Troisième Épisode : Le Coeur de Caldis
Dysill venait de passer devant ce square où les Chats de Gouttière avaient l'habitude de se réunir. Tout ce qu’il s’était passé il y a six ans était encore frais dans sa mémoire.
Pour les assauts comme pour les escroqueries, les plans d’Edmond fonctionnaient toujours sur le même principe. D’abord, il déclenchait le mouvement avec un choc évident qui provoque la surprise générale et focalise l’attention de l’ennemi. Il fallait être impactant mais assez grossier pour laisser entendre que le plan était amateur et désorganisé. Cette première amorce devait en apparence ne rien avoir à voir avec le véritable objectif de la mission.
Et puis, en matière de combat comme d’infiltration, il y avait forcément un moment où l'équipe commençait à faire preuve de compétence. C’était généralement à ce moment-là que l’ennemi comprenait qu’il y avait anguille sous roche. Cela faisait partie du plan, c’était même indispensable : l’ennemi devait douter.
Il fallait alors l’aiguiller sur une fausse piste. En lui insinuant des indices, il devait comprendre par lui-même que le plan avait plusieurs couches et que la première étape n’était qu’une diversion. D’ailleurs, c’était le cas, et cette part de vérité rendait l’entourloupe plus crédible.
Pendant ses longues années d’expérience en matière de cambriolage, Edmond avait remarqué cet état de fait : Lorsque quelqu’un saisissait une vérité qui lui avait été cachée, il ne cherchait presque jamais à aller plus loin.
Le véritable plan démarrait souvent après cette fausse prise de conscience. C’est là qu’il fallait faire preuve d’originalité. Cette ultime partie se déroulait dans les coulisses, défiait les conventions. Il était important que celle-ci ne soit même pas envisagée par l’adversaire avant la fin.
Pour cette opération, chacun des Chats de Gouttière avait sa fonction propre. Duncan était l’ amorceur. Il devait faire sauter la porte du manoir à l’aide d’un explosif concocté par Sally. Il s’en prendrait ensuite aux gardes, faisant passer l’opération pour un règlement de compte.
Très peu de temps plus tard, - pour éviter que la milice publique n’intervienne trop vite - Sally et Lucas étaient chargés de s'introduire dans le bâtiment en s’assurant d’être vus et poursuivis par les gardes. Pour éviter d’être interceptés ou capturés, ils devaient sortir aussi vite qu’ils étaient entrés. Là, ils volaient quelque chose d’inutile. C’était la fameuse « fausse piste ».
Duncan et le couple fonctionnaient de consort, si l’un était en difficulté, l’autre pouvait venir à son secours. Ce n’était pas le cas des « fantômes ».
Les « fantômes », c’étaient Dysill et Adrian. Ils avaient la charge du véritable objectif de la mission et ne devaient intervenir qu'en cas d'extrême nécessité.
La veille de l’opération, tous deux étaient déjà entrés par une brèche dans le toit et logeaient dans un petit grenier situé juste au-dessus de la salle de repos des gardes. Il était impossible de soupçonner que qui que ce soit puisse être assez bête pour passer par là.
C’était sur cette mentalité que comptait Edmond : l’explosion à l’entrée mobiliserait sans doute une partie de la garde, une autre partirait à la recherche de Sally et de Lucas. Personne ne pouvait se douter que quelqu’un s’était déjà infiltré avant l’attaque.
S’il devait malgré tout rester un ou deux gardes dans la salle, Dysill et Adrian n’auraient qu’à les observer depuis le plancher jusqu’à trouver le moment opportun pour les assommer. A partir de là, il leur faudrait trouver la salle des coffres et dérober le Coeur ni vu ni connu.
Pour ce qui est d’Edmond, il était déjà trop vieux à cette époque et ne pouvait pas se passer d’une canne. Il ne fit que superviser le plan.
