87 - Gabrielle

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J’ai vu Aline en tenue de cosmonaute accueillir les princesses. Noëlle et Gabriel sont relâchés. Natacha me garde. Elle a l’air grave mais elle n’est pas derrière la vitre, c’est bon signe.

  • Je sais, je lui ai laissé toucher ma main. À Frances. Et je montre ma main droite. Tiens, où es ma bague ?

Peut-être qu’elle est restée dans le gant. Je vais regarder dans l’hélico et dans ma chambre de confinement. Natacha fini par m'annoncer :

  • On ne peut pas soigner les vomissements.
  • Mais, j’ai commencé à vomir avant de débarquer là-bas.
  • Précisément. Ce n’est pas le virus.
  • Alors quoi ?
  • Ça vient de la personne qui t’a donné la bague.
  • Elle est contaminée, c’est pour ça que je ne l’ai plus, tu l’as prise ?
  • Ce n’est pas la bague.
  • La personne ? Il a eu le vaccin.
  • Et il t’a mise enceinte.

N’importe quoi, on a peine… En fait c’était juste comme ça, pour le convaincre d’aller flirter avec Abi et la surveiller pour moi. Je voyais bien que je l'intéressais, qu'il avait ses sentiments, qu'il était troublé, qu'il me racontait plein de belles choses. Merde, je suis vraiment une pute. Et puis j’ai gardé la bague. Pour l’embobiner, ça faisait partie du jeu, de mon jeu, oui c’est ça, oui c'est ça ? Mais n’importe quoi, j’ai vraiment déraillé.

  • Bon, Natacha, elle est où cette bague ? Sinon, pour le bébé, on va le faire passer.
  • Quoi ? Et lui, il n’a pas son mot à dire ?
  • Surtout pas ! Il est raide dingue de moi, il ne voudra jamais.
  • Moi non plus. T’as qu’à voir avec Lisa.
  • OK.
  • Donc c’est pas Lambert.
  • Djibril.

Natacha baisse les épaules et penche la tête sur le côté. Je vois bien qu'elle trouve ça nul. Que c'est cruel, lui qui est si gentil, si doux. Je demande :

  • Quoi ?
  • Rien. Tu n’as pas besoin de quarantaine. C’est OK.
  • OK !

Ça veut dire zéro killed. Pour l’instant. Elle n’est pas dans la chambre. Ni dans le gant. Ni dans l’hélico. Je ferme les yeux et je me concentre. Frances ! Pourquoi ? Et Aline, il faut que je lui dise. Mais elle est où ? J’appelle :

  • Aline ! Dans l’hélico, Frances m’a touché la main et …
  • Je sais. Elle est née au moment même où j’ai arrêté de faire ce cauchemar. Frances, c’est le deuxième prénom de son arrière grand-mère. Diana c’est le troisième prénom de sa mère. Diana Frances Spencer est revenue. Et elle veut te voir. On est au petit salon, celui du bas en zone de confinement.

Je m'équipe avec les EPI avant de rentrer dans le sas. Frances est là. Elle me dit qu’elle est désolée, qu’elle a dû glisser de mon doigt quand elle m’a prise la main, un truc de ce genre en anglais et puis elle me la rend en français :

  • Il vous aime. Ne faites pas ça.

Mince, une médium. Ah ben oui, Lady Di. L’ange blanche. C’est dingue, je me sens différente. Juste sept mots pour me convaincre. Elle a raison. Mamie nous regarde depuis l'intérieur de sa combinaison de protection. Elle a tout compris aussi. Elle sait tout. Tout d’un coup je suis triste. Je dis à la princesse :

  • D’accord. OK.

Et je me jette sur la combinaison de mamie Aline que j'essaye d'enlacer et je pleure. Je me reprends. Je vais voir Djibril avant de changer d’avis. Il est où ? j’ai besoin d’un remontant, je vais l’appeler pour se rejoindre à la taverne. Ah ben non, je suis enceinte. Ça y est, je commence à l’accepter.

  • Allô Djib, on peut se voir ?
  • Oui, viens, je suis sur le donjon, on redescend le drapeau.
  • Non, dans mes appartements, dans une heure ça va ? À tout à l’heure. Djibril ?
  • OK. Oui ?
  • Bisou.

Une heure. Pour me laver. Pour me changer. Pour méditer. Pour lui annoncer.

Il est tellement content de me voir, tellement rassuré, que la mission se soit bien passée, il me félicite, m’embrasse, il a les yeux qui brillent d’amour et de fierté. Il est si heureux. Je le sens maintenant. Maintenant qu’il est en moi. Comme un virus qui m’a contaminé. Et j’ai encore les sept mots de la princesse qui vibrent dans mon cœur. J’étais tellement aveuglée, on m’a tellement mis la pression sur cette Abi à surveiller, que je suis passé à côté du plus important. Être aimée. Aimer. Et il attend là devant moi. Il est tellement beau. Du coup je ne me rappelle plus de mon monologue de robot que je voulais lui dire. Tant pis, j’y vais à l’instinct, ce nouvel instinct inconnu pour moi jusqu’alors :

  • Je m’excuse, je suis désolée.

Et je me jette dans ses bras pour pleurer.

  • Je n’ai pas été honnête avec toi, j’ai été nulle, méchante, calculatrice, à te demander de faire des choses immorales.

Il me sert fort et dit :

  • Ne t’inquiète pas Gabrielle, j’ai échoué, elle est plus intéressée par ma sœur apparemment. Et je ne t’en veux pas, en rien, je suis tellement heureux de ce que tu m’as déjà donné, tout ce qui vient de toi est le bienvenue, et je ferais, et je ferai tout pour toi, car depuis toujours et pour toujours, je t’aime.

Et je pleure de plus belle. Quoi répondre à ça ? Toute l’architecture mentale que je me suis construite depuis toujours s’écroule. Je craque. Il me retient, il essuie mes larmes, il me calme avec des mots gentils, tout doux, comme lui. Je n’ose pas le regarder de peur de refondre :

  • Et bien, tu as dû avoir beaucoup peur dans cette mission. J’ai eu quelques détails.
  • Ce n’est pas la peur qui m’a fait vomir. Ce n’est pas non plus le virus.
  • C’est quoi ?
  • Je te le dirai après.

Je l’entraine vers le lit pour faire l’amour, doucement, passionnément, tendrement, toute la nuit, un éveil des sens, de nouvelles sensations, un partage absolu qui nous dépasse, que je ne peux pas contrôler, et ce jour qui ne le lève pas, on est resté au moins 12 heures dans ce lit. Je fini par m’agiter, par le réveiller, par apprécier ce moment rien qu’à nous, j'ai l'impression de le sentir pour la première fois, son odeur, la mienne, celle de notre amour, de notre première vraie nuit ensemble lui et moi, moi et lui. J’ai encore les yeux dans le vide quand il me demande avec son regard amoureux :

  • Gabrielle, ça va ?
  • Je suis enceinte, et je t’aime.

Je t'aime de ouf, j'crois que j't'ai dans la peau
T'es mon prince dans le château
Et quand je pars en guerre, tu te mets direct au front
Dans mon cœur, y a que toi, y a d'la place pour aucun autre
J'te suivrai partout, j'irai jusqu'en Alaska
Juste pour avoir froid et me blottir dans tes bras
Tu peux fermer les yeux, quoi qu'il arrive, j'te protège

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