Brest, à fuir comme la peste !

11 minutes de lecture

Cléo !

Je suis toujours frigorifié, rien de ce que j’ai pu faire depuis hier soir, n’a réussi à me réchauffer. Glacée jusqu’aux os, j’ai passé la nuit, enrouler dans une couette entre Léo et Joy après qu’elles m’aient fait avaler un grog (version mamie, lait, miel et cognac), mais je n’ai presque pas fermé l’œil, tant je claquais des dents. Depuis ce matin, j’ai le nez qui coule et je n’arrête pas d’éternuer.

Les vacances commencent bien !

Nous sommes en route vers Brest, notre étape des vingt-quatre prochaines heures, mais pour le reste, nous ne savons pas où demain, nous allons nous diriger. Vu le peu de temps où j’ai réussi à dormir, j’ai pu y penser. En fouillant dans le camping-car ce matin, je suis tombée sur une carte de France et depuis notre départ, je suis penchée dessus. Joy conduit, pendant que Léo chante à tu tête et que moi je regarde la carte étalée devant moi. Je suivrais bien le littoral, mais je ne suis pas certaine que trois semaines puissent suffire, il faut tout de même compter le temps de route. Déjà, je peux d’ores et déjà rayer la côte Bretonne, c’est très beau, c’est certain, mais punaise, qu’est-ce que ça caille ! Et puis, c’est relativement proche de Paris, rien ne nous empêche d’y revenir un jour. Genre, quand le réchauffement climatique aura fait son effet et que les températures dépasseront les vingt degrés en plein été !

— Bon, les filles, nous allons perdre une bonne journée de route, mais je pense qu’il faut que nous descendions plus dans le sud pour notre prochaine halte, déclaré-je pendant que je range la carte.

— Et où veux-tu t’arrêter ? me répond Léo en tournant son siège vers moi. J’adore ce truc ! s’exclame-t-elle.

Depuis que nous sommes parties de chez mamie camomille, elle n’arrête pas de s’amuser avec le siège pivotant, si elle continue comme cela, elle va finir par le mettre hors d’usage. Elle se tourne et se détourne, si bien qu’elle va arriver par me filer le mal de mer.

— La Rochelle ! Il me semble qu’aucune d’entre nous ne connaît le coin. J’ai fait quelques recherches sur Google et la ville semble très belle. Il y a également un port, quelques fortifications et un énorme aquarium. De plus, il y a aussi plusieurs plages. En arrivant à Brest, je vais acheter le guide du routard de la région, je suis sûre qu’il doit y avoir d’autres choses à voir. À étudier pour voir combien de temps nous restons sur place. Par pitié Léo, tu veux bien arrêter de faire mumuse avec ce siège, tu vas finir par me faire gerber !

— Rhô ça va !

— Je te jure, si tu continues, je te scotch à ma place jusqu’à ce que nous soyons rendues.

— D’accord, d’accord, pas besoin de t’énerver !

Elle se renfrogne au fond de son siège en croisant les bras sur sa poitrine. Il ne manquerait plus qu’elle boude ! Je croise les yeux rieurs de Joy dans le rétroviseur et je lui souris en retour. Pas besoin de parler, nous pensons exactement la même chose, à savoir que notre amie est complètement siphonnée du bulbe.

— Tient d’ailleurs, pourquoi tu voulais aller à Brest Léo ? demande Joy.

— Pour faire les boutiques bien sûr !

— Léo, nous sommes en vacances, tu ne comptes quand même pas faire les magasins de chaque ville que nous allons traverser ! réponds-je.

— Pas toutes non, mais quelques-unes et puis, je te rappelle que nous avons un pari, miss taille quarante-deux ! me répond-elle en se tournant vers moi.

