Démasquée

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Cela fait près de dix minutes que Bobette patiente quand la clé tourne à nouveau dans la serrure. La porte s'ouvre en griçant, Olric-Vladimir la referme derrière lui. Bobette déglutit, elle n'a pas droit à l'erreur. Debout, adossée à l'immense bureau, elle passe la main sur le presse-papier de pierre. Cela fera le poids en cas de problème. Parce que forcément, problème il y aura. L'homme s'approche, l'enserre par la taille, embrasse son cou.

— Я хочу тебя. (1)

Elle gémit pour donner le change. Il glisse sa main sous sa robe, s'empare d'un sein. Elle se tortille et, tout en gardant les doigts sur le presse papier, de son autre bras, l'enlace.

Olric laisse filer sa main sur la cuisse dénudée qui le nargue au travers de la fente de la robe. Il ne perd pas de temps en préliminaires, la caresse est furtive, mais d’un geste brusque, déjà, il arrache le string de la jeune femme.

Elle sursaute, résiste à l’envie d’appeler Tintin à l’aide, c’en serait alors fini de sa couverture.

Olric, lui, poursuit son assaut. L’agrippant par les fesses, il l’assied sur le bureau, cuisses grandes ouvertes. Il pose ses mains sur son cou, ses lèvres sur les siennes. Elle ne trouve rien d’autre à faire que de lui rendre son baiser. Sa main gauche cherche le presse-papier, le trouve, l’enserre. Tandis que leurs langues s’unissent dans une sarabande infernale, elle arme son bras.

Et tout s’enchaîne.

— Tы не Светлана! (2)

D’une poigne de fer, il enserre son poignet et projette sa main sur le coin de la table. Elle hurle de douleur quand ses doigts viennent s’y fracasser, laissant rouler au sol l’arme improvisée.

Il lui décoche une formidable gifle, puis une seconde. Elle sent sa lèvre inférieure éclater sous l’impact. Le regard fou, il l’attrape par le cou. L’étau est implacable, elle suffoque tandis qu’il continue de la questionner en russe.

— Кто ты ? Кто ты ? crie-t-il. (3)

Bobette lui lance un coup de pied désespéré qui, s’il atteint le tibia, ne suffit pas à déstabiliser son adversaire. Bien au contraire, ce dernier lui envoie dans l’estomac un formidable coup de poing qui la plie en deux, puis un autre en plein visage, faisant éclater sa pommette.

La porte s’ouvre à toute volée. Tintin !

— Plus un geste !

Il réitère son ordre en anglais, brandissant à bout de bras un glock équipé d’un silencieux. Au moment où le Président russe ouvre la bouche pour appeler ses gardes du corps, Bobette abat sur son crâne le kilo et demi du presse papier. L’homme s’écroule, inconscient. Elle se tourne vers le reporter.

— La porte ! Fermez la porte !

Déjà, elle s’affaire sur le corps inerte. Il vit toujours ! Elle résiste à l’envie de l’égorger avec ses dents, les ordres sont clairs, pas question d'attenter à la vie du Président russe. Elle avise les tentures, arrache quelques cordons qui les maintiennent, enlève à l’homme sa ceinture. En deux minutes à peine, il est ficelé comme un saucisson. Elle enlève ses Dim’up, fait mine de les fourrer dans la bouche du prisonnier, mais se ravise quand son regard tombe sur les restes de son string.

— Ah tu voulais me baiser ? Bouffe-ça maintenant !

Elle lui enfonce le morceau de tissu dans la bouche, puis ses deux bas.

Tintin, inquiet, contemple son beau visage ensanglanté et s’enquiert de son état. Elle lui lance un regard noir.

— Ce mec est un marteau pilon, fait-elle. Vous auriez pu vous hâter !

— Je suis intervenu dès que vous avez crié ! Vous m’excuserez d’avoir improvisé, s’offusque-t-il. On ne se débarrasse pas de deux barbouzes à mains nues en un claquement de doigt!

Elle désigne le glock du regard.

— C’est à l’un d’eux, répond-il. Ils sont dans le couloir. Le porteur de mallette est dans la pièce en face. C’est une chance qu’il n’ait rien entendu.

Elle ouvre la porte, tout doucement, jette un œil. Les deux hommes gisent au sol inanimés. Pas le temps de demander à son coéquipier comment il a réussi ce tour de passe-passe.

— Aidez-moi !

Ils tirent les deux colosses à l’intérieur, pas question de risquer qu’on les découvre avant qu’ils n’aient rempli leur mission. Bobette tend la main.

— Quoi donc ? fait Tintin.

— Le flingue …

Elle le lui arrache des mains et en deux temps trois mouvements, loge une balle dans la tête de chacun des deux hommes. Plop. Plop.

Tintin porte sa main à sa bouche, horrifié.

— On ne peut pas se permettre de prendre encore des risques et, on n'a plus le temps de les ficeler, lance-t-elle en fouillant les deux cadavres à la recherche d’un deuxième pistolet.

Elle le lui tend, glisse deux chargeurs de réserve dans son décolleté.

— Le porte-malette maintenant !

Elle prend soin de verouiller la porte en sortant, cache la clé dans un pot de fleurs.

D’un geste, Tintin désigne une porte. L’officier sursaute quand ils pénètrent dans la pièce. Il n’a pas le temps d’appeler que déjà elle lui a collé le canon de arme, ou plutôt son silencieux, dans la bouche.

