— Situation !

Le second Lieutenant Glover baissa le volume de la radio. Le trop furieux Colonel hurlait tout ce qu'il pouvait.

 — Si-tu-a-tion ! C’est le Colonel gros bide qui vous parle ! Vous avez coupé la radio, c'est ça, hein ? Si-tu-a-tion !
 — Mon Colonel ! Mon Colonel ! L’appareil semble s’ouvrir tout doucement. Mon Colonel, que fait-on ? Mon Colo…  
 — Écoute mon garçon. Power, c’est ça ton p’tit nom, hein ? Tu t’éloignes, doucement, très doucement, en moonwalk si ça te chante, mais tu t’éloignes avant que quoi que ce soit n’arrive. Tu ne parles pas, tu ne tousses pas. Je n’autorise même pas un pet. Ça pourrait être mal interprété. On est d’accord ?

Gulkus se rapprocha de Glover et, même si au départ du haut de la plateforme il paraissait grand et fier dans sa combinaison gris-clair, en contre-jour l’effet d’optique n'avait duré qu’un court instant. À vue de nez l'alien mesure 1m08, 1m10 mais pas plus. Une sorte de nabot sur allumettes avec une tête disproportionnée. Glover fut un peu rassuré. Amusé, il pensa tout de suite aux dessins que son neveu Wilcox Junior lui faisait en lui disant ‘C’est toi, Tonton’ avec un petit sourire moqueur. À chaque fois il était vexé de voir que d’année en année ce sale gosse ne remarquait pas les efforts qu’il faisait pour sculpter son corps.

 — Mon Colonel. Un être de ressemblance humaine est en train de sortir. Premier Lieutenant Tench s’est évanoui et j’ai fait sur moi, vous savez la grosse commission.

Tout tremblant et paralysé, Glover continuait de dégager une forte odeur de bouse moisie qu’on aurait pu, avec un vent favorable, sentir jusqu’à la Lincoln National Forest à dix kilomètres d’ici. Le Colonel garda son calme mais lui parla sur un ton autoritaire.

 — Tower…. Prenez un peu sur vous. Un peu de dignité, voyons. L’Amérique est derrière vous. Vous êtes en présence d’une intelligence extraterrestre dont vous ignorez la puissance et vous vivez un moment historique. Vous êtes le premier, jeune homme. Ça serait dommage qu’on ne retienne de nous qu’une chiasse nerveuse, hein ?
 — Colonel ? Vous arrivez bientôt ? Parce qu’il se rapproche de moi.
 — Toi… Promeneur du ciel ? tenta Gulkus.

La voix un peu rauque que transmit le traducteur vocal impressionna de nouveau le jeune soldat. Surpris de constater qu’on lui parlait dans sa langue, il garda courage et tint debout devant l’envahisseur. Il sentit une force étrange, de l’intérieur, qui l’empêcha de s’évanouir ou de partir en moonwalk en criant ‘Yeeee Heeeee’, comme le lui avait suggéré le Colonel. Un instant, Glover se rendit compte qu'il représentait l’humanité. Tous ses gestes allaient être autant d’informations que les aliens allaient décoder, interpréter et classifier dans leur banque de données intergalactiques pour communiquer. Cette pression sur les épaules, il n'était pas taillé pour l'endosser.

 — Heu, non, babultia Glover en avalant difficilement sa salive. Skywalker, c’était une blague. Moi, c’est Glover.
 — D’accord…Gantier.
 — Qu'est-ce que vous n'avez pas compris quand je vous ai dit de vous barrer, face d'oignon farci ! hurla le Colonel qui n'entendait que les paroles Glover.

Gulkus opéra rapidement quelques corrections sur le traducteur embarqué qui finit par intégrer la subtilité de la langue locale différenciant les titres, les prénoms et noms et autres bizarreries grammaticales.

 — D’accord Glover. Je suis Gulkus.
 — Enchanté Kirk. Mais, vous savez, mon chef va arriver dans pas longtemps, donc pour les présentations, on peut attendre un peu ?  
 — Serrons-nous au moins la main, Glover, demanda Glurk.
 — Flower ! Je vous ai dit de vous barrer rapidement ! Vous allez finir...

Avant même que le Colonel finisse sa phrase, on perçut un long silence entrecoupé de grésillements. Puis, plus rien.

 — Lieutenant Potter ! Potter ! répondez !
 — …