Mince ! J’avais presque oublié cette histoire de fringues. Mais je peux toujours compter sur ma meilleure amie pour me rappeler ses idées à la con. Elle me regarde avec un grand sourire qui me dit qu’elle est persuadée de gagner. Mais pour avoir déjà goûté la température de l’eau, je n’ai vraiment aucune intention de réitérer l’expérience. S’il le faut, je suis prête à prendre un chausse-pied pour arriver à fermer un pantalon en taille quarante et puis de toute façon, c’est ma taille depuis des années et il n’y a pas de raison que cela ait changée. J’ai pris un peu de poids certes, mais pas tant que cela, même si je ne me pèse jamais, je le sais, je me vois tous les jours dans le miroir.

Nous arrivons à l’entrée de la ville, un peu avant midi. Seul problème, il nous est impossible d’y pénétrer avec notre engin, nous avons dû nous garer sur un air de stationnement pour camping-car. Assez proche, heureusement, néanmoins, je ne vois pas comment nous allons pouvoir visiter les environs à pieds.

— Il faut que nous trouvions des transports en commun, proposé-je. Sinon, nous allons perdre beaucoup trop de temps.

— Je crois que j’ai la solution, répond Léo, alors que nous arrivons aux abords de la ville.

Nous tournons la tête vers ce qu’elle fixe, et… non ! J’espère qu’elle n’est pas sérieuse !

— Tu plaisantes, j’espère ?

— Pas du tout ! Tu vois une autre solution ?

— Le bus ?

— C’est ça ! Et nous allons passer plus de temps à l’attendre qu’autre chose. Avec ça, nous sommes indépendantes et aucun horaire à respecter.

— C’est sûr lorsqu’on aura tué deux, trois personnes, nous n’aurons plus besoin d’attendre, dis-je en marmonnant.

Je suis donc mes deux amies vers le loueur de trottinettes. Je ne suis jamais montée sur ces engins. Depuis un certain temps, les rues et les trottoirs de Paris en sont envahis, les jeunes sont de vrai quelques dangers publics là-dessus.

— Mais pourquoi veux-tu tuer quelqu’un ? Franchement, cela n’a pas l’air compliqué, répond Léo.

J’éclate de rire. Léo n’a jamais posé ses fesses sur un vélo, on a tenté une fois de faire du roller et ce fut une catastrophe, alors, je l’imagine bien sur ce truc. Tout compte fait, je veux voir ça, il doit bien y avoir moyen de rigoler.

— OK, je ne dis plus rien, répliqué-je en levant les mains en l’air.

Arriver sur place, nous réglons la location pour la journée et nous voilà sur le trottoir, nos engins dans une main et un casque dans l’autre. Bon, il a dit qu’il y avait trois vitesses, je vais commencer par la plus petite, le temps de me familiariser un peu.

— Aller, c’est parti ! s’exclame Léo qui a déjà son casque sur la tête et posé un pied sur sa trottinette.

Les secondes s’égrènent et les minutes passent, mais elle ne bouge pas d’un centimètre. Je me demande ce qu’elle peut bien fabriquer. J’enfile mon casque et fixe la sangle sous mon menton. Je déteste avoir un truc sur la tête, je trouve cela vraiment désagréable et surtout gênant. Je pose un pied sur mon engin, choisis la vitesse une et m’apprête à me lancer.

— Ça marche pas sa merde ! Il m’a filé un truc en panne, j’y crois pas ! s’énerve Léo. J’vais lui expliquer comment je m’appelle.

Nous n’avons pas le temps de répondre quoi que ce soit, qu’elle est déjà entrée dans le magasin comme une furie. J’en connais un qui risque de passer un sale quart d’heure.

La mienne non plus ne semble pas vouloir avancer et je trouve cela bizarre. Quelles sont les probabilités que deux engins sur trois ne fonctionnent pas ?

— Joy, elle marche la tienne ?

— Je n’en ai pas l’impression, en tout cas, je n’y arrive pas.

— À mon avis, il doit y avoir une petite subtilité que nous ne connaissons pas, réponds-je en souriant.

J’imagine Léonie en train de s’en prendre à ce pauvre loueur, sans lui laisser une seule chance d’en placer une. Tiens, quand on parle du loup ! Ma copine se rue à l’extérieur et claque la porte derrière elle, son visage est rouge, elle semble un tantinet énerver.

