernière fois que je croiserai Dominique mais ...

- Amour

Je ne dois plus le revoir. On s'est dit au revoir. Mais mon audace le remet sur ma route, dans ce couloir de la mort. En le voyant, une sensation de chaleur envahit ma poitrine, comme un espoir d'après. Je regarde ailleurs avant qu'il ne me voit. Il ne faut pas que nos regards se croisent. Mettre de la distance avec le patient disait mon mentor.

- Aimer

Depuis le début je pense à Dominique tout le temps et mon esprit se libérait seulement lorsque j'étais avec lui, en consultation, au service radiologie ou lorsque j'allais le voir dans sa chambre.

- Amoureuse

Je suis comme envoûtée.

- Attirée

Jamais je n'ai été sous une telle emprise.

- Envie

Je sens des désirs inavouables de goûter tout son corps.

- Lèvres

Et d'assouvir ma faim en me délectant de sa bouche.

- Caresse

De glisser mes mains dans son pantalon et de descendre doucement jusqu'en bas m'imprégner de tout le désir qu'il aurait pour moi.

- Larmes

Ces pensées débordent en moi au point de sentir des gouttes couler sur mes joues.

- Pleurer

J'essaie de respirer entre deux sanglots.

- Triste

Car je sais que cela n'arrivera jamais.

- Mort

Je vais tout oublier et passer au patient suivant.

- Chagrin

Mon dernier sentiment pour lui est cette mélancolie.

- Déçue

Car je n'ose rien, je ne dis rien.

- Cris

Et son brancard s'en va dans l'autre direction. Je n'ai pas osé regarder son visage. Je ne suis plus son docteur, je suis un traitant. On lui fait croire à la dernière opération. Mais sans lui dire qu'il ne se réveillera pas. Et jamais plus je ne sentirai sa présence. Et il fermera les yeux à l'anesthésie. Pour toujours dans un rêve avant de s'en aller. Un prisonnier qui s'enfuie avant l’échafaud. Réfugié dans ma couche je l'imagine en moi. Qu'il me presse de toutes ses forces comme pour m'absorber. Qu'un plaisir animal me fasse sortir des …. râles ! Il y a des complications. Il est encore vivant. La réanimation le tient en vie. Je vais le voir. Je le sens si près de moi. Je brise le serment "d'hypocrite". Je n'ai plus de distance avec mon patient. Je mets ma main sur sa main. Et sur le moniteur des paramètres vitaux, le bip de son coeur s'arrête et passe en alarme continue. De la pluie tombe sur son corps, elle vient de mes yeux, les fenêtres de mon âme.

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