La leçon d'équitation

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Le lendemain, je remontais chakras du Maître-du-jeu, un par un et réactivait la production énergétique de chacun d'eux. Je m'étais pris pour l'occasion un solide petit déjeuner et je me sentais au mieux de ma forme comparé aux jours précédents. Le Maître-du-jeu, somnolait pendant les soins. Raphael m'avait déjà expliqué que c'était un phénomène fréquent de régénération par le sommeil. C'est pour cela que cette âme vénérable avait besoin d'un régénérateur en qui placé sa confiance. Entre mes mains, il était vulnérable.

À l'écoute de mes craintes, j'avançais prudemment. Il valait mieux prendre du retard que de faire de travers. Je puisais en moi un sentiment fugace de confiance qui me fuyait sans cesse. Mais le peu que je tenais ce sentiment, j'avançais, passant au chakras suivant. J'avais remarqué des ulcères variqueux sur ses jambes, et je décidais de ne pas m'en occuper, car Raphael ne m'avait pas parlé d'un tel cas. L'idée de m'en occuper ne laissait pas mon cœur en paix. C'était pour moi un signe que je n'avais pas la compétence nécessaire pour lui apporter le soin adapté.

Je lui trouvais un cœur chaleureux alors que je savais qu'il avait secoué la veille le gouverneur lui-même. Ses colères devaient être terribles. Je me recentrais et envoya une énergie active dans le muscle cardiaque. Le Maître-du-jeu s'éveilla à demi, mais il resta parfaitement immobile. Arrivé au coronal, je le vis à la limite de la suractivité, mais calmer un chakra hyperactif n'était pas dans mes compétences non plus. La séance de soin régénérant était terminé et je raccompagnais le Maître-du-jeu. Je lui expliquais en chemin que j'allais l'après-midi même, retourné chez mes parents avec le général des armées. Me confronter à nouveau à mon père me tourmentait, d'où ma lenteur.

Il avait la voix plus intense et un peu moins aiguë que la veille quand il me répondit :

— On ne peut faire autrement, jeune homme. Tu es le seul présentement à pouvoir reconnaître les membres avec qui tu as vécu, à connaître l'emplacement exacte de la ferme qui t'as vu grandir. Tes parents n'ont pas d'holographe et par conséquent, nous ne pouvons trouver un autre moyen que de te mettre à contribution afin de ne pas mettre aux arrêts une pauvre famille paysanne qui n'a rien fait de mal, ni à toi, ni à aucun être vivant. Mais cela ne doit pas t'effrayer, mon enfant. Tu ne seras pas seul. Michel est très efficace et se déplacera avec une phalange qui veillera sur les membres de cette maison. Ils seront sous bonne garde. Je sais que tu as peur, tu ne serais pas humain si cela ne te donnais pas un peu d'appréhension. Mais Michel est compétant. Tu auras la possibilité de t'en rendre compte très vite.

Je quittais le Maître-du-jeu, troublé par ce qu'il avait nommé de l'appréhension. C'était donc cela, ce mal-être qui me serrait l'estomac. Je me retrouvais au réfectoire pour le repas de la mésembria. Il y avait une fricassée de légumes inconnus accompagné d'un steak de lentilles broyé et façonné à la farine de pois chiche, du moins, c'est ce qu'annonçaient mes collègues qui avaient stationné devant le panneau qui annonçait le menu et qui étaient pour moi des signes cabalistiques incompréhensibles. Mais qu'importe, le menu variait et j'allais de découverte en découverte.

Pour Michel et moi, Ariston ajouta une louche de céréales qu'il nommait "riz". C'était une céréale blanche parfaitement insipide, qui absorbait le jus des légumes pour prendre une saveur végétale agréable en bouche. Tchem était juste derrière moi, dans la queue qui allait à l'alcôve de service. Je l'entendis murmurer :
— Une cuillère de riz et deux de légumes, s'il te plaît, mon frère cantinier.

Ce qui signifiait que si je voulais manger en conscience, je devais moi-même préciser la quantité d'aliment qui me serait profitable... et j'en étais incapable. Je me contenta donc de vider mon assiette, avec en vis-à-vis, Michel qui me regardais de ses yeux d'un bleu méditerranéen. Il avait les cheveux doré et frisé qu'il coupait court, Mais son nez était dans l'angle de prolongation de son front, comme tout bon grec. Il avait une carrure qui montrait la puissance du soldat. Il mangeait avec appétit, ajoutant une pincée de sel supplémentaire à son repas. Il me posa qu'une seule question pendant le repas :

— Sait tu monter à cheval ?

— Je te répondrais quand je t'aurais vu monter ! lui répondis je du tac au tac. Si tu sais monter, je saurais monter.

Je n'oublierais jamais son regard perplexe. Qu'avais je dis d'incongru ? Nous achevions notre repas lorsque Raphael arriva avec Akhenaton.

— Vous êtes sur le départ, général ? demanda t-il à Michel

— Quelque tour de manège pour vérifier l'assiette de ce jeune homme sur un équidé, et on prend la route.

— Courage, me dit Akhénaton avec son sourire aux dents blanches.

Tibère arrivait à son tour avec une double portion de légume sur le riz blanc. Michel s'était levé et je l'imitait, reprenant mon plateau vide, je leur souhaitais un bon appétit alors que l'idée de ce que nous nous apprêtions à faire me donnait l'impression que mon estomac n'allait pas garder longtemps le repas qui le remplissait. Je sentis venant à mon côté la présence de Tchem.

— Un instant mon frère, murmura t-il.