— Vous choisissez votre vitesse, ensuite, vous vous élancez avec le pied, comme avec une simple trottinette et après seulement, vous pouvez appuyer sur le bouton, nous dit-elle. Comme si j’avais la science infuse. CONNARD !

Les passants autour de nous se figent et nous fixent en entendant notre amie hurler. Mais apparemment, elle s’en contrefiche, puisqu’elle est en train de descendre le trottoir à toute allure sur son engin. Quand elle arrive au carrefour, je crains le pire, mais non, elle s’arrête au bon moment, puis elle se tourne vers nous.

— Il faut que je vous envoie une invitation ou quoi ? crie-t-elle.

Sans demander notre reste, nous la rejoignons, mais lentement, si bien, qu’elle doit régulièrement nous attendre à chaque changement de direction. Eh bien, si quelqu’un m’avait dit que ma Léo serait capable de faire de la trottinette sans prendre une gamelle, je ne l’aurais jamais crue. Apparemment, l’énerver lui donne des ailes ! C’est à retenir.

Pas étonner pour deux sous, elle finit par nous conduire devant un grand centre commercial. Cette fille n’a pas le moindre sens de l’orientation, mais lorsqu’il s’agit de trouver des boutiques, alors là, aucune chance de tenter de la perdre.

Deux heures, cela fait deux bonnes heures qu’elle nous fait arpenter tous les magasins qui se trouvent sur son passage. Elle est inépuisable en matière de shopping, sauf que moi, je commence vraiment à avoir faim ! Il est presque quinze heures et nous n’avons encore rien avalé, mon petit déjeuner est digéré depuis longtemps.

— Léo, je te rappelle quand même que nous sommes en vacances et que je n’ai pas l’intention de passer ma journée enfermée à faire les boutiques. De plus, je crève la dalle !

— Aujourd’hui, c’est exceptionnel. OK, allons manger et ensuite on s’occupe de toi. Ma chérie, il est temps de te remettre à la mode, parce que là !

— Quoi ? Elle est très bien ma tenue !

Je porte un jean et un tee-shirt, je ne vois vraiment pas le problème ni en quoi c’est une faute de goût.

— Oui, il y a environ cinq ans de ça.

Avant de me mettre avec Connor, j’adorais faire les magasins avec les filles, mais j’ai fini par rentrer dans la routine et je me suis délaissée. Il ne supportait pas Léo et nous passions de longues périodes sans nous voir. Au fil du temps, j’ai perdu le goût de faire tout ce que j’aimais, comme arpenter les boutiques ou bien passer du temps avec mes copines. Je me rends compte aujourd’hui, que je me suis totalement oublié et qu’il passait toujours en priorité. Je sortais de chez moi sans lui, simplement pour aller travailler ou bien faire les courses, sinon, tout mon temps libre, je le passais en sa compagnie ou à son service. Bref, une vie bien pourrit !

— OK, ça marche, réponds-je en lui faisant un grand sourire avant de la prendre dans mes bras.

Je fais le serment que plus jamais un mec ne me séparera de mes amies. S’il me veut, il signe pour le package, sinon, ciao !

Après un repas pris sur le pouce, nous nous dirigeons vers une boutique de prêt-à-porter dans mon budget. Je suis instit et non pas Rotchilde ! J’ai bien conscience que je ne suis plus à la pointe de la mode, mais si je m’égare trop, mon banquier va me rappeler à l’ordre. Je n’ai pas le temps de fouiller un peu dans les rayons que ma meilleure amie revient déjà les bras chargés d’articles en tout genre. Impressionnant, c’est à croire qu’elle connaît chaque petit recoin de chaque boutique.

— Aller, vas m’essayer ça !

— Tu as pris qu’elle taille ?

— Fais-moi confiance, me dit-elle, essaie et tu verras que j’ai le compas dans l’œil.

