Paris, Hôtel 5 Codet, même jour.

5 minutes de lecture

L'après-midi touche à sa fin quand le téléphone tire Tintin d'un profond sommeil réparateur.

— Monsieur Tintin ? La réception. Mademoiselle Bobette souhaite vous inviter à partager un apéritif dans sa suite.

— Mais... nous avions convenu que...

— Elle m'a demandé d'insister. Il est encore un peu tôt mais elle souhaite partager un moment avec vous. Le groom vous y conduira dans disons... dix minutes, si ça vous convient.

L'employé ne laisse pas le temps au reporter de protester. En baillant, le jeune homme passe un pull-over bleu par dessus sa chemise blanche. Il ne pensait pas s'assoupir si longtemps. Mais déjà, on frappe à sa chambre. Un jeune garçon habillé de rouge et portant un petit chapeau rond, rouge lui aussi, se tient sur le pas de la porte.

— Bonjour Monsieur. Je suis le groom. On m'a chargé de vous conduire à la suite Dôme.

Surpris, Tintin dévisage le jeune homme.

— Mais... je vous connais. Où donc nous sommes nous rencontrés ?

— Je ne saurais dire Monsieur, mais effectivement, votre tête m'est familière.

— Sapristi ! Je ne saurais le dire moi non plus, mais ça va certainement me revenir.

Ils quittent tous deux la chambre et s'engagent dans l'ascenseur. Parvenus devant une porte close, le groom frappe bruyament. Un bruit à peine perceptible leur parvient, mais le jeune garçon présente la clé et entrouvre la porte, tandis que Tintin lui demande s'il est bien correct d'entrer sans y être invité. Le jeune homme hausse les épaules avant d'appeler par la porte entrebaîllée.

— Mademoiselle Bobette ?

Une voix lointaine leur parvient.

— Ouiiiii, entrez Monsieur Tintin.

Le groom s'efface pour céder le passage à l'invité.

— Si vous souhaitez un peignoir ou une serviette, vous n'aurez qu'à appeler la réception, Monsieur.

— Hein ? Quoi ? Mais non... je...

Déjà la porte s'est refermée. Tintin lance un oeil alentour. Il se tient dans la partie "salon" de la suite, mais nulle trace de Bobette. Il frappe à la porte de la chambre. Pas de réponse. Mais une voix lui parvient, depuis l'extérieur. C'est elle.

— Par ici Tintin, je suis sur la terrasse !

Le reporter franchit la porte vitrée qui donne accès à une jolie terrasse meublée. En son centre, un bain à bulles bouillonne avec ardeur sous des lampadaires à gaz qui diffusent une douce chaleur, contrastant avec le froid ambiant. Seule la tête de Bobette dépasse de la surface. D'un sourire malicieux, elle l'invite à la rejoindre. Tintin se fait prier.

— Mais... heu... je n'ai pas même un maillot de bain.

— Allons Tintin, ne faites pas le timide, vous devez bien porter un caleçon, cela fera très bien l'affaire. Je n'avais moi aussi que mes sous-vêtements.

Tintin hésite. Bobette lui demande s'il préfèrerait qu'elle invite aussi le Capitaine. Piqué au vif par l'allusion à peine voilée, il ôte chaussures, chandail et chemise. Bobette le détaille sans scrupule. Elle l'imaginait un peu gringalet, mais bien que très mince, il arbore une musculature toute en finesse. Ses pectoraux saillants, les épaules très dessinées et les abdominaux taillés au couteau lui confèrent aux yeux de la jeune fille une allure plutôt sexy. Quel dommage, pense-t-elle, cette coiffure ridicule... Il ôte son jeans brun et ne gardant que son caleçon, se glisse dans l'eau chaude. La jeune fille est ravie.

— N'est-ce pas merveilleux, ce jacuzzi extérieur en plein hiver, et cette vue inouïe sur les Invalides ?

Le jeune homme ne peut qu'acquiescer. La scène est idyllique, même la fraîcheur du jour qui s'achève rend les armes face aux radiateurs-chandelles.

— Effectivement, le Commandant ne s'est pas moqué de vous.

— Vous seriez gentil de nous servir un verre. Juste à votre gauche.

Tintin avise le seau à champagne et les deux verres, posés au bord du bain, juste à côté de la petite poupée de chiffon dont Bobette ne semble jamais se séparer. Il proteste, il ne boit jamais d'alcool. Mais Bobette est très convaincante. Après tout, une fois n'est pas coutume, n'est-ce pas ? Il sert les deux verres, en tend un à la demoiselle. Ils trinquent tous deux.

— À la réussite de notre mission, fait Bobette.

— À notre mission.

Elle clot les yeux un instant, savoure le breuvage pétillant.

— Merci d'avoir accepté mon invitation, lance-t-elle.

Elle affiche mainteant une mine bien plus sérieuse avant de reprendre :

— Je trouve important que nous partagions un peu de temps ensemble et que nous apprenions à nous connaître. Dans deux jours nous partons pour l'enfer, vous aurez ma vie entre vos mains et moi, la vôtre.

Tintin ne sait que dire. La jeune femme paraît presque triste maintenant.

— Demain, c'est Noël. Je veux profiter pleinement de ces derniers jours. J'ai toujours adoré Noël. Mais celui-ci aura un goût amer. Bob me manque.

— Le Commandant, s'étonne Tintin ? Mais il...

— Non, Bob, mon frère. Il me manque horriblement. C'est comme si j'avais un trou immense là, dans ma poitrine. Et pourtant je sais qu'il est toujours là, comme si... comme s'il flottait autour de moi.

Elle a les larmes aux yeux maintenant. Touché, Tintin tente de la consoler.

— Je suis certain que d'où qu'il soit, il veille sur vous, Bobette.

***

Le reporter partage les dernières gouttes que la bouteille accepte de libérer. Il a un peu trop bu, il le sait. L'atmosphère s'est singulièrement détendue, les deux jeunes gens ont tant de choses à se dire qu'ils pourraient tous deux prolonger cet instant jusque tard dans la nuit. Mais l'heure avance et, sous peu, ils doivent rejoindre le Capitaine et le Commandant. Sans prévenir, Bobette se lève, émergeant hors de l'eau telle une naïade. Surpris, Tintin rougit, et bien qu'en parfait gentleman, tout son être lui enjoigne de détourner le regard, il ne peut quitter des yeux le corps ferme et ruisselant. Bobette a au moins partiellement menti par omission, car si elle porte bien un sous-vêtement, celui-ci ne cache qu'à grand peine son pubis. Ses petits seins nus pointent avec arrogance, semblant défier le monde. Tintin, fasciné, contemple les bijoux métalliques qui traversent les deux mamelons et le tatouage mal dissimulé par le petit morceau de tissu, sur son bas-ventre. Quelle étrange jeune fille.

Bobette s'ébroue en frissonant, court attraper une serviette. Elle s'y enveloppe, en saisit un autre qu'elle lance à Tintin en riant.

— Ça caille (1) à l'écart du chauffage, fait-elle. Merci pour ce délicieux début de soirée. Je dois vous laisser maintenant, je m'habille et vous rejoins au bar. Voudriez-vous dire au Commandant que j'aurai dix minutes de retard ?

(1) Ça caille : "il fait très froid" (c'est du belge :-)

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire J. Atarashi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0