De nouveau cette même raison de vivre
Célia
12 janvier
Je n'étais que la petite fille morose au teint blanchâtre tandis que mon adorable petite soeur au visage angélique se rapprochait d'un rayon de soleil pour ma famille. J'adorais lui peigner doucement les cheveux avant de l'emmener à l'école. Sans elle, je me retrouvais délaissée et abandonnée avec celle qui m'avait déjà pris ma mère et qui rodait encore n'attendant que le moment où mon corps cesserait de se battre contre sa néfaste influence. Elle demeurait quand même la seule qui voulait de moi comme une vieille amie voire une amante, je ne la quittais jamais. J’ai vite su que l'unique chose que je maîtrisais était mon esprit, mon corps lui appartenait.
La suite de ma vie s'est résumée à une brillante carrière d'avocate, alors que ma soeur ne percevait aucun intérêt à entreprendre des études. Elle a préféré se donner naïvement en mariage à un homme lui faisant miroiter milles merveilles et un amour sincère presque inconditionnel. Une somptueuse demeure du XVIIIe arrondissement de Paris a concrétisé ces promesses, une véritable prison dorée. Ce mari lui offrait un train de vie confortable au détriment de sa dignité quand l'envie lui prenait de marquer son corps de ses mains puant toujours l'alcool. Le jour arriva où son attention se porta sur leur fils, la bête me prit ainsi mon neveu si cher à mon coeur, je ne pouvais désormais rester stoïque face aux événements. Un soir, je le suivis lors d'un de ses errements et au détour d'une ruelle mon magnum tira dans ce coeur qu'il ne méritait pas. Cet incident me fit perdre ma carrière et le si peu d'estime que j'avais à mon égard. Je l'aimais tellement ma soeur, elle était le centre de ma vie et ma famille. J'aurais tout fait donner pour son bonheur mais je ne pouvais plus la regarder en face. Je n'étais désormais plus rien, je ne devenais qu'un poids monstrueux rongé par la maladie.
S'ensuivirent des années et des années pendant lesquelles je devint une des plus grandes détectives privées de Washington ayant fuit dans le pays des rêves éphémères. Cependant, chaque moment de mon existence se transformait en souffrance. À cet instant, j'avais ce paquet de médicaments à côté de moi prêt à tout avaler pour me perdre dans mes songes. Le téléphone me coupa dans mon élan... La douce voix d'une secrétaire de la mairie m'annonça la mort brutale et étrange de ma soeur 8 mois plus tôt.
J'ai immédiatement pris le premier vol pour Paris, j'ai de nouveau cette même raison de vivre, ma soeur. Pendant ce vol, je ne peux pas décrocher mon regard de l'homme si beau et désirable qui se situe au siège de devant. Je m'imagine ses affectueuses caresses sur ma peau, ses tendres baisers sur mon corps nu et ces abdos musclés touchant mes seins. Je veux lui appartenir en me donnant toute entière juste pour une seule éternité. Depuis combien de temps n'ai-je pas joui ? Ai-je déjà fait l'amour ? Je ne suis qu'une carcasse, en témoigne mes joues excessivement creuses et ma peau qui tient à peine sur mes fragiles os avec ce crâne dégarni recouvert par une perruque brune qui ne fait que peu d'illusion. Comment un homme pourrait-il vouloir de moi ? Mon existence renforce davantage le gâchis de la mort de ma soeur, une si belle créature n'aurait jamais dû être emporté de cette terre aussi vite alors que le cadavre devant mon miroir vit toujours. Mieux vaut que je dorme le reste du voyage au lieu de me blâmer inutilement.
Ouah ! Quelle manière délicate de se réveiller tout en charme, vraiment idéale pour séduire l'homme devant moi. L'avion touche enfin le sol de la ville la plus belle du monde. Cette ville qui a vu naître la poésie de Victor Hugo, les Fleurs du Mal de Baudelaire, le romantisme de Musset, le génie d'Eiffel et la grande Dame de Sully. Où est né l'espoir de la révolte afin de voir naître la liberté et les histoires d'amours les plus mythiques tels que les révolutionnaires Lucile et Camille Desmoulins, les philosophes Sartre et Simone De Beauvoir et les inconnus du baiser de l'hôtel de ville. Tu as couru tant de dangers, de terribles révolutions t'ont agité et tu as subi des crises de toute nature. Malgré tout, tu es restée debout glorieuse et forte face aux événements. J'aimerai te ressembler et personnifier aussi bien que toi ta belle phrase latine Fluctuat nec mergitur. Je te revois à nouveau alors que je ne pensais te revoir un jour. Toute ta splendeur m'explose au visage. Chère Paris....
Je me rends en taxi dans le quartier de mon enfance. J'aperçois l'ancienne maison familiale que ma soeur avait reprise après le décès de son mari. D'un coup, je me remémore ce souvenir de ma petite soeur courant dans mes bras dans sa mignonne salopette bleu pour me demander de lui soigner son petit bobo. J'étais obligé de jouer ce rôle de la maman ou du papa. Je ne voulais pas que ma soeur ressente cette solitude qui me remplissait de toute part. Depuis la mort de ma mère, mon père n'avait plus rien assumer. Je devais remplir tous les rôles alors que je tenais à peine sur mes deux jambes. Je dois arrêter de divaguer, le voisin de ma soeur est un jeune homme, manifestement attrayant, il se nomme Mickaël. Je rentre immédiatement dans mon rôle de détective au risque de le froisser, néanmoins cela ne lui suscite aucune réaction.
Annotations