Elle me pousse en cabine sans me laisser le temps d’en placer une. En tout cas, elle est rapide, j’espère juste qu’elle sera aussi efficace ! Je suis presque certaine qu’elle m’a mis du quarante, histoire de prouver qu’elle a raison. En tout cas, je me rends compte qu’elle a toujours un goût aussi sûr, tout ce que je viens de pendre est dans mon style.

— Et n’oublie surtout pas de nous en faire profiter, précise-t-elle en s’asseyant sur le banc en face avec Joy, alors que je m’apprête à fermer le rideau de séparation.

Je passe la demi-heure qui suit à essayer toutes les tenues qu’elle m’a préparées et je constate que tout me va très bien. J’observe la dernière que je trouve juste parfaite, elle a bien eu raison de me dire qu’elle m’avait gardé le meilleur pour la fin. Je trouve cette petite robe magnifique, elle est parfaite pour la saison estivale. Seul petit bémol, elle semble trop petite, j’ai du mal à la faire descendre sur mes hanches. En la retirant, je vérifie la taille.

Quarante !

J’inspecte chaque vêtement que je viens de passer et je constate qu’ils sont tous en quarante-deux. Putain ! Elle m’a bien eu, comment je vais me sortir de ce guêpier maintenant ? Elle avait raison, je n’y crois pas d’avoir pris une taille en l’espace de quelques mois. Je m’effondre sur le tabouret derrière moi, comment ai-je fait pour ne pas m’en rendre compte plus tôt ? Je me redresse et me rhabille, il est hors de question que j’admette mes torts, je vais devoir me la jouer fine.

— Ben alors, tu ne nous as pas montré la dernière robe ! s’exclame Léo quand elle me voit sortir.

— Non, je la trouve vraiment trop moche !

— D’accord, et le reste alors, tout te va bien à ce que nous avons constatés.

— C’est quand même un peu grand, mais bon, c’est l’été, je préfère quand même être à l’aise, réponds-je en tendant à la vendeuse la robe en QUARENTE dans laquelle je ne rentre pas. Je vais devoir faire mon deuil !

Je me dirige vers la caisse, tout en évitant soigneusement de croiser le regard de mes copines. On ne peut pas dire que j’excelle dans le mensonge, je n’y ai recours que très rarement, enfin, je ne me fais chopper que très rarement serait plus juste. Mais là, c’est tout de même un cas d’urgence, vous en conviendrez. Je n’ai aucune, mais alors aucune envie d’être obligée de me baigner, c’est bon, j’ai déjà donnée ! Je dépose mes achats sur le comptoir devant la caissière quand on me tape sur l’épaule. Je me retourne et je trouve Léo, un grand sourire sur les lèvres, qui me tend la « fameuse petite robe bien trop petite pour moi »

argh ! Fait chier quand même, elle est super belle ! Mais hors de question que j’admette la vérité !

— Quoi ? demandé-je en relevant les sourcils.

— Tu es certaine que tu ne la veux pas dans la bonne taille ? Parce qu’elle déchire quand même, me dit-elle en faisant un clin d’œil.

— Tu vieillis, tu commences à vraiment avoir des goûts de chiotte toi.

— C’est pourtant l’une de nos tenues far de cette année ! nous coupe la vendeuse derrière-moi.

Je fais volte-face et je la foudroie du regard. Elle ne va quand même pas s’y mettre la pouf.

— Tu vois la morue, écoute la dame, elle sait très bien de quoi elle parle, me souffle Léo à l’oreille tout en me fourrant la robe dans les bras. Tu sais que ça vaut un gage, de tricher à cap ou pas cap, ajoute-t-elle. Mais comme je suis gentille, je laisse couler pour cette fois, à moins que… Tu admettes la défaite !

— Dans tes rêves la « suceuse »

— Elle va prendre celle-ci aussi ! s’exclame-t-elle en explosant de rire.

Je me renfrogne et règle mes achats. Encore une fois, elle m’a eu en beauté.

Annotations

Vous aimez lire Nelra ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0