J’avalai trois flacons d’antivenin à forte dose et me jetai la tête la première dans le nid des lances de fer. Adorables reptiles ! Je pris le temps de me repaître de leur sang froid et fus prête à surmonter la quatrième et dernière étape de mon défi. Titubante et hagarde, j’émergeai du tumulus, les yeux rivés sur mon unique objectif, le Mont Rouge.

J’équipai mes chausses de roulettes soniques, sortit mon radar et évaluai la longueur de l’étendue de roche incandescente qui me séparait des flancs de la célèbre Montagne inaccessible. Si aucun Onographe ou autre nuisible n’émergeait du sol, je réussirais la traversée en deux élans successifs. Je pris une goulée d’air pulsé positif et m’apprêtai à m’élancer quand un geignement me freina net.

Pivotant maladroitement sur mes roulettes inadaptées aux mouvements brefs, j’aperçus Azip mon coéquipier qui rampait vers moi, une écume noire dégoulinant de ses lèvres charnues que j’avais tant aimé embrasser. Point ne m’était besoin de la sonde médicale pour diagnostiquer une attaque fatale de phlébotomes importés. Le malheureux avait le visage dévoré d’ulcères purulents, il se convulsait dans d’hideux soubresauts, preuve de la douleur insupportable provoquée par l’invasion des parasites intraterrestres. Je n’avais pas le temps de pleurer, je sortis immédiatement mon poignard unicrosse et l’approchai de sa jugulaire. Il eut la force d’attraper mon poignet d’une main flageolante et murmura :

– Fais pas ça, salope ! T’es qu’une ordure. Pute.

Je me dégageai, posai le couteau et sondai ses yeux hagards.

– Mon pauvre Azip, tu connais la procédure, je suis obligée.

Il se mit à braire, me supplia, me menaça :

– Sans moi, tu ne t’en sortiras jamais pour la gestion des Interférences.

Des balivernes de mourant ! Je mis court à ces atermoiements et l’achevai dignement.

À peine eus-je terminé d’exécuter mon devoir que le tumulte des voix reprit.

Maman, y’a Papa qui saigne du cou, Mamââân !