Tout le monde prit position. Duncan se rendit devant la porte de la bâtisse et scruta les environs. A cette heure-ci, il n’y avait pas grand monde dans le riche quartier. C’était une aubaine pour le moment, mais il fallait tout de même se dépêcher : le timing avait une importance cruciale. Il jeta une petite grenade qui fit sauter la porte principale. Furieux, l’un des gardes de la maison sortit épée à la main avec trois de ses collègues. Il avait de larges épaules et un visage qui semblait marqué par l'alcool et les bagarres.
- Oh le salopard, oh le salopard ! Tu vas la repayer, la porte, j’te le dis !
- Votre maître me doit de l’argent, dites-lui de me recevoir.
- C’est qu’il plaisante pas, le gars du Nord ! Je te faire gnaquer le trottoir, moi !
Duncan Jötdvergr dégaina son épée.
- Par le sang et les larmes de mes frères d'outre-tombe, donne-moi la force du devoir qui m'incombe. Béhémoth !
Le Béhémoth était une lame au manche vermeil qui semblait avoir connu de nombreuses batailles. Même à cette époque, elle paraissait être une antiquité. En ville, on ne se souvenait même plus de ces armes d'un autre temps. En la voyant, les quelques hommes les plus impressionnables filèrent en vitesse. Duncan ne bougeait pas, il attendait qu'on vienne à lui.
Alors, les hommes de main se ruèrent sur lui en même temps, sortant de leurs manteaux des dagues, des couteaux et des poignards. Duncan saisit son épée par la lame et envoya un violent coup circulaire dans la tête des hommes à l'aide du pommeau de son épée. Il préférait ne pas les tuer pour que ce combat puisse passer pour une bagarre ordinaire aux yeux des autorités. Il la saisit ensuite par le manche et repoussa une à une les attaques qui lui étaient adressées. Il ne se donnait pas à son maximum, mais pour que la diversion fonctionne, le combat devait quand même durer un peu.
Lorsque les hommes furent mis hors d’état de nuire par le chevalier Duncan, plusieurs autres se ruèrent vers la sortie pour affronter le chevalier, Sally et Lucas réussirent à se faire repérer en entrant par une fenêtre.
- C’est une diversion ! hurla un des gardes. Ils essaient de rentrer !
« Parfait », pensa le perfectionniste Duncan, avant de recevoir plus de résistance de la part des gardes.
Adrian et Dysill progressaient déjà dans l'ombre du petit grenier du manoir Sica. S'ils avaient été choisis pour cette mission, c'est bien parce qu'ils étaient les plus petits, et donc capables de se faufiler dans de pareils passages à l'abri des regards.
Le plan marcha mieux que prévu, puisque la salle des gardes se retrouva sans surveillance dès la première explosion.
Ils descendirent discrètement dans la pièce qui n’avait l’air que d’un petit fourbi. Il y avait un énorme trou dans le plancher, qui donnait sur le troisième étage.
- Passe-moi le grappin, Dysill.
- Tiens.
Dysill sortit de sa sacoche un très gros appareil et le tandis à Adrian. Ce dernier desserra le mécanisme de sécurité qui était enclenché et l'accrocha à sa ceinture.
- Raaah, pesta-t-il, le mécanisme est grippé. Le vieux nous a encore refilé de la merde.
- Tu sais Adrian, je vous ai entendus, Edmond et toi.
Il se tut un instant.
- Et alors ?
- Et alors, si jamais tu te laisses submerger par tes émotions...
- J'ai l'air d'être submergé ? J'ai une tête de submergé ?
- Non, mais...
- Alors tais-toi, et concentre-toi sur la mission.
Il réussit alors à activer le mécanisme du grappin et saisit Dysill par la taille.
- Accroche-toi.
D’une simple pression sur la gachette, Adrian fit jaillir un grappin qui vint s'accrocher sur l'une des poutres du bâtiment. Il sauta alors dans le trou du plancher avant d'atterrir sur le sol d'une petite mezzanine qui surplombait la salle des coffres. Adrian se cacha alors derrière l'un des meubles qui s'y trouvait, suivi de près par Dysill.
