Serait-ce cela ma rédemption ?

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Cassiopée

La soirée du 24 décembre


Les témoins sont passés, ils ont exposé chacun à leur tour leurs récits. L'opinion médiatique se délecte de chaque horrible détail, ils n'ont pas épargné l'opinion publique d'une précision presque scientifique.

Avait-on besoin de savoir que cette famille maudite a torturé des individus à l'aide de poucettes ? D'ailleurs, ce nom me paraît bien mignon pour un instrument de torture, qui écrase des pouces. Pourquoi tout ce remue-ménage, juste pour condamner les quelques-uns, qui ne se sont pas déjà enfuis à l'étranger ou suicidés ? N'est-ce pas tout simplement une tentative de la justice de médiatiser au maximum cette affaire, afin de faire oublier, que c'est elle qui a laissé les mains libres à ces très riches criminels ? Avec le budget misérable qui s'amenuit encore des juges, même ceux qui ont à cœur de faire leur travail, en sont empêchés par le système politico-judiciaire, mêlé au monde économico-financier qui décide à l'avance du sort des enquêtes ou des procès.

Malgré la quantité gigantesque de procès, il persiste de nombreuses zones d'ombre dans cette affaire, dont une qui n'a pas été du tout abordé. Le soir de son agression, Antoine se situait à l'opposé de son domicile, et un mystérieux appel anonyme a prévenu de l'agression. Effectivement, il venait de se rendre à une soirée avec des amies, mais il a pris la direction inverse de sa résidence. Personne ne s'est posé la question, pour quelle raison aurait-il emprunté ce chemin ? La justice semble encore incapable d'accomplir son travail, tellement occuper à arrêter, voire tabasser des manifestants... Ce détail souffre peut-être d'un aspect anecdotique dans une telle affaire. Nietzsche, ne disait-il pas que le diable se cache dans les détails. Ce diable prend la forme d'une personne admirée, grâce à son honnêteté sans faille et son âme de guerrière de toutes les causes.

Le jour d'avant, Antoine lui avait donné un lieu de rendez-vous, il a voulu la rencontrer, pour qu'elle puisse lui expliquer davantage les violences envers les homosexuels durant la Seconde Guerre mondiale. C'était son sujet de prédilection en tant qu'historienne. Elle l'a attendu dans un ravissant café ce soir-là à quelques rues de sa position.

Alertée par des bruits, elle est sortie de ce troquet, vite fermé, et a aperçu Antoine au détour d'une rue, alors qu'il se défendait difficilement face à des agresseurs. Tout lui est subitement revenu en mémoire, elle le méprisait depuis toujours, elle ne supportait pas son air hautain et supérieur, lorsque qu'il discutait de sujets que pourtant elle maîtrisait mieux que lui. Il possédait cette manière d'être pédante, qui ramène celui qui a en face à un statut de pauvre imbécile, étalant sans relâche sa science et sa prétendue érudition. Le cuistre prenait les gens de haut avec ses éternelles citations, censés lui donner une profondeur intellectuelle ou philosophique. Que nenni, cela l'aidait certainement plus à insupporter ses proches. Elle se rappelait quand il avait osé entreprendre des discours sur la défense des animaux non humains, alors qu'il adoptait à ce moment-là lâchement un simple régime végétarien et non vegan. Elle se posait même la question, s’il n'était pas bénévole dans une association, afin de se mettre d'une autre façon en avant. La prétention d'Antoine atteignait des proportions inimaginables dans l'esprit de cette femme.

En y réfléchissant, souhaitait-elle vraiment porter secours à cet individu lamentable, elle n'en ressentait vraiment pas l'envie en réalité. Devant le regard d'un homme en aucunement surpris par son comportement, elle a détourné les talons, puis a appelé la police de son domicile pour les prévenir à l'aide de son téléphone, qui ne peut pas être localisé de toute manière. Antoine ne l'a même pas incriminé suite à cela, il savait que cette unique action pouvait détruire toute la vie de cette femme. Il s'est muré dans le silence, et elle lui a rendu des visites, comme pour oublier son geste ou espérer enfin avoir de la culpabilité. Elle ne regrettait en rien tout ce qu'elle avait pu se dire sur lui, mais abandonner à son sort une personne dans une rue, cela ne lui ressemblait pas et constituait une action impardonnable. Cette femme que n'importe qui jugerait avec force, c'est moi Cassiopée.

Louise ne connaît en rien cette histoire, malgré une attitude parfois étrange et violente avec lui, elle tenait quelques parts à Antoine. Je ne m'aventure pas à envisager d'en parler à Elia, elle réagirait sûrement furieusement. Mickaël avait découvert la vérité sur moi, mais m'avait promis de garder le silence, car il avait que peu de légitimité pour me juger. Même s’il avait fait de façon à ce que Célia me fréquente de moins en moins ces temps-ci, avant que sa propre culpabilité le rattrape.

Y a-t-il une manière de trouver la rédemption pour moi ? Un air de violon se répand dans ma maison, ma sonnerie à cette heure-ci ? J'inspecte le judas et personne ? J'ouvre la porte alors, et qu'est-ce que... Hein ?! Un bébé ? L'aspect invraisemblable de la situation me semble paradoxale, avec le fait qu'au vu de la plupart des films, cela s'avère presque commun. Je lis la lettre qui accompagne apparemment ce bébé. Une revenante ! Célia disparaît du jour au lendemain avant le procès, et elle revient pour me céder officiellement la garde de son enfant si j'accepte. Elle y ajoute une pluie de compliments, elle vante mes idéaux et mes valeurs, qu'elle apprécierait que je transmette à son enfant. Selon elle, même si je m'y refuse, j'accomplirai presque à la perfection le rôle de mère. Serait-ce cela ma rédemption, élever le fils de Célia et d'un membre de la famille qui a assassiné Antoine ?

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