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En classe de première, nous avions monsieur Cyclotron en physique-chimie. Petit, rondouillard, le pantalon trop court, les cheveux en pétards à mèches, la blouse jamais propre, les lunettes rafistolées avec un bout de sparadrap, il semblait être le résultat d'un croisement entre Albert Einstein et Gaston Lagaffe. Une sorte de savant fou qui avait atterri dans notre lycée, par on ne sait quel mystère, et auquel personne n'avait dit qu'il exerçait le métier de professeur.

Ne sachant donc pas pourquoi il se trouvait là et se contrefichant comme de sa première chaussette du programme qu'il était censé nous enseigner, monsieur Cyclotron occupait ses journées à faire absolument tout ce qu'il voulait.

Une fois, en plein mois de janvier, il arriva dans la classe en sifflotant un air guilleret, avec à son bras un panier rempli de cerises bien mûres. Il nous expliqua que c'était lui qui les avait fabriquées pendant la nuit, grâce à une formule secrète provenant de son arrière-grand-père anglais.

Ces nouvelles cerises, entièrement composées de produits artificiels, allaient s'appeler des « Crock Time » car en plus d'être délicieuses et pleines de vitamines, elles avaient la propriété incroyable de pouvoir détruire les pendules en les grignotant !... La seule condition était de les poser le plus près possible d'une pendule, bien entendu.

Devant nos regards incrédules, il s'approcha en pas chassés du tableau noir, attrapa une craie et se lança dans une démonstration énergique où les x, les y, les racines carrées, les atomes et les protons sautillaient dans tous les sens et s'emberlificotaient en un joyeux charivari qu'il était le seul à comprendre.

Pour conclure ses explications, il farfouilla dans son cartable et, tout fier de lui, en sortit une petite pendule déchiquetée et tachée de jus de cerises. C'était « la » preuve. La preuve parfaitement incontestable.

Les yeux ronds, le visage radieux, nous buvions ses paroles. Assister à ses cours c'était comme être devant une très bonne pièce de théâtre. On en redemandait.

Il est certain que, durant cette année-là, Jean-Zébulon Cyclotron ne nous a pas appris grand chose en physique-chimie, mais il a fait bien mieux que ça : il nous a donné les clefs d'un monde imaginaire aux richesses inépuisables.

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