- Adrian, ce que je veux te dire, c'est...
- Non, non, arrête de parler.
- ...si jamais tu perds patience...
- Ferme-la, je te dis.
- ...on est là.
Dysill posa alors sa main sur le dos d'Adrian. Celui-ci soupira, comme s'il savait très bien ce que Dysill voulait lui dire.
- Je sais.
- T’en es bien sûr ?
- Certain.
Dysill sourit alors.
- On est venus pour cambrioler Sica, alors on va le ruiner, ce fumier !
Pendant ce temps, Duncan continuait de subir les assauts des hommes de Sica, devant la grande porte brisée.
- Alors, c'est tout ? disait-il en repoussant fluidement ses ennemis de véloces coups d'épée.
Il faut dire que l’entraînement d’un garde de la Cité-Monde ne valait en rien celui d’un chevalier de Deighe. Très jeune, Duncan avait été soumis aux lourds travaux des fermes deighites. Il avait ensuite rejoint la Confrérie et passé sa vie à s’entraîner selon ses traditions martiales. Du moins, jusqu’à sa désertion.
- Qu’est-ce qui vous arrive, les petits gars ? Vous vous faites laminer par un seul type ? demanda un homme depuis le sombre intérieur du manoir.
Cette voix, c'était celle de Friedrich Darren. Issu d'une longue lignée de voleurs, il s'était autrefois retrouvé en Andar dans l'espoir de voler Edward. Evidemment, il n’avait pas réussi à rouler le roi des escrocs. Ce dernier vit ses compétences et le pris sous son aile. En quelques années, il devint son bras droit.
Il dévisagea Duncan.
- Tu as une épée Deighite, ce n'est pas commun.
- Vous souhaitez peut-être la voir de plus près, monseigneur.
- Avec plaisir, dit-il en dégainant son poignard.
Alors, tous les hommes cessèrent de se battre et se retranchèrent derrière Darren. Duncan et lui se regardèrent un long instant avant de faire quoi que ce soit.
Tentons d'être vigilants, pensait Duncan.
Darren tenta d’entailler le ventre du chevalier à l'aide du couteau qu’il faisait virevolter sur le dos de sa main. Duncan esquiva le coup et garda de bons appuis pour d’envoyer sa lame sur le côté gauche de son adversaire. Celui-ci dévia la lame à la simple aide de son couteau et lui asséna un coup de poignard dans le ventre. Duncan ne put l'esquiver et s'écarta juste après le coup.
Il fallait qu’il garde son sang-froid, malgré la douleur évidente. Il envoya alors une salve de coups d’épées qui paraissaient former un torrent. Celui-ci fut intercepté par Friedrich, qui envoyait à chaque fois un nouveau coup de couteau.
C’était sa méthode. Il avait méticuleusement étudié le style de combat de Duncan face aux gardes et maintenant, il le parait. Grâce à cette incroyable capacité d’observation, il sut mettre à mal le chevalier.
Duncan perdait beaucoup sang à cause des multiples entailles et devait se dépêcher de terminer le combat.
Sally et Lucas venaient d'atteindre la pièce principale et se cachèrent derrière un meuble. Mais il y avait un problème, ils n'avaient croisé aucun garde avant d'y arriver.
- La salle des coffres est tout près, il n'y a personne, lança Lucas.
- Tu trouves pas ça bizarre ? répondit Sally.
- Mais non ! Je crois que Duncan est aux prises avec le chef.
- N’empêche que je préfère qu’on se tire tout de suite. Par cette fenêtre, là, par exemple…
- D’accord, j’y vais le premier, reste ici.
Lucas quitta la salle et sortit par la fenêtre. Peu de temps après, un cri se fit entendre.
Le combat s'intensifiait à l'extérieur et à mesure que Duncan se vidait de son sang, il se donnait avec de plus en plus de force, de vitesse et de concentration, toujours sans succès.
- Je m'attendais à plus de défi, chevalier.