Il corrigea d'un simple contact sur mon front les premiers symptômes d'une crise de convulsion. Et m'envoya plus confiant, à la suite de Michel qui s'était arrêté pour m'attendre.

Il monta dans un magnétocab de faible altitude qui ne se déplaçait qu'à l'intérieur des murs et qui pouvait se poser sans avoir besoin d'un quai, son entrée, placée bas sur le véhicule, était au raz du sol, lorsque le véhicule était à l'arrêt. Nous nous dirigeâmes donc via ce moyen de transport, vers le ministère de la sécurité civile. Une fois déposés devant l'entrée de ce dernier, nous nous dirigeâmes vers un bâtiment circulaire. C'était le "manège" où les jeunes gens apprenait à monter à cheval. Je les observais à la suite de leur entraîneur qui faisait avancer, tourner son cheval, et même cabrer celui ci, expliquant que cette aptitude permettait au cheval de se défendre si était attaqué. Le cheval roulait des pattes antérieures démontrant qu'un coup de sabot pouvait faire des dégâts. Les élèves faisaient aller l'animal au pas, au trot, lui donnaient une démarche sautillante, un pas d'apparat, et même tournait sur lui même ou sautillait sur ses pattes antérieures. J'étais émerveillé par la bonne volonté de l'animal à se prêter de bonne volonté à cet exercice. Le but était de ne pas se faire désarçonner lorsqu'il se cabrait ou de bien rester assis sur son dos lorsqu'il galopait voire se retrouvait au triple galop. Tout consistait en somme à faire corps avec l'animal et avoir un mouvement synchrone avec lui lorsqu'il faisait telle ou telle figure.

Après un moment de contemplation, Michel appela l'instructeur.

— Capitaine Adimante !

L'homme ne quitta pas son cheval pour s'approcher de nous.

— J'aimerais que tu donnes les rudiments de l'équitation à notre frère Adelphos : nous sommes en mission.

Le capitaine se tourna vers un de ses élèves.

— Ajax, tu vas laisser Phœbé à notre jeune frère. C'est la plus docile de nos juments.

Il ne se passa pas le temps d'une clepsydre sans que je les sidère tous : À peine monté sur Phœbé, je me tins parfaitement droit et je sentais dans mon corps en contact avec le sien, le prolongement de mon être. Et avant que le capitaine Adimante me donna les instructions, j'entrepris d'essayer par moi-même tout ce que j'avais vu faire : marcher au pas, petit trop sautillant sur place, puis avancé, galop simple, arrêt des quatre fer, pas de parade, puis se cabrer en sautillant... Je revins vers Michel et Adimante qui me regardaient, mâchoire pendante. De les voir ainsi, j'étais perplexe. Avais je raté quelque chose ?

Le capitaine approcha son cheval qui vient se mettre près du mien de telle sorte que nous nous faisions face lui et moi.

— Où as tu appris le piaffer, le passage et la courbette ? me demanda t-il. Qui t'as enseigné ?

— Mais vous même, à l'instant, en expliquant aux autres...

Pendant que j'expliquais confusément que la simple observation me suffisait, je jetais un regard circulaire vers les élèves qui discutaient entre eux en me jetant des regards emprunts d'une crainte superstitieuse. Étais ce moi qui les mettais dans un tel état ? Je ne comprenais pas leur murmure, mais leur regard trahissait leur totale incompréhension. Après un instant d'hésitation, je questionnais Adimante :
— Comment apprend on à monter à cheval, d'habitude ?

— Mais cela prends un temps infini, me répondit Adimante. Il faut au moins 4 ans d'équitation pour faire ce que tu viens de faire là.

Il me désigna ses élèves :
— Ils sont en cinquième année. Pour faire piaffer un cheval comme tu viens de le faire... Il faut au moins deux ans d'entraînement intensif. Et encore, c'est pour les plus doués.

J'étais si stupéfait que je faillis relâcher mes muscles et tombé de cheval. Mais je rétablie mon assiette, bien qu'abasourdie, je sentis Phœbé nerveuse de me sentir relâché et presque tombant. Elle tapa du sabot et je fis un gros effort pour revenir au moment présent.

— Deux ans pour une seule figure ? dis-je encore hébété.

Je comprenais mieux leur regards à la limite de la crainte divine.

— Oui, et encore, si le cavalier et le cheval sont particulièrement doués, répondit Adimante, un point sur la hanche. Ce que tu as fait là... c'est tout simplement incroyable.

Je lançais alors la phrase qui les sidéra tous :
— Mais j'ai toujours appris les choses comme cela...

Le capitaine se tourna vers Michel sans quitter son cheval.

— Non, mais tu imagines, Général, ce qu'on ferait d'un tel homme avec un entraînement militaire ?

Michel répliqua d'une voix blanche...

— Je l'imagine très bien !

Pour ma part, je ne pouvais imaginer ce que je n'avais jamais vu. Mais je décodais très bien leur regards circonspects : je leur faisais peur. Michel s'approcha de Phœbé et après un moment de silence il dit enfin :

— Je voulais savoir si tu savais monter à cheval, j'ai ma réponse. Mais tu te doutes bien, frère Adelphos, que je vais devoir en parler au gouverneur.

— Je n'ai rien fais de mal, dis-je

— Mais je ne dis pas que tu as fais quelque chose de mal, petit frère ! Tu es bien le seul cas dans toute l'Olympie a montré des talents de mémorisation kinesthésique. Dans les temps anciens, c'était un don purement divin. Le gouverneur doit au moins être au courant. Que tu sois présent dans nos murs peut, selon le contexte, être une bénédiction... ou bien une malédiction ! 

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