Libérer l'âme et éliminer la peur

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Mickaël

L'après-midi du 6 octobre


Sa souveraine emprise ne peut désormais plus perdurer, je reprends à partir de ce jour, ce qu'il me reste d'honneur pour défier mon oncle. La déchéance de ma famille ne cesse de s'aggraver, il se terre donc depuis ces jours dans sa résidence secondaire, près de Nice. Il revient sur la capitale pour prendre livraison d'une commande particulière chaque jeudi, je compte le surprendre.

Je ne cesse de réfléchir sur celui que je suis devenu. Comment aurais-je pu devenir un homme bien à l'âge adulte, quels exemples, ai-je eu ? Un sympathisant du régime nazi marié à la tortionnaire de sa fille homosexuelle, mon grand-père ? Un lâche martyrisant son fils à la moindre occasion, mon père ? Un homme qui tabasse une jeune femme sans hésitation, mon oncle ? Je ne renvoie pas entièrement la faute sur eux, la responsabilité m'incombe tout autant de n'avoir su contrôler mes démons. Mais, la sauvagerie a quand même rythmé mon existence dès mon enfance, et a façonné l'être innommable que je suis.

Je déplore mon déchaînement de violence envers Elia, elle ne méritait pas cela ! La cause de cela, revêt simplement le fait qu'un hurlement strident s'est échappé de la télévision, et bien évidemment la visite de mon oncle chez Elia a précipité ce dénouement tragique. Maintenant, je dessine d'elle le portrait d'une désaxée victime de délires hallucinatoires, cela constitue un comportement si abject de ma part. Je prie pour une existence avec pour seul sens Célia loin de cette vie faite de non-sens et de contresens.

Trêve de divagations, je dois me concentrer sur mon oncle. Selon mes informateurs, mon oncle reste séparé de ses gardes du corps dans un hangar, lorsqu'il ouvre sa commande et c'est précisément ce moment où je vais lui parler d'ici un instant.

Il ne se trouve qu'à quelques mètres de ma personne, et commence à discuter avec lui-même. Il tient un cadre contenant une photo de lui, serrant amoureusement une femme dans ses bras, qui date approximativement des années 60 peut-être 70. Il hurle de toutes ses forces : "pourquoi père, pourquoi me l'avoir enlevé."

De quoi parle-t-il au juste, mon oncle éprouve donc des émotions aussi fortes ? Il ouvre son colis de manière minutieux, puis prend doucement des photos de femmes, d'enfants et de divers personnes. Quelle passion sadique vais-je découvrir une nouvelle fois le concernant ?

Sur ces photos, une dame revient presque constamment, et ressemble de façon surprenante à mon oncle. En regardant de plus près le cadre, la jeune femme au ventre arrondi sur la photo est marquée d'un numéro de matricule à l'avant-bras, c'est une déportée juive enceinte. Mon oncle aurait eu une idylle avec une survivante de la Shoah, ce que son profond antisémite de père aurait très mal pris au point d'assassiner sa dulcinée. Elle aurait accouché d'une fille avant de mourir, d'où le ventre arrondi de la femme sur la photo, et mon oncle aurait par miracle réussi à protéger sa fille en l'envoyant ailleurs. Aujourd'hui, il ne souhaite pas troubler la vie de sa fille en se révélant, ainsi il n'y a que ses photos qui lui permette de garder un contact étroit avec elle.

Je m'approche de sa personne une arme positionnée sur sa tempe, c'est alors qu'un homme en pleurs, pathétique et si humain me regarde prêt à partir de ce monde. Mon oncle, ma tante et mon père, que j'ai à une époque perçue comme des monstres inhumains, ne demeurent que des individus victimes d'une spirale infernale. Mes grands-parents ont anéanti définitivement leurs deux enfants, qui en retour ont assassiné ma mère et tellement d'autres. J'ai continué cette spirale en faisant tellement de mal autour de moi. La raison pour laquelle mes grands-parents ont agi de la sorte, je ne sais pas vraiment, sûrement une enfance marquée par de terribles événements, selon des rumeurs familiales.

Je pense savoir comment clore cette funeste destinée familiale, je m'inspirerai des paroles d'un certain Nelson Mandela pour dire que le pardon libère l'âme, et élimine la peur. C'est pour ça qu'il est une arme si puissante. Je lâche mon arme au sol, le prends dans mes bras et lui exprime sincèrement mon pardon, comme à tous ceux qui ont fait de moi un monstre.

Il me regarde alors et voit probablement le reflet de son père, son âme sœur, ses deux sœurs mortes, d'autres défunts dont l'ami d'Elia, ce qu'il observe dans mes yeux. N'est-ce pas sa complexion, ce qui caractérise sa souffrance ?

Je m'éloigne de lui et entends le bruit d'un tir d'arme, de toute manière, où qu'il soit dorénavant, c'est sans doute mieux que cette absurde existence.


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