Duncan lâcha son épée avant de se placer dans une position de pugilat plus classique.
- Qu'est-ce que tu fais ?
Duncan approcha alors lentement de l'homme qu'il avait en face de lui. Sa vision se troublait à cause du sang qu'il perdait.
- Sérieusement ? rit Darren. Qu'est-ce que tu comptes faire ? Me frapper jusqu'à ce que...
Duncan envoya un puissant direct du gauche dans la mâchoire de Darren, il enchaîna avec deux violents crochets. Darren, étourdi, essaya de l’entailler à nouveau. Duncan le désarma d’un coup de coude au visage et le repoussa d'un coup de pied frontal.
Friedrich Darren essayait de prévoir à l'avance ce que Duncan allait faire, mais c'était impossible. Non seulement le chevalier avait échangé un style de combat contre un autre, mais il le maîtrisait à la perfection. Duncan avait compris qu’en changeant de méthode, son adversaire n’aurait pas le temps de le lire. Trop rapide, trop précis. Celui qui croyait en sa victoire quelques minutes plus tôt se retrouva désemparé. Il se faisait réduire à néant par un homme désarmé, étourdi et blessé, mais qui continuait de se battre. Pendant qu'il se faisait rouer de coups, Darren compris l'écart immense qu'il pouvait y avoir entre eux. C'était donc cela, la vraie force d'un chevalier : savoir se battre sur tous les terrains. Il pensa être fini.
Mais la volonté de Duncan, aussi forte soit-elle, ne put supporter un tel poids très longtemps. Il tomba à genoux et regarda ses plaies ouvertes. Sa vision se troublait et ses muscles peinaient à lui répondre.
Darren reprit ses esprits.
- Tu t'es battu jusqu'au bout.
- Et ce n'est pas fini.
- Oh, je crois bien que si, dit-il en s'approchant de lui, une dague à la main. Mais je me souviendrais de toi, Duncan Jotdvergr.
- Tu connais mon nom ?
- Oh, mais je connais tous vos noms, à toi et à tes copains.
- Comment... ?
Alors que la vue et l'ouïe quittaient Duncan, il se rendit compte de ce qu’il était en train de se passer.
- Ils sont au courant, dit-il nonchalamment.
Un coup de tonnerre, et à nouveau, plus rien. Darren venait de mettre fin aux souffrances du chevalier du Nord qui s'écroula à terre aux côtés de son Béhémoth.
Dysill et Adrian étaient toujours dans leur cachette. Aux aguets, ils se préparaient à tout. Ils virent alors apparaître deux hommes dans la salle des coffres. Ils tenaient Lucas sous le bras, il avait sûrement dû être assommé par les gardes.
Non, c’était bien pire que ça. Ils l’avaient torturé. Il n’avait plus que trois doigts au total, était couvert de bleus, de coupures et toussait en crachant du sang.
Et puis, des pas approchèrent, un homme brun particulièrement grand avança dans la lumière de la pièce. Il était vêtu de l'un de ces costumes chics que portaient les hommes de la haute société. Visiblement, celui-ci venait de sortir de la blanchisserie. D'un air solennel, il s'approcha du jeune homme.
- Je suis navré, mon garçon. Navré que tu sois tombé si bas.
Lucas s'éveilla peu à peu.
- Dans d'autres circonstances, tu ne te serais sans doute pas retrouvé ici, c'est dommage, vraiment dommage.
Le sang d'Adrian ne fit qu'un tour. C'était lui. Cette voix, cette allure, cette aura délirante. C'était Edward Herbert Sica.
Lucas commençait à retrouver une vue et une ouïe distinctes, c'est alors qu'il l'aperçut. Il brillait de mille feux, trônant au centre de la pièce. Le Cœur de Caldis. Quand on le voyait, on comprenait pourquoi il était décrit comme un diamant mais on voyait très clairement que ce n’en était pas un. C’était plutôt une grande éponge visqueuse qui s’étendait et se rétractait sans s’arrêter.