— You shout, you die. You move, you die. Clear ?

Les yeux fous, il acquiesce d’un signe de tête. Elle désigne la malette d’un signe de tête.

— Open it !

Le type gesticule, il tente de dire quelque chose.

— Open it ! aboie-t-elle.

Tintin tente de la raisonner. Comment veut-elle qu’il parle avec une arme dans la bouche ? Elle ne se démonte pas, attrape le type par la ceinture de son pantalon et lui fourre le canon de l’arme entre les jambes.

— Open this fucking suitcase !

En tremblant, il aligne quatre chiffres sur une des trois serrures à combinaisons.

Clic.

Bobette tire, pousse, force. La valise reste aussi close qu’une huitre de Tchernobyl vitrifiée aux rayons gamma.

— Open the other lockers !

L’homme a regagné son calme. Il lui explique dans un anglais approximatif que c’est le Président qui doit ouvrir le cadenas central et le Chef d’Etat-major le troisième. Ce dernier n’est pas présent mais il est habilité à envoyer son code par téléphone sécurisé.

— Fuck ! Fuck, Fuck, Fuck !

Elle contemple la chaîne qui relie la malette au poignet de l’officier. C’est de l’acier trempé. Elle indique la menotte par laquelle la malette est attaché à sa main.

— Where is the key ?

— Moscow, répond l’homme, un sourire narquois aux lèvres.

Bobette réfléchit à toute vitesse. L’autre taré d’Olric ne cèdera de toute manière pas. D’un bond, elle se lève.

— You come with us !

Elle se tourne vers Tintin.

— On descend puis on se casse ! Et on l'amène avec nous !

Elle se tourne vers son prisonnier.

— Remember : you shout, you die. You even speak without my authorization, you die. You don't cooperate, you die. There will be no warning.

Un escalier de service les mène au rez-de-chaussée. Pas question bien sûr de se la jouer à la Scarlett O'Hara dans le grand escalier de marbre. Ils longent les cuisines, manquant dix fois de se faire prendre, avant de déboucher sur la cour. Bobette risque un œil. Ils ont près de cinquante mètres à parcourir avant de parvenir au parking où les attend Black Mamba. En un coup d’œil, elle repère déjà au moins quatre gardes.

— On ne va pas y arriver. Pas avec ce poids mort, fait-elle en désignant leur prisonnier de la tête. Attendez-moi ici !

Quand elle revient des cuisines, elle tient à sa main libre un impressionnant hachoir et un essuie vaisselle qu’elle fourre illico dans la bouche de l’officier.

— Maintenez-le !

Quand il la voit brandir le couperet, l’homme gesticule, les yeux fous, son hurlement s’étouffe dans le bâillon de fortune tandis que Bobette, de tout son poids, maintien l’avant-bras du malheureux au sol avec son genou. Tintin pousse un cri quand il comprend.

— Non !

Tchac !

L'homme se tord de douleur en hurlant. Le sang gicle en saccades de son poignet aux trois-quarts détaché de la main...

Tchac !

...de son poignet mainteant détaché de la main.

Elle arrache la menotte du moignon sous le regard atterré de Tintin.

— Bobette !

L’homme est déjà à moitié inconscient.

— Il vivra, fait-elle. On s’casse.

Déjà, elle s’avance dans la cour, malette à la main, d’un pas qu’elle veut aussi naturel que possible. Ils n’ont pas parcouru la moitié de la distance quand le hurlement retentit derrière eux, puis des cris rauques entrecoupés de sanglots.

— Putain, j’aurais dû le tuer ! Continuez à marcher normalement Tintin !

Mais déjà les gardes s’affairent dans tous les sens. Les deux amis sont presque au parking quand l’un des vigiles les met en joue et se met à crier.

— On court ! fait Bobette.

Ils détalent comme des lapins, Bobette trébuche sur ses hauts talons, se relève tandis que Tintin vide son chargeur au jugé pour la couvrir.

Un appel de phares rapide. La Rolls est là, moteur vrombissant, à quelques mètres d’eux seulement, prête à bondir. Ils s’y engouffrent simultanément par le côté droit, elle à l’arrière, lui à l’avant. Ils n’ont pas encore refermé les portières que Black Mamba démarre en trombe. Droit vers la barrière de la sortie. Les deux hommes qui s’interposent n’ont que le temps de sortir leur arme. Avant même qu’ils ne pressent la détente, la lourde berline les percute violemment et défonce la barrière.

Sauvés ! Pour un temps du moins.

Le cœur de Tintin bat la chamade.

— On l’a échappé belle, lance-t-il.

— On est pas encore sortis de ce merdier, répond Black Mamba.

— Sapristi Bobette, quelle mouche vous a piquée ? fait le reporter.

Silence.

— Bobette ?

Il se retourne. Yeux grands ouverts, la jeune fille le fixe, hagarde. Elle est pâle comme un linge.

— BOBEEEETTE !

Les deux mains sur le ventre, dans une vaine tentative d’endiguer l’hémorragie, alors que le sang s’écoule entre ses doigts, elle ne trouve rien d’autre à dire que :

— Je ... je suis dé … désolée …

(1) YA khochu tebya = j'ai envie de toi.

(2) Ty ne Svetlana ! = tu n'es pas Svetlana !

(3) Kto ty ? Kto ty ? = qui es-tu ? qui es-tu ?

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