- Il est beau, n'est-ce pas ?
Une sorte de vapeur étrange émanait de la pierre mystérieuse. Sa texture faisait penser à celles de la buée et de la gelée en même temps.
- Si belle, si pure. Cette pierre est enfouie dans les ombres depuis des lustres et elle n'a jamais été souillée.
Lucas contempla le joyau, le regard comme perdu dans un rêve. Il n'en croyait pas ses yeux.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Il y a des forces en ce monde que vous, les imbéciles, ne pouvez pas comprendre.
Il prit alors en un clin d’œil la matraque de l'un de ses hommes et frappa de toutes ses forces le pauvre garçon qui cria de douleur.
Du haut de son perchoir, Adrian avait tout vu et il était prêt à intervenir. D'une minute à l'autre, il allait sauter et se retrouver directement derrière Sica. Là, il le ferait, il le tuerait. Trois, deux, un…
L’arrivée de deux autres hommes interrompit son élan, puisque Sica se tournait justement dans son sens. Cette fois, c'était Sally qu'ils amenaient.
- Lâchez-moi, lâchez-moi, hurlait-elle de rage et de pleurs, alors qu’on voyait très distinctement qu’elle avait été rouée de coups.
- Ils sont en mauvaise posture, Dysill, dépêche-toi, il faut qu'on y aille !
Aucune réponse.
- Dysill ?
La jeune fille était scotchée face au mur, elle semblait tétanisée. Voilà plusieurs minutes qu'elle fixait le Coeur, mais contrairement à ses compagnons, elle ne l'admirait pas du tout. Elle trouvait que quelque chose de terrifiant émanait de lui.
- Il y a un problème Adrian, on ne peut pas rester ici. Il faut qu'on parte.
Sally parvint à se dégager de l'emprise des gardes et courut à toute vitesse pour rattraper Lucas.
- Quoi ? Dysill, arrête ! Il faut qu'on y aille, ils vont se faire tuer !
Dysill était pétrifiée de terreur. Pour elle, il fallait à tout prix qu'ils s'en aillent.
- Non, Adrian, j'ai un mauvais pressentiment, rentrons prévenir Edmond.
- Espèce de lâche. Rentre si tu veux, mais il est hors de question que je le laisse encore me prendre ma famille.
Un coup de feu se fit entendre. Sally, qui courait désespérément pour rejoindre Lucas venait d'être abattue.
- Sally ! hurlait Lucas en se débattant.
Le sang d'Adrian ne fit qu'un tour.
- Sally...
- Attends, je t'en prie ! supplia Dysill.
Adrian saisit son grappin à pleines mains et tira sur l'une des poutres soutenant le plafond, ce qui attira l'attention des hommes qui se trouvaient juste en dessous. Alors, en prenant tout l’élan qu’il pouvait, il se jeta de la mezzanine et envoya un violent coup de pied au visage de Sica avant de rappeler son grappin. Le chef de la pègre chuta, se releva aussitôt et dévisagea Adrian. Il arrêta d'un geste les deux hommes de main qui s'apprêtaient à tirer et regarda Adrian droit dans les yeux. Il fit signe à ses protecteurs de quitter la pièce.
- Ton visage me dit quelque chose, mon garçon.
Il continua alors à le fixer pendant un instant.
- Oh, ça y est, je me souviens. Tu es le fils d'Edgard, n'est-ce pas ?
- Bonne mémoire.
- Tu vas essayer de me tuer ?
- Je vais réussir.
Toutes les nuits depuis 6 ans, Adrian ne faisait que rêver à la meilleure manière de tuer Sica. Il imaginait toutes les situations possibles, toutes les ruses qu'il pouvait utiliser pour le détruire. Seulement, cette fois, c’était la réalité. Des gouttes de sueur perlaient sur son front alors qu’il réalisait qu’un enfant comme lui ne pouvait pas grand-chose face à un adulte de cette taille.
- Tu es déjà fatigué, Adrian ?
Le garçon enragea et tira à nouveau, cette fois-ci en direction de Sica. Le coup était parfaitement bien visé, mais l'homme n'était pas sans réserve.
A l'instant où le grappin allait atteindre son visage, il fit un rapide pas de côté et attrapa la corde pour tirer dessus d'un coup sec. Adrian fut entraîné et lâcha prise sur son appareil. Il trébucha et tomba, heurtant sa tête contre le sol.
- Je suis un peu déçu, lança Sica.
Il attrapa le garçon par les cheveux et le hissa face à lui. Adrian lui envoya plusieurs coups dans la mâchoire, ce qui n'eut pour effet que de lui briser le poing.
- Tu ne manifestes aucun Souffle. C'est regrettable.
Une lueur sembla se dégager de la main qui tenait les cheveux d'Adrian. Soudainement, celui-ci fut pris de spasmes et de délires. Il hurla à plein poumons, comme s'il venait de se faire déchirer le cœur. Sica enrageait :
- J'attendais bien plus de toi... Je voulais une confrontation mémorable ! J'attendais que tu viennes me combattre avec toutes tes tripes ! Et tu es toujours un banal petit garçon que j'ai brisé. Tu n'as que ce que tu mérites, Adr-
Un violent coup de matraque vint s'abattre sur le crâne de Sica qui lâcha de suite le garçon. Adrian, quant à lui, était inconscient.
Sica sembla à peine blessé malgré le coup qu'il venait de recevoir mais était surpris. En se retournant, il distingua la silhouette de Dysill.
- Tiens, tu n'étais pas au programme, toi.
Dysill était essoufflée, toujours la matraque en main. Elle s'était empressée de s'écarter de quelques mètres pour éviter la contre-attaque, s'il devait y en avoir une. Elle fixa Sica droit dans les yeux, s'attendant au pire.
- Tu n'es pas comme les autres. Je le vois dans tes yeux. Tu as peur.
Dysill ne lui répondait pas, il avait raison. Elle était mortifiée par son adversaire et par le Joyau qui se trouvait quelques mètres plus loin.
- Il t'effraie plus qu'il ne t'attire. C'est normal. Ce doit être le Souffle. Il bouillonne en toi et tente de se frayer un chemin jusqu’à ton être le plus profond.
Encore une fois, silence total. Dysill ne comprenait plus rien à ce que lui disait Sica. Tout ce qui importait à présent, c'était de récupérer Adrian et de partir. D'ici une fraction de seconde, elle allait se dépêcher de l'emporter sur son dos, prévenir Duncan et filer d'ici en vitesse. Sally était morte, alors elle devait se faire une raison et essayer de sauver ceux qui pouvaient encore l'être.
- Fumier, venait de lancer une voix.
Lucas avait profité de l’altercation pour récupérer le grappin et tira en plein dans le ventre d’Edward Sica.
- Dysill ! Emporte Adrian avec toi et partez d'ici en vitesse !
- Lucas...
- Tire-toi, je te dis ! lui hurla-t-il avant de dégoupiller avec les dents une bombe artisanale attachée à sa ceinture.
Les larmes aux yeux, elle saisit Adrian, l'emporta sur son dos et se mit à courir de toutes ses forces vers la sortie.
Lucas appuya sur la gâchette du grappin, ce qui eut pour effet de ramener Sica a son niveau. Celui-ci saisit tenta de s’enfuit en voyant la grenade dégoupillée mais le pic du grappin était encore fermement encré dans son estomac.
- Arrête ! cria-t-il en crachant du sang. Combien est-ce que tu veux ? Je te donnerais tout ce que tu veux, mais lâche-moi ! pestait Sica.
- T'as pris ma femme. L'addition serait trop salée, même pour toi.
- Tu n’es rien ! Personne ne se souviendra jamais de toi ! Misérable !
- Je sais. Et ça me va, sourit-il.
La bombe émit un léger « pschit ».
- Cadeau des Chats de Gouttière, fils de-
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